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LA COUR CONSTITUTIONNELLE : Entre conformité et braconnage juridique (Par Merveille GOZO, Avocate au Barreau de Kinshasa/Matete; Chercheure en intégrité électorale et participation électorale des jeunes; Membre de l’association internationale de droit constitutionnel)

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Documents de réflexion :

– Article 157, 158 et 169 de la Constitution;
– Loi organique n°13/026 portant organisation et fonctionnement de la
Cour Constitutionnelle ;
– Règlement intérieur de la Cour Constitutionnelle;
– Jean-Louis Esambo Kangashe , la Constitution congolaise du 18 février 2006 à l’épreuve du Constitutionnalisme, Academia Bruylant, 2010.

1. FAITS HISTORIQUES

La Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée en janvier 2011, institue la Cour Constitutionnelle comme haute juridiction avec des compétences spéciales [juridiction spéciale], compétences mieux définies par la loi organique portant organisation et fonctionnement de ladite Cour.

Avant son installation effective et celle de ses membres en avril 2015, les prérogatives de cette dernière étaient assurées, de façon transitoire, par la Cour Suprême de Justice, toutes sections réunies. Pour rappel, la défunte Cour Suprême de Justice a été éclatée en fonction de deux ordres de juridictions :
(a) les juridictions de l’ordre judiciaire ( chapeautées par la Cour de Cassation), (b) les juridictions de l’ordre administratif au sommet desquelles se trouve le Conseil d’État. La Cour Constitutionnelle n’appartenant à aucun ordre des juridictions est une juridiction spéciale qui joue le rôle de Tribunal de conflit entre deux ordres des juridictions. Par ce fait, la Cour Constitutionnelle est la juridiction la plus élevée de la République.

2. DE L’INSTALLATION DES MEMBRES

Les tous premiers juges de la Cour Constitutionnelle ont prêté serment en date du 4 avril 2015, une année après la publication de l’ordonnance n° 14/020 du 7 juillet 2014 portant nomination des premiers membres de la Cour.

La Cour est donc composée de 9 (neuf) juges installés par le Président de la République dont 3 sur sa propre initiative, 3 sur l’initiative du Parlement et 3 autres sur initiative du Conseil Supérieur de la Magistrature. La loi fixe les modalités d’organisation et de fonctionnement sur la base du principe d’autonomie.

Notons que les membres de cette haute juridiction ont un mandat de 9 ans, non renouvelable. Suivant l’ordonnance présidentielle du 20 juillet 2020, la Cour avait atteint le nombre de 9 juges conformément à la Constitution, avec la nomination par ladite ordonnance des 3 nouveaux juges.

3. DU REMPLACEMENT DES MEMBRES DE LA COUR

La Constitution du 18 février 2006 développe un régime exceptionnel de remplacement des juges à la Cour. Il s’agit d’un renouvellement, tous les trois (3) ans, par les tiers.  Malheureusement, il n’a pas eu lieu en 2018.

Les 2 premiers renouvellements se substituent au tirage au sort du membre sortant par groupe, c’est-à-dire quota Président de la République, quota Parlement et quota
Conseil Supérieur de la Magistrature.
Au-delà de cette exception, il est reconnu à tout membre de la Cour, la liberté de démissionner sur base de l’article 28 du règlement intérieur.
Il est donc pourvu à son remplacement en respect des textes dont la teneur explicite le mode de prise de fonction du membre qui remplace ( article 8 du R.I de la C.C).

La problématique du tirage au sort du président de la Cour intervenu le 10 mai 2022

Cette problématique est la suite des observations faites par nombreux praticiens du droit et observateurs sociopolitiques qui ont fustigé la manière dont l’installation des 3 nouveaux juges avait été effectuée en 2021. Nombreux ont estimé que le processus ne s’inscrivait pas sur une base légale solide.

Il sied de rappeler que le juge président Benoît Lwamba était investi président de cette juridiction stratégique sur ordonnance présidentielle n°15/024 du 11 avril 2015 ; consécutivement aux événements politiques et électoraux que notre pays a connus, ledit juge a démissionné de la Cour, le 13 juillet 2020 avec procès-verbal prenant acte. Soit 5 ans après sa prise de fonction comme juge constitutionnel, et 2 ans après la validation de son second mandat comme président de cette Haute Cour.

Conformément à la Constitution et à la Loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour en matière d’empêchement d’un membre, particulièrement le président, l’intérim de ce dernier est assuré par le juge le plus ancien selon l’ordre de nomination.

Les attributions du président ont été assurées par le juge Prince Funga qui, lui, a été nommé par l’ordonnance du 4 juillet 2014. De droit, il s’est chargé de l’administration de la Cour jusqu’à l’expiration du mandat du président de la juridiction, Benoît Lwamba, intervenue le 11 avril 2021.

Quid de la désignation de son successeur ?

Etant donné que les candidatures à la présidence de la Cour Constitutionnelle ne sont pas déclarées mais constatées par ses membres afin de préserver le caractère secret du vote. Il a été annoncé le 20 juillet 2021, l’élection du juge Dieudonné Kaluba comme président de la Haute Cour en remplacement du juge président Benoît Lwamba.

La question qui nous revient à l’esprit au regard de la situation complexe, est que l’on ne peut considérer le mandat du juge Kaluba comme étant la poursuite de celui du juge démissionnaire étant accompli par le président ad interim, Prince Funga.

Le tirage au sort n’avait plus sa raison d’être compte tenu des remplacements opérés par l’ordonnance de juillet 2020.
Il est clair que ce changement opéré n’obéit en aucune règle ni en droit ni en jurisprudence.

Le tirage au sort déroge-t-il à la règle de respect des textes, devrions nous continuer à soutenir les antivaleurs qui gangrènent notre société ? Surtout à quelques mois de la tenue des élections et en ce moment crucial pour notre jeune démocratie.

4. LA COUR CONSTITUTIONNELLE : UN ÉMISSAIRE ÉLECTORAL ?

L’opinion publique a été offusquée par le communiqué de service du greffier principal lequel a clairement motivé l’organisation du tirage au sort suite aux instructions du Président de la République par le biais de son Directeur de Cabinet dans une lettre référencée n°1028/05/2022 du 6 mai 2022.

Nombreux observateurs estiment que cette décision intervient en un moment caractérisé par des fortes crises, de tensions et absence de confiance entre parties prenantes, surtout à une semaine de la déclaration publique faite par l’ancien Premier Ministre Matata Ponyo dont les griefs de poursuites ont été classés suite à la décision de la Cour Constitutionnelle qui s’est déclarée incompétente de poursuivre le sieur Matata.

Jugé “trop indépendant et libre” par les collaborateurs du Président de la
République, l’ancien président de la Cour Constitutionnelle, Dieudonné Kaluba n’était, par ailleurs, plus en odeur de sainteté avec le Chef de l’Etat tel que l’ont révélé certains, quelques jours plutôt.

Il est plus que nécessaire pour chaque citoyen congolais de préserver notre jeune démocratie et que les institutions garantissent un environnement propice à l’exercice du pouvoir public en respect des lois du pays, mais aussi en respect du principe des séparations du pouvoir.

La République Démocratique du Congo a obtenu sa première alternance dans un contexte difficile, mais ce pas vers le chemin de la démocratie devra être encadré par tous les citoyens. La Cour Constitutionnelle congolaise est appelée à s’engager sur la voie du renouveau démocratique et constitutionnel dont le juge constitutionnel devra en assurer la stabilité ainsi que la continuité, pour que soient assises les principes et valeurs pour une émergence intégrale de notre Société.

En ce siècle, les juridictions constitutionnelles africaines ne devraient plus servir d’appâts et d’émissaires à la solde des politiques. Les conséquences de cette immixtion sont très remarquables et ne cessent de susciter de vives tensions.


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Processus de Luanda : lancement à Goma d’un mécanisme renforcé de vérification du respect du cessez-le-feu

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Sous la facilitation de l’Angola, un mécanisme de vérification visant à veiller au respect du cessez-le-feu et détecter les différentes violations qui pourraient être commises par le Rwanda et/ ou la République démocratique du Congo a été lancé ce mardi 5 novembre 2024.

La cérémonie y relative a été organisée à la grande barrière de Goma, en province du Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo. La partie R.D. Congolaise a été représentée par la ministre d’État, ministre des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, et son homologue Olivier Nduhungirehe, pour la partie Rwandaise.

Le but est celui d’atteindre les objectifs de l’accord de Luanda, pour la paix dans cette partie Est de la RDC.

« Nous avons tenu à présenter les nouveaux membres du mécanisme avancé aujourd’hui lors de cette cérémonie. Ce qui est très important est dans mon discours et ceux de mes collègues de la RDC est de voir la situation évoluer dans la région des Grands lacs et le respect du cessez-le-feu. Car ceux qui sont dans l’optique de prendre les armes sont dans un mauvais chemin. Nous allons faire de notre mieux pour la réussite du nouveau mécanisme », a assuré Téte António, facilitateur et ministre angolais des Affaires étrangères.

Ont pris également part à ces assises, la représentante spéciale du Secrétaire général des Nations-Unies en RDC, Bintou Keita, le gouverneur de la province du Nord-Kivu, le corps diplomatique, les services techniques de la RDC et du Rwanda, les représentants des confessions religieuses ainsi que des délégués de la Société civile du Nord-Kivu.

Willy Theway Kambulu/CONGOPROFOND.NET


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Bientôt le magazine CONGO PROFOND dans les kiosques à journaux : Simplicité, Pertinence et Découverte