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Boma: la population demande à Denise Nyakeru Tshisekedi de « ressusciter » le port

En séjour au Kongo Central depuis le week-end dernier, l’épouse du Chef de l’Etat, Denise Nyakeru Tshisekedi, est arrivée à Boma ce mercredi 7 octobre dans l’après-midi en provenance de la cité côtière de Muanda.
Accompagnée par le gouverneur de province, Atou Matubuana Nkuluki, la 1ère dame a communié avec la population bomatracienne devant le bâtiment administratif de la Mairie. Une foule importante y était pour voir pour la première fois l’épouse de Félix-Antoine Tshisekedi et présidente de la Fondation Denise Nyakeru.
Des discours, il y en a eu. D’abord, la Maire Marie-Josée Niongo Nsuami a, au nom de la population de sa juridiction, souhaité la bienvenue à la 1ère dame avant de passer la parole au chef de l’exécutif provincial.
Pour sa part, Atou Matubuana a présenté Denise Nyakeru aux Bomatraciens venus nombreux pour la circonstance.
La 1ère dame n’a pas caché sa joie face à cet amour lui démontré. Ainsi, dans son mot, Denise Nyakeru s’est dit honorée pour cette prise de contact. Elle a avoué avoir palpé du doigt les réalités de cette partie du pays pour faire le plaidoyer auprès de son mari. C’est la raison même de sa présence dans le Kongo Central, en général, et dans la ville de Boma en particulier, a-t-elle expliqué à la population.
La foule, en délire, l’a plusieurs fois applaudi et interrompu son adresse en reclamant la réprise totale des activités portuaires à Boma, ainsi que la baisse des coûts de la douane.
Rappelons que ladite ville est dépourvue des entreprises viables et n’a que le port comme plaque tournante des activités commerciales.
Consciente de la situation que traversent les femmes pendant cette période de crise sanitaire, Denise Nyakeru à travers sa fondation, s’est engagée à prendre en charge toutes les taxes payées au niveau des différents marchés de la ville, question de soutenir les femmes vendeuses.
En terminant son discours, Denise Nyakeru est revenue sur le bien fondé du prix « Excellentia » qui octroie des bourses d’études aux élèves diplômés selon un criterium bien défini. Elle a encouragé la jeunesse à s’instruire et à bien préparer l’avenir dès maintenant. A ce sujet, elle a déjà annoncé que Boma va en bénéficier à travers l’un de ses fils.
Il est à noter que l’agenda de la 1ère dame à Boma prévoit plusieurs rencontres avec des associations, forces vives et des visites dans quelques formations médicales.
Sandrine Lisingi / congoprofond.net (Boma)
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Valentin Yves Mudimbe s’en est allé, mais sa parole demeure : l’Afrique orpheline d’un géant de la pensée

Ce jour, la République Démocratique du Congo, l’Afrique et le monde intellectuel viennent de perdre un monument. Valentin Yves Mudimbe, philosophe, écrivain et penseur hors pair, s’est éteint aux États-Unis, laissant derrière lui une œuvre aussi dense que subversive, une parole aussi lucide qu’indomptable.
Né en 1941 à Jadotville (actuelle Likasi), en RDC, Valentin Yves Mudimbe fut l’un des intellectuels africains les plus influents du XXᵉ et du XXIᵉ siècle. Professeur émérite à l’Université Duke, anthropologue, linguiste et romancier, il a marqué les sciences humaines par sa critique radicale des épistémologies coloniales et sa déconstruction des discours dominants sur l’Afrique.
Son œuvre majeure, The Invention of Africa (1988), reste un texte fondateur des études postcoloniales. Mudimbe y démontre comment l’Afrique a été « inventée » par le regard occidental, à travers des catégories de savoir qui ont nié ses propres logiques de pensée. Pour lui, « l’Afrique n’existe pas en dehors des représentations qui la constituent », une thèse qui a révolutionné la manière d’appréhender le continent.
Yves Mudimbe n’était pas seulement un théoricien : c’était un penseur du soupçon, toujours en éveil face aux illusions des idéologies, qu’elles soient coloniales, nationalistes ou néolibérales. Dans L’Odeur du père (1982), il explore les contradictions des élites africaines post-indépendances, dénonçant leur aliénation mimétique. Son roman Entre les eaux (1973) questionne la tension entre engagement politique et spiritualité.
Il a révélé sa propre trajectoire de prêtre jésuite devenu philosophe laïc. Ses travaux sur Foucault, Derrida et les structuralistes européens en font un passeur exceptionnel entre les traditions intellectuelles africaines et occidentales. Pourtant, il refusait toute étiquette : « Je ne suis ni un afrocentriste, ni un occidentaliste. Je suis un penseur de la fracture, de l’entre-deux », disait-il.
Aujourd’hui, alors que l’Afrique est confrontée à de nouveaux défis – néocolonialismes économiques, crises démocratiques, guerres d’influence –, la pensée de Mudimbe reste d’une brûlante actualité. Son questionnement sur « les conditions de production du savoir africain » invite à repenser l’université, la recherche et les médias du continent. Il laisse derrière lui des disciples à travers le monde. Des chercheurs qui continuent de déconstruire les récits hégémoniques.
« Mudimbe nous a appris à douter, à interroger nos propres certitudes ». La RDC en deuil mais l’Afrique en héritage, conclut le polymathe, cet autre géant de la pensée post-coloniale. Le Congo pleure l’un de ses plus grands fils, mais son héritage est impérissable. Dans un pays souvent meurtri par l’amnésie historique, Yves Mudimbe rappelait que « la mémoire est un acte de résistance ».
Alors que les hommages affluent du monde entier – de Paris à Johannesburg, de Dakar à New York –, une certitude s’impose : Yves Mudimbe est mort, mais sa parole, elle, ne mourra jamais. « Les mots ne sont pas innocents. Ils portent en eux la violence de l’histoire. » — Valentin Yves Mudimbe
TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR