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Affaire “Henri Yav” : Comprendre les dessous du dossier 100 millions USD de Mutanda Mining

L’ex-ministre des Finances, Henri Yav Mulang était attendu au Parquet Général près de la cour d’Appel de Kinshasa/Gombe ce jeudi 13 août à 12h. Il devrait être entendu sur un présumé détournement de 100 millions USD payés en 2015 à la Banque centrale du Congo (Bcc) par Mutanda Mining au titre d’impôt sur les bénéfices et profits
Qu’en est il exactement de cette affaire de 100 millions de dollars de Mutanda Mining ? Tout débute avec une lettre du ministre des Finances Henri Yav demandant une dérogation au gouverneur de la Banque centrale du Congo, selon l’article 6 de la réglementation de change en RDC du 25 mars 2013, d’encaisser en monnaie étrangère (Usd), à titre exceptionnel, au profit du compte receveur des impots/DGE n°1150/2009/DGE, la somme de USD 100 millions.
Ce montant représente l’avance sur l’impôt sur les bénéfices et profits versées par la société Mutanda Mining, conformément au protocole d’accord signé avec la RDC en date du 07 janvier 2015.
Il sied de rappeler qu’avant les élections de 2018, soit en 2015, le gouvernement avait sollicité auprès des sociétés minières des avances sur les impôts en vue de faire face à ces impératifs et éviter ainsi le recours à la planche à billet. C’est dans cette optique qu’il obtient en janvier 2015 de Mutanda Mining le paiement de 100 millions USD, payés en deux tranches. D’abord, une première de 20 millions via la BCDC, puis la deuxième tranche par la Banque des Règlements Internationaux (Bri), via l’UBC qui en émet le code Swift.
Tout cet argent est logé dans un sous-compte du Trésor public à la Banque centrale du Congo. Mais parce qu’il faut régulariser la procédure d’autant plus que les impôts sont payés à la Direction générale des impots (Dgi) alors que cette opération est faite sans passer par elle et que les impôts se payent en Francs congolais, la DGI va faire trois imputations sur cet argent en FC que le Gouvernement congolais va utiliser.
Sauf que selon le conseiller principal du chef de l’État, Marcellin Bilomba, cette somme n’est jamais rentrée dans la caisses de l’État pour le compte du Trésor public. Or, un communiqué de presse du quartier général de la Police judiciaire des parquets du 07 août 2020, fait état de plusieurs faits infractionnels et d’une équipe constituée de cinq inspecteurs judiciaires qui sont à pied d’oeuvre depuis trois semaines.
Ce communiqué note que les enquêtes ont permis de découvrir que parmi les administrateurs et auditeurs internes des entreprises et sociétés ciblées, il y a des personnalités politiques congolaises occupant de hautes fonctions dans les institutions du pays et qui ont même touché des dividendes pour les exercices déclarés sans profits.
Finalement des convocations tombent en cascade. C’est Dieudonné Lokadi, ancien directeur général de la Direction générale des Impôts, qui est le premier à être convoqué. Après avoir passé 48 heures dans un amigo du Palais de Justice à Gombe suite à son interpellation et son arrestation par des éléments de la Police judiciaire des parquets, il rentre chez lui le jeudi 06 août 2020.
Selon des informations en circulation dans les milieux judiciaires, il est de nouveau attendu le lundi 10 août pour la poursuite de l’instruction de son dossier. Son interpellation est liée au flou entourant la disparition de la somme de 100 millions de dollars américains, libérés en 2015 par la firme Mutanda Mining, au titre d’acompte sur l’impôt, selon la version attribuée à Dieudonné Lokadi par certains médias et réseaux sociaux.
Au niveau des limiers de la Police Judiciaire des oarquets cependant, la version présentée est celle du paiement de ce montant sous le régime de la « compensation », une pratique contraire aux prescrits des lois des finances du pays.
En plus, on fait état d’un versement suspect dans un compte transitaire à l’étranger, à hauteur de 80 millions de dollars américains, et d’un autre dans un compte de la BCDC (Banque Commerciale du Congo), à Kinshasa.
A en croire des fuites échappées de l’audition de Dieudonné Lokadi au niveau du Palais de Justice diffusées par certains medias, l’intéressé aurait parlé, pour se dédouaner, semble-t-il, de la lourde responsabilité du détournement de 100 millions de dollars américains mis à sa charge.
Il aurait accepté de coopérer avec la justice, en dévoilant notamment le nom d’un ancien ministre des Finances l’ayant autorisé à pratiquer la « compensation » pour les fonds en provenance de Mutanda Mining. Il aurait également communiqué la liste de tous les intervenants dans le dossier, ainsi que la destination réelle prise par les 100 millions de dollars américains aujourd’hui considérés comme n’ayant pas atterri dans un compte du Trésor public.
Le gouverneur de la BCC, Deogratias Mutombo est entendu par la Police judiciaire des parquets et il va de nouveau être entendu sur le rôle de la BCC dans la transaction de cette somme.
Dans le cadre du même dossier, le directeur de la DGDA/Kasindi et son adjoint sont placés sous Mandat d’arrêt provisoire à la prison centrale de Makala.
Au dernier communiqué du 12 août 2020, la Police judiciaire des parquets dit observer le « battage médiatique » au sujet des enquêtes amorcées. Elle dit constater avec « ahurissement que la mythomanie et la délation de la part des kleptocrates impénitents » ont atteint des proportions « inquiétantes ».
Thierry Mfundu/CONGOPROFOND.NET
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Observation électorale : Une affaire de souveraineté de l’État d’abord ! ( Tribune d’Arnold de Jésus IYOMBA, membre de la Société Civile)

Le mercredi 29 novembre 2023, les Congolais ont été surpris d’apprendre que l’Union Européenne avait décidé d’annuler sa mission d’observation électorale en République Démocratique du Congo. « En raison de contraintes techniques échappant au contrôle de l’UE, nous sommes contraints d’annuler la mission d’observation électorale de l’UE en République démocratique du Congo (RDC) », avait annoncé cette organisation politico-économique sui generis qui regroupe à ce jour vingt-sept Etats européens dont la création remonte au début de la décennie 90. Dans le même communiqué, il a été rappelé que la mission de l’UE avait prévu de déployer des observateurs à long terme dans la plupart des provinces de la RDC, mais « cela n’est désormais plus possible ».
Même si l’UE s’était aussitôt empressée d’encourager les autorités congolaises et toutes les parties prenantes « à poursuivre leurs efforts pour faire en sorte que le peuple congolais puisse exercer pleinement ses droits politiques et civils légitimes lors des prochaines élections », promettant même qu’elle « étudie d’autres options avec les autorités congolaises, y compris la possibilité de maintenir une mission d’experts électoraux afin d’observer le processus électoral depuis la capitale », le fait pour elle d’avoir annulé sa mission d’observation des prochaines élections a suscité des réactions de toute part. Une carte blanche pour l’opposition politique congolaise et toutes les forces obscures qui parlent même déjà, « d’une guerre civile ».
Avant de revenir sur cette décision et l’impact qu’elle pourrait avoir sur la suite du processus électoral ainsi que l’état de santé de la démocratie en RDC, qui est agressée dans la partie Est de son territoire par le Rwanda et les terroristes du M23, il est important de relever que c’est en réponse à une invitation du ministère des Affaires étrangères congolais que l’UE avait levé l’option de déployer une mission d’observation électorale (MOE) de l’UE pour les élections générales prévues le 20 décembre 2023.
On se rappellera de la déclaration faite par la suédoise Malin Björk, observatrice en chef de la MOE/UE à ce sujet. « Je suis honorée de diriger la MOE de l’UE en RDC, la première dans ce pays depuis 2011. Tout doit être fait pour que les élections puissent se dérouler dans un climat compétitif, apaisé, inclusif et transparent. Mon souhait est d’apporter une contribution positive au processus. La MOE de l’UE observera et évaluera l’ensemble du processus électoral à la lumière des normes internationales et régionales que la RDC a souscrites », avait-elle affirmé.
De manière pratique, cette MOE/UE envisageait le déploiement d’au moins une quarantaine d’observateurs à travers le pays pour suivre la campagne électorale et prévoyait de rester en RDC jusqu’à la conclusion du processus électoral.
Conformément à sa méthodologie d’observation électorale, cette MOEUE devait publier une déclaration préliminaire et tenir une conférence de presse à Kinshasa après les élections. In fine, elle devait publier un rapport final avec un ensemble de recommandations pour les prochains processus électoraux.
Nul ne peut nier le fait que les multiples processus de démocratisation lancés dans de nombreuses régions du monde, particulièrement en Afrique, il y a quelques décennies, ont été à la base d’une demande croissante de missions d’observation électorale internationale, qui se sont très vite positionnées comme gage d’une évaluation impartiale et indépendante des processus électoraux. Réduction des niveaux de fraude, renforcement du climat de confiance des électeurs au processus électoral, atténuation des conflits, valeur de témoignage, renforcer les institutions et améliorer l’organisation des processus électoraux par le biais des recommandations sont là quelques avantages qu’on reconnaît généralement aux missions d’observation électorale. En réalité, une MOE ne devrait agir que dans le strict respect des instruments du droit international, des bonnes pratiques et de la législation nationale en termes de réalisation d’élections démocratiques.
Éviter toute posture destinée à accroître la méfiance entre parties.
Alors que la CENI et le Gouvernement congolais s’efforcent sans arrêt, surtout dans un contexte où le pays est agressé par le Rwanda, pour un processus inclusif, transparent et crédible, ce retrait de la MOEUE a eu pour premier bénéficiaire l’opposition politique qui, en mal de positionnement, est prête à tout pour décrédibiliser Denis Kadima et son équipe.
Le parti politique de Moïse Katumbi, candidat à l’élection présidentielle du 20 décembre prochain et principal challenger du Chef de l’Etat Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, est le premier à avoir réagi concernant cette annonce de l’UE. En effet, Ensemble pour la République accusait ouvertement le gouvernement congolais.
« Nous dénonçons les manœuvres du gouvernement qui ont contraint l’Union européenne à annuler sa mission d’une importance capitale pour la crédibilité du scrutin. Les entraves mises par les services de sécurité visant à empêcher la mission de disposer du matériel indispensable à la conduite de l’observation des élections à travers le pays préfigurent une fraude électorale massive préparée de longue date. Les signes annonciateurs de cette fraude se caractérisant notamment par le refus de l’audit indépendant du fichier électoral », déclarait son porte-parole, l’avocat Hervé Diakiese, lors d’un point de presse organisé à Kinshasa le vendredi 1er décembre 2023.
Il est vrai qu’un État confirme sa souveraineté entre autres par l’organisation des élections démocratiques, libres et transparentes. Même si les démocraties africaines se retrouvent encore dans une dynamique qui justifient, pour la plupart, la mise en place et le fonctionnement des institutions d’appui telles que les Commissions nationales dites « Indépendantes » pour dépasser la crise de confiance entre parties prenantes et autres forces vives dans ces nations, la question de la souveraineté ne pourrait s’accommoder avec immixtion, imposition, interférences et ingérence. Toute mission d’observation électorale, peu importe son origine, sa méthodologie et sa composition, est tenue de se conformer aussi aux lois et règlements propres au pays où elle entend évaluer la qualité des scrutins organisés. « On ne vient pas choisir sa chambre à coucher quand on est invité par autrui chez lui ! », dit une sagesse africaine.
Pour se référer aux us et coutumes en la matière, il est évident que la qualité d’observateur international ne lui confère aucune immunité particulière, à moins que le pays hôte le prévoie. Tout équipement, incluant des dispositifs de télécommunication, dont pourrait avoir besoin une MOE et qu’elle compterait déployer doit être non seulement compatible avec les éléments de souveraineté du pays organisateur des élections, mais aussi et surtout identifié préalablement par ses services compétents. Dans l’hypothèse selon laquelle les équipements voulus par la MOE/UE aurait représenté des risques importants pour la souveraineté ou la sécurité du pays, les services congolais n’étant d’ailleurs pas tenus de s’expliquer sauf si la condescendance est érigée en valeur, il est tout à fait admissible qu’une telle requête n’aboutisse pas.
Entre l’observation électorale et la sécurité du pays, il n’y a pas débat. C’est ainsi que des personnes avisées s’interrogent encore jusqu’à ce jour sur cette attitude, qu’on pourrait à la limite qualifier de « peu loyale », de l’UE. Ils n’ont pas tort ceux qui pensent que ce refus de se conformer aux exigences de la RDC traduit les intentions obscures de cette mission.
En outre, dans un pays agressé dont une partie est le théâtre des affrontements sanglants et meurtriers, vouloir à tout prix « déployer partout » ses observateurs apparaît comme une irresponsabilité impardonnable. Surtout que, c’est important de le préciser, il nous revient de constater que la même Communauté Internationale n’a jamais eu le courage de sanctionner le Rwanda de Paul Kagame qui décime des populations entières en RDC. On n’a vu jusque-là que des chapelets d’intentions sous la forme des mesures sans impact sur quelques individus. Même l’UE, qui veut donner des leçons en matière électorale, n’a pas fait mieux sur la question du M23 et du régime belliqueux et terroriste rwandais. Cependant, elle se montre très active en matière d’observation électorale et comme juge de l’intégrité électorale en RDC.
L’Afrique se demande d’ailleurs pourquoi les observateurs africains ne sont jamais invités à évaluer la qualité des scrutins organisés par les Occidentaux, dont les pays de l’UE. Pourtant, les dernières élections américaines ont fait couler beaucoup d’encre et de salive, surtout quand on voit comment aujourd’hui, un ancien président des Etats-Unis d’Amérique est malmené par la justice de son pays suite à ses actes durant cette période cruciale.
La décision de l’UE pourrait impacter négativement la suite du processus électoral en RDC, à condition qu’elle ressaisisse à temps et nous épargne toute posture pouvant amplifier la méfiance entre acteurs et parties prenantes. C’est le Gouvernement congolais qui l’avait invité à faire de l’observation électorale en décembre 2023. Ce n’était pas pour sous-traiter les obligations et les responsabilités constitutionnelles du Gouvernement de la RDC. Etant donné qu’elle a décidé d’étudier la possibilité d’organiser une surveillance électorale à Kinshasa, le peuple congolais invite l’UE et toute autre organisation partenaire désirant observer les prochains scrutins de se réserver toute ingérence et ne pas perdre de vue que la CENI et la Cour constitutionnelle sont et restent, au terme de la loi congolaise, les seuls organes institutionnels habilités respectivement pour organiser les élections, proclamer les résultats et valider l’issue desdits scrutins. Toute posture ou conduite contraire serait considérée comme une attitude condescendante de la communauté internationale vis-à-vis du peuple congolais et, même de l’Afrique.
C’est aussi le lieu d’interpeller les organisations africaines à tout mettre en œuvre pour donner à notre continent des mécanismes électoraux que nul ne peut contester. Il est grand temps d’ailleurs de sonner le glas sur les Commissions nationales indépendantes, pour redonner aux Gouvernements africains leur pouvoir régalien d’organiser les élections en toute transparence, crédibilité et souveraineté. Les CENI ont donné aux partenaires occidentaux les moyens de faire pression sur les États et Gouvernements africains. Ce temps est révolu. Il faut tourner cette page politique et cette vision institutionnelle qui humilient chaque jour nos pères des indépendances et ceux qui se sont sacrifiés pour une Afrique forte et prospère. L’observation électorale n’est pas une raison pour vendre la souveraineté de nos pays africains.
Arnold de Jésus IYOMBA, membre de la Société Civile.
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