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Société

Vaste opération d’assainissement des camps militaires et policiers : camp Kokolo, la nouvelle caverne d’Ali Baba

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Réservé, à l’époque coloniale, aux officiers supérieurs belges et gradés congolais sortis des écoles d’infanterie et de commandement de la Force publique, reconnaissables par leurs uniformes bien repassés, bottes et autres chaussures bien cirées et cheveux bien coiffés, le camp militaire Kokolo, près d’un siècle après, présente aujourd’hui le décor d’une grande concession où des villas modernes et des pâtés de logements des familles militaires nombreuses en état de délabrement avancé côtoient des bicoques construites en briques d’argile, des chimbèques dressées avec des branches d’arbres et des boues, ainsi que des studios érigés avec des tôles de récupération.

Le surpeuplement de la ville de Kinshasa, a eu ses conséquences jusque dans les camps militaires, ainsi que ceux de la police. Les chasseurs des espaces verts et terrains lotis ou non, qui jouissent de la complicité des agents des Affaires foncières et de l’impunité, ont franchi la ligne rouge en allant construire sans titre ni droit, des maisonnettes au camp Kokolo. Si les constructions modernes sont en total déphasage avec ces maisonnettes rappelant certains villages de l’arrière-pays, la promiscuité y bat son plein. Il n’est pas surprenant d’y retrouver des terrasses, des cellules de prière, des fumeries de chanvre et des buvettes pour la consommation d’alcool indigène.

Dans ce camp militaire, plus surprenant est le fait qu’il abrite aujourd’hui plus de civils que de militaires. Des soldats actifs, des retraités et leurs dépendants, ainsi que des veuves et des orphelins, constituent la majorité de la communauté du camp Kokolo .

Depuis des décennies, les «Kuluna» y ont fait leur apparition, attaquant sans crainte aussi bien des militaires que leurs épouses, et répandant aussi l’insécurité dans les quartiers voisins, notamment Lingwala, Bandalungwa, Kintambo et Gombe.

Pour échapper aux poursuites judiciaires, quelques malfaiteurs et bandits armés de la pire espèce en ont fait leur bastion imprenable et leurs caches où on écoulent le matin, les butins aux prix défiant toute concurrence. Dès la tombée de la nuit, des ombres couvertes d’imperméables militaires, armes dissimulées sous des blousons noirs, sortait à travers les issues creusées dans les clôtures pour lancer des safaris criminels dans les communes environnantes. Peu avant l’aube, c’est par ces voies détournées que l’on acheminait des butins vers leurs repaires.

Les nouvelles autorités militaires décidées à assainir le camp Kokolo

Au fur et à mesure que s’accumulaient des piles des plaintes au sujet de la présence des bandes de marginaux et des malfaiteurs au camp Kokolo, sur l’ouverture de petits chantiers de construction de logis sociaux pour démunis, quels que soient leurs statuts, on a également enregistré la prolifération de petites terrasses et même de petits centres de formation à la débauche.

De nombreux rapports ont même fait état des conflits locatifs qui ont vu des bailleurs civils narguer des locataires militaires insolvables, et des décisions de déguerpissement à exécuter qui s’entassaient sur la table des dirigeants de l’administration du camp Kokolo, ont fini par susciter le ras-le-bol et leur révolte. C’est ici qu’il nous faut saluer cette décision courageuse et leur détermination à remettre de l’ordre dans ce camp.

Dimanche 16 mai 2021, vers 6 heures du matin, l’opération d’assainissement du camp Kokolo a démarré à l’improviste au moment où de nombreuses familles s’étaient rendues dans les différents lieux de culte de la ville.

Dans certaines bicoques montées avec des tôles rouillées, les équipes de policiers militaires ont surpris de nombreux jeunes entassés sur des cartons et des nattes, des prostituées endormies après des nuits de ronde et de travail intense et des enfants jouant devant leurs maisons.

A l’issue de cette première journée, les fouilles opérées en présence des occupants ont livré leurs secrets. Le bilan sommaire dévoilé par une source proche du commandement du camp Kokolo, donne plus de 200 marginaux neutralisés, des lots d’armes blanches ( machettes, poignards) saisis et quelques butins récupérés, dont les autres détails ne nous ont pas été communiqués.

Signalons que pendant que se déroulait cette vaste opération, alertés par leurs pairs, certains délinquants avaient évacué tôt le camp. On les voyait rassemblés du côté de l’Université Protestante au Congo, les autres maugréant sur l’avenue Shaumba vers l’Institut professionnel de la Gombe.

On croit savoir que trois jours après le départ des équipes chargées de l’assainissement, quelques «Kuluna» tentent de revenir dans leurs anciens logis pour essayer de reconstituer de nouvelles bandes de malfaiteurs.

Si des mesures des contrôles quotidiens ou périodiques ne sont pas prises, l’on connaitra certainement un come back des malfaiteurs au camp Kokolo. Ce qui laissera entrevoir le manque de suivi et de vigilance de la part des responsables du commandement du camp.

Scandalisée, l’opinion publique souhaite que cette même opération puisse s’étendre dans d’autres camps militaires et policiers, non seulement dans la ville de Kinshasa, mais aussi dans d’autres provinces.

J.R.T./LE PHARE

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Valentin Yves Mudimbe s’en est allé, mais sa parole demeure : l’Afrique orpheline d’un géant de la pensée

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Ce jour, la République Démocratique du Congo, l’Afrique et le monde intellectuel viennent de perdre un monument. Valentin Yves Mudimbe, philosophe, écrivain et penseur hors pair, s’est éteint aux États-Unis, laissant derrière lui une œuvre aussi dense que subversive, une parole aussi lucide qu’indomptable.

Né en 1941 à Jadotville (actuelle Likasi), en RDC, Valentin Yves Mudimbe fut l’un des intellectuels africains les plus influents du XXᵉ et du XXIᵉ siècle. Professeur émérite à l’Université Duke, anthropologue, linguiste et romancier, il a marqué les sciences humaines par sa critique radicale des épistémologies coloniales et sa déconstruction des discours dominants sur l’Afrique.

Son œuvre majeure, The Invention of Africa (1988), reste un texte fondateur des études postcoloniales. Mudimbe y démontre comment l’Afrique a été « inventée » par le regard occidental, à travers des catégories de savoir qui ont nié ses propres logiques de pensée. Pour lui, « l’Afrique n’existe pas en dehors des représentations qui la constituent », une thèse qui a révolutionné la manière d’appréhender le continent.

Yves Mudimbe n’était pas seulement un théoricien : c’était un penseur du soupçon, toujours en éveil face aux illusions des idéologies, qu’elles soient coloniales, nationalistes ou néolibérales. Dans L’Odeur du père (1982), il explore les contradictions des élites africaines post-indépendances, dénonçant leur aliénation mimétique. Son roman Entre les eaux (1973) questionne la tension entre engagement politique et spiritualité.

Il a révélé sa propre trajectoire de prêtre jésuite devenu philosophe laïc. Ses travaux sur Foucault, Derrida et les structuralistes européens en font un passeur exceptionnel entre les traditions intellectuelles africaines et occidentales. Pourtant, il refusait toute étiquette : « Je ne suis ni un afrocentriste, ni un occidentaliste. Je suis un penseur de la fracture, de l’entre-deux », disait-il.

Aujourd’hui, alors que l’Afrique est confrontée à de nouveaux défis – néocolonialismes économiques, crises démocratiques, guerres d’influence –, la pensée de Mudimbe reste d’une brûlante actualité. Son questionnement sur « les conditions de production du savoir africain » invite à repenser l’université, la recherche et les médias du continent. Il laisse derrière lui des disciples à travers le monde. Des chercheurs qui continuent de déconstruire les récits hégémoniques.

« Mudimbe nous a appris à douter, à interroger nos propres certitudes ». La RDC en deuil mais l’Afrique en héritage, conclut le polymathe, cet autre géant de la pensée post-coloniale. Le Congo pleure l’un de ses plus grands fils, mais son héritage est impérissable. Dans un pays souvent meurtri par l’amnésie historique, Yves Mudimbe rappelait que « la mémoire est un acte de résistance ».

Alors que les hommages affluent du monde entier – de Paris à Johannesburg, de Dakar à New York –, une certitude s’impose : Yves Mudimbe est mort, mais sa parole, elle, ne mourra jamais. « Les mots ne sont pas innocents. Ils portent en eux la violence de l’histoire. » — Valentin Yves Mudimbe

TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR

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