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Traite des personnes : 21 victimes de la prostitution forcée déposent une plainte contre leurs bourreaux à Bukavu
Il s’agit de 21 filles et enfants victimes de prostitution forcée qui ont porté plaintes au parquet de Bukavu dans le Sud- Kivu contre leurs bourreaux. Ces victimes attendent que la justice fasse son travail afin de mettre hors d’état de nuire leurs bourreaux et réparer tous les préjudices causés par ces criminels conformément à la loi.
C’est au cours d’une conférence de presse sur la vulgarisation de la nouvelle loi qui criminalise la traite des personnes en RDC, organisée conjointement par la division provinciale des Affaires sociales, la coordination de la Jeunesse, la lutte contre les violences faites aux femmes et traite des personnes (une structure de la présidence de la République), la clinique juridique UJEOPAD et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), à Bukavu le vendredi 10 mars dernier, que cette information a été livrée à la presse.
« Nous avons identifié 21 victimes de la traite des personnes qui ont toutes émis le vœu de porter plainte en justice contre leurs bourreaux. Donc, pour nous, la loi tombe à point nommé parce que ce sera pour la toute première fois dans l’histoire qu’une plainte est déposée en justice pour ce cas spécifique de la traite de personnes », a déclaré Marcellin Kabugu, qui fait partie des avocats des victimes de la traite de personnes du Sud-Kivu.
Pour sa part, le conseiller technique de l’OIM, Ely Thelot, a précisé que la nouvelle loi prévoit le mécanisme de protection et de réinsertion sociale des victimes.
« Grâce à la nouvelle loi, ces filles peuvent maintenant être reconnues comme étant victimes de la traite des personnes à part entière. En surmontant leur peur, elles peuvent être considérées comme des exemples à suivre par les autres victimes de la traite des personnes et pourront avoir accès à la justice et bénéficier d’une assistance holistique de la part des acteurs de première ligne impliqués dans la lutte contre la traite des personnes », a-t-il déclaré, en poursuivant que l’OIM espère que le parquet qui a saisi le dossier puisse faire d’urgence et interpeller les bourreaux afin qu’ils soient arrêtés, jugés et qu’une sentence soit prononcée contre ces bourreaux qui s’enrichissent au détriment de leurs victimes en les soumettant à l’esclavage sexuel, à la traite des personnes sous forme des prostitutions forcées.
La justice du Sud-Kivu dispose de tous les moyens pour poursuivre et condamner les bourreaux de la traite des personnes. « Nous disposons de ressources nécessaires. La justice collabore avec tous les services dont la police, les services de renseignements et de sécurité et d’autres encore, d’ailleurs tous les bourreaux sont bien connus par leurs victimes. Ça dépendra des moyens que l’Etat met à la disposition de la justice que nous parviendrons à atteindre les auteurs de tous ces faits », a affirmé le magistrat Abedi Sikafu, substitut du procureur général près la Cour d’appel du Sud-Kivu.
Rappelons que la coopération norvégienne et le gouvernement américain à travers son agence pour le développement de international (USAID) ont apporté leur soutien pour les dépôts de ces plaintes par les victimes au parquet de Bukavu. Ces bourreaux, une fois reconnus coupables, ils encourent une peine de 10 à 20 ans de prison et une amende allant de 30 à 60 millions de francs congolais, selon l’article 3 la nouvelle loi qui criminalise la traite des personnes en RDC.
Elda Along/CONGOPROFOND.NET
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Le tribalisme institutionnel en RDC : un frein majeur au développement national
La République Démocratique du Congo (RDC), pays d’une immense diversité ethnique et culturelle, fait face à un défi de taille : le tribalisme institutionnel. Ce phénomène, s’est amplifié ces dernières années et constitue un obstacle majeur au développement harmonieux du pays. Notre analyse se penche sur la manière dont cette pratique s’est enracinée dans les sphères religieuses et académiques, deux piliers essentiels de la société congolaise.
L’héritage colonial et ses répercussions actuelles
L’histoire de la RDC est profondément marquée par son passé colonial. La stratégie du “diviser pour régner” employée par les autorités belges a laissé des cicatrices durables dans le tissu social du pays. Cette politique a exacerbé les divisions ethniques, créant un terrain fertile pour le tribalisme qui persiste jusqu’à aujourd’hui.
Les données démographiques, bien qu’anciennes, témoignent de la complexité ethnique du pays. Le dernier recensement officiel, datant de 1984, dénombrait plus de 350 groupes ethniques distincts. Cette diversité, qui pourrait être une source de richesse culturelle, est souvent instrumentalisée à des fins politiques et économiques.
Les communautés religieuses : un miroir des divisions ethniques
Les grandes communautés religieuses de la RDC, notamment les églises évangéliques, sont au cœur de cette problématique. Des observations sur le terrain et des analyses de la composition des organes de direction de ces institutions révèlent une tendance inquiétante à la surreprésentation de certains groupes ethniques.
Prenons l’exemple de la Communauté Baptiste du Centre de l’Afrique (CBCA), une institution majeure dans l’est du pays. Bien qu’opérant dans une région multi-ethnique, la composition de ses instances dirigeantes semble favoriser de manière disproportionnée les membres d’une ethnie particulière.
De même, la Communauté Presbytérienne de Kinshasa (CPK), qui se veut une église nationale, présente une structure de leadership qui reflète une forte concentration régionale, avec une majorité de ses cadres supérieurs provenant d’une seule province.
Ces pratiques, loin d’être isolées, semblent être répandues dans de nombreuses institutions religieuses à travers le pays. Elles soulèvent des questions importantes sur l’inclusivité et l’équité au sein de ces communautés, censées promouvoir l’unité et l’égalité.
Le monde académique : reproduction des schémas tribaux
Le secteur de l’enseignement supérieur n’échappe pas à cette dynamique. Des observations dans plusieurs universités majeures du pays, tant publiques que privées, mettent en lumière des schémas similaires de favoritisme ethnique.
L’analyse de la composition du corps professoral et des postes administratifs dans certaines institutions révèle une surreprésentation flagrante de certains groupes ethniques. Cette situation est particulièrement prononcée dans les universités régionales, où le corps enseignant et l’administration reflètent souvent la composition ethnique locale, au détriment de la diversité nationale.
Cette pratique a des conséquences graves sur la qualité de l’enseignement et de la recherche. Elle limite la diversité des perspectives, freine l’innovation et perpétue un système où le mérite est souvent secondaire par rapport à l’appartenance ethnique.
Impact sur le développement national
Les répercussions du tribalisme institutionnel vont bien au-delà des murs des églises et des campus universitaires. Elles affectent profondément le développement économique et social du pays dans son ensemble.
Les indicateurs de développement placent systématiquement la RDC parmi les pays les moins avancés. Selon l’Indice de Développement Humain, la RDC se classe régulièrement dans le dernier quart du classement mondial. Bien que de nombreux facteurs contribuent à cette situation, le tribalisme institutionnel joue un rôle non négligeable en entravant la méritocratie et l’allocation efficace des ressources humaines.
Dans le secteur privé, des enquêtes menées auprès d’entrepreneurs révèlent que la discrimination basée sur l’origine ethnique reste un obstacle majeur dans l’accès aux opportunités d’affaires et aux financements. Cette situation freine l’innovation et la croissance économique, privant le pays de talents et d’idées qui pourraient contribuer à son développement.
Le jeu dangereux des alliances politiques
L’analyse des nominations à des postes clés au sein des institutions religieuses et académiques révèle souvent des coïncidences troublantes avec les changements politiques au niveau national ou provincial. Ces observations suggèrent l’existence d’un système d’échange de faveurs entre certaines communautés religieuses, des universités et le pouvoir politique.
Ce système de clientélisme basé sur l’appartenance ethnique perpétue un cercle vicieux où le mérite et les compétences sont relégués au second plan. Il contribue à maintenir en place des structures de pouvoir qui ne reflètent pas la diversité du pays et ne servent pas nécessairement ses intérêts à long terme.
Vers des solutions : initiatives et perspectives
Face à ce constat, des voix s’élèvent dans la société civile congolaise pour demander un changement. Des propositions émergent, telles que l’instauration de quotas ethniques dans les institutions publiques et parapubliques pour garantir une représentation équitable de toutes les communautés.
Certaines universités ont commencé à mettre en place des programmes visant à promouvoir la diversité ethnique au sein de leur corps enseignant et étudiant. Bien que ces initiatives soient encore à leurs débuts, elles représentent un pas dans la bonne direction.
L’inclusion : un défi pour l’avenir de la RDC
Le tribalisme institutionnel en RDC est un phénomène complexe, profondément enraciné dans l’histoire et la culture du pays. Son éradication nécessitera des efforts concertés de la part de tous les acteurs de la société congolaise.
La lutte contre cette pratique est essentielle pour l’avenir du pays. Elle est indispensable pour garantir l’égalité des chances pour tous les Congolais, indépendamment de leur origine ethnique, et pour permettre au pays de tirer pleinement parti de la richesse de sa diversité.
Le chemin vers une société plus égalitaire et méritocratique sera long, mais il est crucial pour la cohésion nationale et le développement durable du pays. Les années à venir seront déterminantes pour voir si la nation congolaise saura relever ce défi et transcender ses divisions pour construire un avenir commun prospère.
Franck Tatu
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