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RDC/Beni: 4 ans après, les égorgeurs n’ont toujours pas d’identité réelle

Triste célébration ce lundi 15 octobre du quatrième anniversaire des massacres en ville de Beni dans la province du Nord-Kivu. Plusieurs activités ont été organisées à l’occasion de cette journée, notamment des messes et des séances de réflexion sur la paix.
La couche estudiantine s’est réunie au stade de Kanzuli en commune de Bungulu ce même lundi pour échanger sur la situation sécuritaire de l’heure. En commune rurale de Kasindi, comme dans la sous division de l’EPSP de Bulongo, les cours sont suspendus pour deux jours, lundi et mardi. 4 ans après, les égorgeurs n’ont toujours pas d’identité réelle !
Retour sur la situation 4 ans après la tragédie
C’était mercredi 15 octobre 2018 que des rebelles présumés d’Allied Democratic forces(ADF) ont attaqué la ville de Beni dans la partie Est en commune de Rwenzori. Ils avaient tué par armes blanches 33 personnes, selon le bilan évoqué par la société civile locale. Mbafele Emmanuel, l’un des rescapés de ce carnage abordé par CONGOPROFOND.NET, s’inquiète de la dégradation de la situation sécuritaire et socio-humanitaire dans la région. Larmes aux yeux, il raconte ce qui s’est passé ce jour là:
«J’ai perdu ma sœur et son mari au champ. Le soir, il y a eu des gens visibles vers la plantation Bonebana, les gens pensaient à des gens du milieu. Vers 19 heures un commandant des FARDC les a rencontrés et leur a demandé de s’identifier. Sans sommation, ils ont tiré sur lui et le militaire est mort sur place. C’est par là qu’ils ont commencé le massacre et il y a eu des alertes un peu partout. Ils sont arrivés chez le chef Musekuse(chef de la place), ils y ont exécuté un garçon. Dans une autre maison, ils ont massacré toute la famille. Ils ont tué chef Bambiti de Kadou. Jusque maintenant les tueries à grande échelle continuent. Voilà ça fait 4 ans de misère rien n’a changé…», a expliqué ce rescapé.
Aussitôt ramassés, les corps de ces 33 victimes des massacres étaient allongés à la tribune du 8 mars puis enterrés au cimetière de Masiani dans une fosse commune en présence de différentes autorités politicoadministratives régionales et onusiennes.
Quelques jours après, le maire de la ville de Beni, Nyonyi Bwanakawa, a immortalisé cet événement en baptisant notamment le stade municipal de Beni du nom du « Stade du 15 octobre ».
Retour à la case départ !
Alors que les opérations militaires sont en cours, les assaillants continuent à tuer la population. Ils ont depuis un certain temps intensifié des attaques contre la population civile, voire des positions militaires. Ces bandits ont tué des centaines de personnes au cours des différentes attaques et kidnappé plusieurs autres. Des déplacements massifs des populations sans précédent se font enregistrer chaque jour et inquiètent des nombreux habitants de Beni.
Il sied de rappeler qu’une délégation parlementaire a fini sa mission dans cette ville, enquêtant sur la situation sécuritaire dans cette région. Elle a promis de soumettre ses recommandations au service de tutelle. Entre-temps, l’autorité urbaine annonce à très bientôt l’arrivée de la délégation de la chambre haute du sénat pour le même fait.
Delphin Mupanda/CONGOPROFOND.NET
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Corridor de Lobito, PGII, AGOA : à Luanda, Kinshasa veut sortir de l’ombre

La participation du président congolais Félix Tshisekedi au 17ᵉ Sommet des affaires États-Unis-Afrique, qui s’est ouvert ce 23 juin à Luanda, dépasse la simple logique de présence protocolaire. Elle marque une inflexion stratégique dans la diplomatie économique de la République démocratique du Congo (RDC), qui cherche à redéfinir sa place dans la nouvelle cartographie industrielle du continent.
Ce sommet, organisé par le Corporate Council on Africa, réunit plus de 1 500 décideurs publics et privés. Il s’inscrit dans un contexte où les rapports entre puissances et pays africains connaissent une redéfinition accélérée, sous l’effet conjugué des rivalités sino-américaines, des pressions climatiques et de la reconfiguration des chaînes de valeur mondiales.
Changement de posture : la RDC ne veut plus subir la mondialisation, elle veut la façonner
La prise de parole attendue de Félix Tshisekedi sur le projet du Corridor de Lobito révèle une ambition politique claire : transformer les infrastructures régionales en leviers d’influence géoéconomique. Ce corridor ferroviaire, qui vise à relier les provinces minières de la RDC et de la Zambie aux ports angolais, incarne bien plus qu’un chantier logistique. Il symbolise une volonté de rupture avec un modèle extractif qui a longtemps cantonné le pays à un rôle périphérique.
À travers ce projet, soutenu par le Partnership for Global Infrastructure and Investment (PGII) — la réponse américaine à l’initiative chinoise Belt and Road — Kinshasa tente de s’imposer comme un point nodal dans la stratégie d’approvisionnement occidental en minerais critiques, tout en défendant une industrialisation localisée.
Cette démarche s’inscrit dans une double logique : sécuriser les débouchés tout en renforçant la capacité du pays à générer de la valeur ajoutée sur place. En d’autres termes, la RDC aspire à passer du statut de fournisseur de matières premières à celui de co-producteur dans les chaînes globales.
Une fenêtre diplomatique à exploiter avec précaution
Les discussions bilatérales de Tshisekedi, notamment avec l’entourage du président américain Donald Trump, interviennent dans un climat d’incertitude commerciale. L’accord AGOA (African Growth and Opportunity Act), instrument central des relations économiques USA-Afrique depuis plus de deux décennies, arrive à expiration en septembre 2025. Son avenir reste flou, et les signaux politiques en provenance de Washington oscillent entre maintien sélectif et refonte structurelle.
Dans ce contexte, la RDC tente de capitaliser sur une présence active et ciblée : elle se positionne comme un interlocuteur stable, doté d’un agenda industriel affirmé, dans un environnement régional encore marqué par des instabilités récurrentes. Ce positionnement est d’autant plus stratégique que les États-Unis cherchent à rééquilibrer leur influence face à la Chine, qui vient d’annoncer une quasi-suppression des droits de douane pour plusieurs produits africains.
Un test grandeur nature pour la crédibilité de Kinshasa
Mais cette ambition ne peut se contenter d’annonces. Elle appelle des résultats tangibles, à commencer par la capacité du gouvernement congolais à structurer ses filières industrielles, sécuriser ses réformes foncières et fiscales, et garantir un cadre juridique attractif pour les investisseurs.
Le sommet de Luanda sert donc de test : il ne s’agit plus simplement d’attirer l’attention, mais de démontrer la solidité d’un projet économique cohérent. La RDC devra prouver qu’elle peut sortir du cycle bien connu « ressources-extraction-exportation » pour entrer dans un schéma « ressources-transformation-partage de valeur ».
Vers un repositionnement structurel ou simple opération de communication ?
L’activisme économique de la RDC, visible à Luanda, traduit une prise de conscience : celle que l’avenir du pays ne réside pas dans le volume de ses exportations brutes, mais dans sa capacité à intégrer les standards et les exigences des chaînes de production mondiales.
Il reste à savoir si cette dynamique s’inscrira dans la durée ou si elle demeurera circonstancielle, dictée par le calendrier électoral américain, la volatilité des cours des métaux, ou les aléas internes congolais. Ce qui est certain, en revanche, c’est que la RDC s’est engagée dans une reconfiguration stratégique qui ne laisse plus de place à la passivité. Elle veut compter. Il lui faudra maintenant convaincre.
Franck Tatu