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Paul Nsapu: ” Je suis formé pour les élections ! “( Interview exclusive CONGOPROFOND.NET)
Paul Nsapu s’explique sur sa candidature à la tête de la Commission électorale nationale indépendante ( CENI) et dégage des pistes pour, enfin, avoir des élections libres, démocratiques et transparentes en 2023. Interview exclusive avec ce défenseur des droits de l’Homme et spécialiste des matières électorales.
CONGOPROFOND.NET: Monsieur Paul NSAPU, nous vous accueillons en tant que défenseur des droits de l’homme reconnu. Vous présentez maintenant votre candidature pour la présidence de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). Comment liez-vous ces deux domaines, surtout dans ce contexte ?
PAUL NSAPU : Merci de me donner la possibilité de m’exprimer. En réalité, il n’y a aucune incompatibilité, aucune incohérence, aucune distinction à introduire dans ma qualité de défenseur des droits humains et de prétendant à la présidence de la CENI : les droits de l’homme sont le fondement de mon engagement civique et les élections sont le levier sur lequel je suis appuyé pour défendre les droits humains ; si vous voulez schématiser, vous pourrez dire que je suis un défenseur des droits de l’homme spécialisé dans les élections. Les droits de l’homme sont étendus, nombreux et se présentent même par génération dans certains pays développés. Ils se subdivisent aussi par catégories : les droits des femmes, les droits des enfants, les droits des personnes vivant avec handicap, les droits des réfugiés, les droits des travailleurs, les droits des migrants etc. Dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, mon engagement, mon implication et mes activités concernent l’Article 21 qui énonce ceci permettez-moi de le lire :
“Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis.
Toute personne a droit à accéder dans des conditions d’égalité, aux fonctions publiques de son pays.
La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équitable assurant la liberté du vote”.
C’est ce que je crois. Le domaine des élections, c’est mon travail ; je le fais légalement depuis le 30 Avril 1990. Cependant, ce qui a réveillé ma conscience, c’est le choc planétaire généré par le massacre des enfants de SOWETO le 16 Juin 1976 : la désapprobation contre le régime raciste d’Afrique du Sud avait été totale. C’est à ce moment que je suis devenu défenseur des droits de l’homme.
CONGOPROFOND.NET : La Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) a souvent été décriée et les résultats qu’elle proclame font souvent l’objet des contestations. Que comptez-vous faire pour inverser la situation ?
Paul Nsapu: Je suis un défenseur des droits de l’homme, je défends les droits des femmes et des hommes qui votent. Je travaille sur les matières et les questions qui se rapportent à l’organisation des élections. De bonnes élections. Comme certains sont médecins, d’autres magistrats, d’autres encore agronomes ou banquiers etc. moi, je suis formé pour les élections, je travaille dans les matières liées à l’organisation des élections.
Dans mes activités j’associe et j’implique tous les intervenants qui sont dans d’autres domaines d’activités et qui sont concernés par l’organisation des élections comme les Démographes de l’Institut Démographique, les Ingénieurs Statisticiens de l’INS, les Professeurs de Droit Constitutionnel, les Journalistes etc. les élections sont un vaste domaine qui font intervenir des compétences diverses. J’ai toujours travaillé en mode de partage : je les ferai souvent intervenir pour corriger, apporter des amendements pour améliorer les choses et changer la situation.
Pendant le Dialogue Inter Congolais de Sun City et Pretoria en 2001, avec le défunt Sabin BANZA qui était le Vice-président de la Ligue des Electeurs (L.E), nous avions fait un grand plaidoyer auprès de toutes les délégations pour adopter le principe de la création d’une Commission Electorale Indépendante (CEI), qui soit autonome du Gouvernement ou du Ministère de l’Intérieur, aujourd’hui nous avons une CENI ; je suis candidat à la présidence pour améliorer l’organisation des élections dans toutes leurs étapes. Je compte travailler pour le renforcement des capacités techniques des équipes qu’on déploie lors des scrutins dans les Bureaux et Centres de votes ; organiser de grandes campagnes d’éducation civique et électorale et veiller à ce que les droits des électeurs et des candidats ne soient pas lésés.
CONGOPROFOND.NET : Restons encore sur la CENI, on attend encore la promulgation de la nouvelle loi organique et la mise sur pied de la nouvelle équipe de la CENI, cependant, les tiraillements persistent, tout le monde n’est pas d’accord sur cette loi. Qu’en dites-vous ?
Paul Nsapu: cela n’est pas étonnant, cela ne pouvait qu’arriver : la question de l’organisation des élections a une dimension centrale pour le fonctionnement d’une démocratie. Partout où l’on se prépare à aller aux élections, il y a toujours des interprétations particulières en ce qui concernent les faits, les gestes et les actes que posent les hommes politiques. Certains soupçonnent, d’autres suspectent, les autres accusent, il y en a qui dénoncent, d’autres soutiennent les positions du pouvoir… Bref, il faut souhaiter que tout cela se fasse dans la paix, c’est cela l’ambiance des campagnes électorales.
En 1991, à la Conférence Nationale Souveraine (CNS), lorsqu’il s’était agi d’aborder la question de l’organisation des élections, l’on avait engagé un vaste débat ; car MOBUTU et ses partisans tenaient absolument à demeurer au pouvoir : ils avaient multiplié les complications qui avaient fait durer la conférence et la phase transitoire qui avait suivi. En 1995, on avait pris l’option de confier l’organisation des élections à une Commission Nationale Electorale (CNE) qui était présidée par le Professeur BAYONA BA MEYA, elle sera mise sur pied en 1996 : elle était composée de 44 membres dont 22 pour l’opposition politique (USORAL) et 22 pour la Mouvance présidentielle c’est-à-dire MOBUTU et ses partisans. Tout le monde n’était pas d’accord, il y avait des tiraillements, pire on avait eu des menaces, des intimidations, c’était dangereux.
C’est grâce à la clairvoyance des organisations de défense des droits de l’homme du « Comité Droits de l’Homme Maintenant ! » et de la Ligue des Electeurs (L.E) que j’avais été emmené en 1996 à initier une structure propre à la Société Civile qu’on avait appelé tout simplement Commission Electorale Indépendante (CEI) qui était composée des délégués de syndicats, des membres des Organisations de défense des droits de l’homme, des membres des organisations féminines, des fidèles des églises et des animateurs des associations d’éducation civique et électorale.
C’est ce que certains semblent encore réclamer de nos jours.
La société civile est constituée de l’ensemble de tous les corps intermédiaires qui sont quotidiennement au service des communautés de base, des populations ou des collectivités : il s’agit des femmes, des hommes et des jeunes qui œuvrent bénévolement dans l’esprit d’inclusion ; ils font participer tout le monde sans esprit de parti pris. En tant que défenseur des droits de l’homme, notre souci était de mettre sur pied une structure technique plurielle dans son engagement social et civique, où les membres seront à l’abri des tiraillements partisans et des comportements antagonistes, c’est cela que nous voulions pour la société civile.
J’avais même en 1995 publié une réflexion sur la Loi N°95-003 du 10 Mai 1995 portant Organisation et Fonctionnement de la CNE. Dans mon ouvrage j’avais relevé ce que nous vivons aujourd’hui c’est-à-dire la suspicion, le soupçon, le manque de consensus et le malaise.
CONGOPROFOND.NET : vous êtes candidat au poste de président de la CENI alors que cette institution est l’objet de quelques critiques de la part de certains acteurs socio-politiques. Qu’en pensez-vous ?
Paul Nsapu: En ma qualité de défenseur des droits de l’homme, je suis de surcroit un défenseur des droits des électeurs, défenseur de celles et ceux qui votent pour exercer leur droits civils et politiques. Je serai soucieux de la façon dont les gens vont voter ; la CENI a la mission d’organiser les élections, elle a la lourde responsabilité de faire que les congolais votent librement et dans la dignité.
L’ambiance qu’on observe maintenant alimente notre liberté commune, chacun est libre de s’exprimer, d’exprimer ses opinions cependant, il faut s’interdire d’offenser les autres, de les accabler tout simplement pour nuire à leur réputation !
La démocratie fonctionne partout avec des gens qui sont pour, contre et, même indifférents !
Je ne suis pas favorable à ce qu’on instaure une société qui fonctionne sur la base et le principe de l’unanimité, cela peut déboucher sur la dictature ! Acceptons donc qu’il y ait des opinions contraires, diverses et variées. L’adage populaire affirme que de la discussion jaillit la lumière ! C’est cela qui éclaire tout le monde.
Je vous rappelle que c’est au Dialogue Inter Congolais en 2002 que les Congolais avaient levé l’option de mettre sur pied les institutions d’appui à la démocratie dont la Commission Electorale Indépendante (CEI) était l’une d’entre elles. Dans le contexte de ce moment, l’Eglise, toutes tendances confondues, avait grandement joué un rôle modérateur pour lequel lors de la mise sur pied des institutions de la transition, non seulement la CEI, mais aussi la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) et le Sénat avaient été confiés à Messeigneurs KUYE DONDO et MARINI BODO de l’Eglise du Christ au Congo.
Pendant la Transition, sous mon impulsion, c’est la Ligue des Electeurs (L.E) qui avait élaboré le texte relatif à la proposition de la loi organique portant sur la Création, Composition et le Fonctionnement de la Commission Electorale Indépendante (CEI). Endossée par Madame Marie BAPU, Députée, membre du Conseil d’Administration de la Ligue des Electeurs (L.E). Cette proposition qui avait été présentée et remise officiellement aux parlementaires le 06 septembre 2003 avait failli être torpillée par certains députés qui avaient décidé de la subtiliser et de la remplacer par un autre texte ! C’est grâce à la détermination de la Société Civile que l’Assemblée Nationale de la Transition était revenue aux bons sentiments mais dans leur détermination de dominer la Commission, les partis et entités impliqués dans les institutions de la transition avaient comme pour les autres institutions, organisé le partage vertical et horizontal du pouvoir : la CEI fut donc composée en grand nombre des délégués des partis politiques ; cela plaça l’institution dans le champ clos des antagonismes politiciens. Cela a durablement affecté le processus politique au point où à chaque cycle électoral, les acteurs socio-politiques discutent pendant de longues séances sur la composition de la Commission Nationale Indépendante (CENI).
Dans leur ensemble, les processus électoraux ont souvent été l’objet de tiraillements, d’absence de consensus et de méfiance pour lesquels même les âmes vertueuses ne sauraient opérer des miracles car tout cela étant fait dans le cadre de la loi, participe au fonctionnement de la démocratie, ce modèle pour lequel nous nous battons. C’est dur mais c’est la loi.
CONGOPROFOND.NET : N’est-il pas possible d’améliorer les choses ? Que propose concrètement M. Paul NSAPU, candidat président de la CENI ?
Paul Nsapu : En tant que défenseur des droits de l’homme concerné par les questions électorales, j’observe aussi qu’à chaque cycle, on revit le même scénario. Nous ne sommes pas condamnés à la fatalité. Ma longue expérience de l’observation et de l’évaluation de la vie politique congolaise me renseigne que notre processus de démocratisation est en train de gagner en maturité. Nous sommes une génération en mutation, nous avons en commun la responsabilité de consolider l’unité nationale. Nous voulons la démocratie avec des électeurs qui participent aux élections en votant. Le débat sur la CENI reviendra à chaque étape.
Je suis candidat pour la présidence de la CENI ; c’est pour répondre à un devoir civique à l’appel lancé par des milliers de nos compatriotes.
Pour moi, il s’agit d’apporter ce que je sais faire, ce que je fais souvent et que je peux faire afin de contribuer à la normalisation de la situation socio-politique de mon pays.
Président de la CENI, je serai accessible pour tous sans exclusion. Je ferai de cette institution une CENI de tout le monde, y compris des Congolais qui constituent la diaspora.
Avec les partis politiques, bien qu’ils déploient leurs représentants pour être leurs témoins tout au long du processus électoral, avec eux, je créerai un cadre de coopération qui sera l’espace pour dialoguer car ce sont eux qui sont les principaux intervenants de la vie politique ;
Avec la Société Civile, je redynamiserai le cadre de concertation des Acteurs Non-Etatiques (ANE) et la CENI. Cadre dont j’étais Co-initiateur et porte-parole de 2004 à 2005.
Sur le plan du travail : je sais produire les outils didactiques et le matériel d’éducation civique et électorale ; je sais administrer les campagnes de mobilisation des populations. Je vous rappelle que sous mon impulsion, depuis 1994, la Ligue des Electeurs a pu former plus de 50.000 observateurs des élections, sans compter les animateurs du mouvement démocratique.
Dans mon travail, j’ai toujours associé et impliqué les acteurs socio-politiques et les experts et autres techniciens œuvrant dans les matières électorales.
Au cas je suis élu à la présidence de la CENI, je mettrai mon expérience, mon savoir et mon dévouement à la disposition de cette institution d’appui à la démocratie dont je respecterai chacune et chacun des membres.
CONGOPROFOND.NET : L’organisation des élections nécessite de moyens financiers énormes, au point où on n’a pas encore pu organiser les scrutins de proximité comme celui des bourgmestres, des maires etc. Comment comptez-vous vous y prendre puisqu’il faut que le pays soit administré par les femmes et les hommes issus de la volonté du peuple ?
Paul Nsapu : Le Gouvernement a manifesté sa volonté et a promis de disponibiliser les moyens financiers pour les élections de 2023, c’est une question géostratégique. Les élections relèvent de la souveraineté nationale, l’Etat s’est engagé par les déclarations du Président de la République et du Premier, tout sera donc mis en marche pour que l’allocation financière affectée aux élections puisse permettre que la CENI se remette au travail ; cela fait partie de l’agenda national. D’autre part, dans la plupart de ses résolutions, le Conseil de Sécurité de l’ONU ne manque pas de faire état de l’apport ou de l’assistance qu’il apportera dans le cadre de sa présence par la Mission de maintien de paix, la MONUSCO dont les élections font aussi partie du mandat.
Il y a aussi des contributions multiformes venant des contributeurs qui pourront agir dans le cadre de la coopération bilatérale ou multilatérale. De toutes les façons, c’est à la CENI d’élaborer des programmes appropriés, il y aura des bailleurs qui seront intéressés ; ceux-ci pourront voir comment apporter leurs contributions.
CONGOPROFOND.NET : Pendant de longues années, la CENI a fonctionné en vase clos, on ne savait pas qu’est-ce qui se faisait dedans ; cependant ce sont les retombées des lacunes de cette institution et surtout leurs conséquences qui souvent avaient entaché la crédibilité des résultats lors des élections et jeté un profond doute sur le rôle de cette institution ?
Paul Nsapu: C’est un constat général. La CENI ne communique pas comme il faut ; les équipes qui se sont succédées ont presque agit de la même façon : elles se sont enfermées dans une tour d’ivoire, elles s’occupaient sans doute de faire quelque chose, mais elles s’étaient isolées et presqu’éloignées du monde réel… Rappelez-vous de ce qui s’était passé au point ou tous, on a été unanimes pour faire revenir le défunt Abbé Apollinaire MALU MALU à la présidence de la CENI ! A l’époque, cette institution n’avait pas associé les médias dans son travail, c’est comme si on avait opté pour l’opacité alors que les populations devaient savoir ce que faisait la CENI, c’est cela la transparence. Si je préside la CENI, j’impliquerai les journalistes parce que c’est aussi leur travail d’informer sur ce qui se fait dans cette institution. La presse est un partenaire majeur qu’on ne doit pas ignorer pire encore, marginaliser. Les médias ont beaucoup d’importance pour la construction d’une conscience civique. Si le destin me confie la présidence de la CENI, je travaillerai en mode de campagne : le travail portera essentiellement sur le civisme électoral, et ce travail fait intervenir les experts, les techniciens, les organisations des droits de l’homme, la presse, les organisations d’éducation civique et électorale. C’est un peu cela le moteur du travail. Le reste du travail relève des études internes, de la production et de l’analyse des données, de la gestion des personnels et surtout de la logistique.
Oui, la logistique électorale est un véritable défi national. C’est pour cela que les médias doivent être impliqués dans toutes les phases électorales. Prenons-en conscience ; il nous faut relever le défi car il est à notre portée, il est permis d’être optimiste, avec beaucoup de volonté, on pourra réaliser de bonnes élections en faisant du bon travail.
CONGOPROFOND.NET : je vous remercie d’avoir accepté notre invitation. J’espère que vous nous offrirez une autre opportunité de venir chez nous.
Paul Nsapu: Bien volontiers ! Je serai toujours disponible pour échanger avec la presse.
Propos recueillis par Tchèques Bukasa/CONGOPROFOND.NET
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Dans une publication sur X, Olivier Kamitatu, s’est insurgé contre la gestion actuelle du secteur judiciaire en République Démocratique du Congo (RDC). Sa déclaration intervient dans un contexte où le ministre de la Justice, Constant Mutamba, a été diagnostiqué empoisonné, et où son vice-ministre est accusé de désinformation concernant un incident tragique à la prison centrale de Makala.
Kamitatu a notamment critiqué le vice-ministre pour avoir sous-estimé le nombre de victimes lors d’une tentative d’évasion à la prison centrale de Makala, où il avait initialement annoncé deux morts. Cependant, les informations officielles ont révélé un bilan tragique de 129 morts, exposant un écart choquant entre les faits et la communication officielle.
Elyane Mukuna/Congoprofond.net
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