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Analyses et points de vue

Le « Paradoxe de Condorcet » dans les Élections du Gouverneur du Kongo Central (Tribune de prof Patience Kabamba, PhD)

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La tribune d’aujourd’hui va se pencher sur les élections du gouverneur du Kongo Central . Les élections des gouverneurs qui se sont déroulées la semaine dernière nous ont appris une leçon que nous ne devons pas facilement oublier. Je voudrais lier cette élection à la théorie du Jeu social de Condorcet.

Marie Jean Antoine de Caritat dit « Marquis de Condorcet » est un philosophe et mathématicien français (1743-1794). Il avait étudié au Collège Jésuite de Reims, près de Paris. Le paradoxe de Condorcet est une situation dans laquelle les préférences collectives pour des candidats dans une élection peuvent être cycliques alors que les préférences individuelles des votants, ne les sont pas. En d’autre termes dans une élection les relations majoritaires ne sont pas transitives. Si A préfère B et B préfère C, il n’est pas vrai que A va préférer C. C’est cela le « Paradoxe de Condorcet ».

Qu’est-ce que cela veut dire dans la pratique électorale? Il peut arriver qu’un représentant d’une population donnée puisse voter en faveur des lois diamétralement opposées aux intérêts de la population qui l’a élu. C’est le paradoxe de Condorcet en démocratie représentative.

Ce qui s’est produit dans le Kongo Centrale lors de l’élection du gouverneur relève en effet du paradoxe de Condorcet. Dr Guy Bandu est élu gouverneur le lundi 9 mai 2022 après une élection indirecte où les députés provinciaux devraient départager les deux candidats qui ont obtenu chacun 10 voix. La choses étonnante dans cette élection du gouverneur du Kongo Central est que le seul candidat ayant été plébiscité par la population du Kongo Central était le député Ne Mwanda Nsemi. Son entrée triomphale dans la ville de Matadi pendant le bref moment de la campagne électorale ne laissait aucune ombre d’un doute sur sa popularité. Si le peuple devrait directement élire leur gouverneur, Mwanda Nsemi serait l’élu du Kongo Central. Mais, le peuple dans chaque territoire – Les Cataractes, la Lukaya et le Bas Fleuve – avait remis le pouvoir de choisir le gouverneur de la province aux élus provinciaux qui le représentent.

Cependant, les députés provinciaux ont choisi de ne pas élire celui que le peuple dans leur circonscriptions ont plébiscité. Les députés provinciaux du Kongo Central ont choisi celui qui leur a donné le plus d’argent et non celui que leurs constituants ont plébiscité. Nous sommes dans le cas de figure où le représentant du peuple, en l’occurrence le député provincial, choisie en âme et conscience d’aller contre les intérêts de ceux qu’il représente. Il choisit de voter non pour celui que ceux qu’il représente ont désigné comme candidat de leur choix, mais pour celui qui lui a remis le plus d’argent a lui comme individu. Nous avons assisté au Kongo Central au paradoxe de Condorcet dans sa pleine totalité. Le candidat Ne Mwanda Semi que la population du Kongo Central aurait choisi comme son prochain gouverneur, sort avec zéro voix des députés censés représenter la même population. Il y a donc un hiatus entre ce que veut la population et le choix des ceux qui la représentent.

Et comme c’était déjà le cas pour les présidentielles de 2018 où celui qui a reçu le moins de suffrages exprimés est devenu président de la République sans que personne ne sorte dans la rue pour protester, au contraire on se plait à blâmer la victime de cette escroquerie qu’était Martin Fayulu. Pour le cas de l’élection du gouverneur du Kongo Central, personne ne sort dans la rue pour protester contre le vol par les députés provinciaux qui ne représentent plus qu’eux-mêmes de l’élection du véritable gouverneur de la province qui a reçu la caution du peuple.

Est au pouvoir comme gouverneur de la province du Kongo Central, celui qui a volé l’élection par l’argent distribué aux députés provinciaux. Il y a une continuité directe entre les élections présidentielles de 2018 et l’élection du gouverneur du Kongo Central par les député provinciaux ce cette province.

De même que Fuyulu ne sera jamais le président de la RDC malgré le vote massif des Congolais en sa faveur, de même Ne Mwanda Nsemi ne sera jamais le gouverneur du Kongo Central malgré la plébiscite de la population de cette province. De même que Kabila avait confisqué le vote des Congolais en faveur de Fayulu pour imposer la personne de son choix comme président, de même les députés provinciaux du Kongo Central ont confisqué le choix de ceux qu’ils ne représentent plus, pour imposer un candidat qui n’a pas reçu une adhésion populaire.

La source de légitimité du pouvoir Congolais avait été ruinée en 2018, selon les Démocrates Américains. Ce processus continue jusqu’aujourd’hui. L’argent et non l’adhésion populaire est devenu le facteur déterminant pour devenir le gouverneur du Kongo Central. Les députés provinciaux ne représentent plus leur constituants car eux-mêmes et leur constituants regardent dans les directions diamétralement opposées.

Que faire lorsqu’un représentant choisie de poursuivre des intérêts opposés aux intérêts de ceux qu’il représente? C’est là le paradoxe de Condorcet.

Nous sommes dans la fausse représentation. Le Congo est constitué de nombreux faux représentants comme des originaires d’une province qui vivent à Kinshasa et qui se font élire pour représenter une province ou ils n’habitent pas, mais dont ils sont seulement des originaires. Ce sont tous de faux représentants.

Il faut que les individus qui représentent une province y habitent en permanence et apportent à Kinshasa les desiderata de ceux avec qui ils partagent le quotidien.


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À la Une

RDC : 63 ans après, les leaders politiques répètent les mêmes erreurs ! ( Par Tonduangu Kuezina Daniel )

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A 7 mois des élections générales en RDC, il y règne déjà une ambiance de campagne, surtout à Kinshasa. Les équipes dirigeantes en place et les opposants sont déjà dans le starting block, en compétition. Les manifestations politiques de l’opposition ne sont pas les bienvenues et les partisans du pouvoir en place haussent le ton, c’est un parfum du « déjà vu » dans ce grand pays dit « démocratique ». Pendant ce temps la vie continue en RDC et elle n’est pas un long fleuve tranquille pour le commun des mortels.

Au cours d’un un échange avec un de mes enfants, dans un décor estival de cette fin de mois de mai, je lui dis que les Congolais ont toujours la manie de répéter leur histoire, soit parce qu’ils l’ignorent soit parce qu’ils n’en tirent pas les leçons appropriées. En outre, lui dis-je, se préoccuper de façon quasi obsessionnelle de l’organisation des élections (tant pour les leaders au pouvoir que ceux de l’opposition), y consacrer autant d’argent alors que le minimum n’est pas assuré pour le plus grand nombre doivent questionner pour l’avenir… d’autant plus que les résultats des élections seront immédiatement contestés et on repartira pour un nouveau cycle de contestation, de haine et de division. Un autre rendez-vous manqué en perspective…

Ne faut-il pas réfléchir sur une autre façon de faire ? la question mérite d’être posée…

Pour complexifier les choses, le pays est agressé à l’Est (avec la complicité du voisin rwandais). Cette région orientale connait depuis plusieurs années des massacres des populations au vu et au su de la communauté tant nationale qu’ internationale (avec la présence remarquée de la MONUSCO et récemment des troupes de la communauté de l’Afrique de l’Est (EAC en sigle) ; pendant ce temps-là, les multinationales chinoises, américaines et européennes continuent d’exploiter les ressources du sous-sol …et comme un malheur ne vient jamais seul, les affres de la désolation s’approchent de façon inéluctable de la capitale du pays, avec des affrontements entre les peuples Yaka et Teke qui se livrent depuis quelques mois aux massacres des uns et des autres alors qu’ils ont toujours cohabité dans le passé.

Quant aux acteurs politiques majeurs de la RDC, ils ne mettent pas leur intelligence collective à contribution pour gagner la guerre, pacifier le pays et développer le pays. Que dire du reste du pays, grand comme un sous-continent ? il vague allègrement à ses occupations.

Le démon du tribalisme par contre reprend du poil de la bête… et pour ne pas faciliter les choses les réseaux sociaux distillent la haine et l’incivisme.

Le décor ainsi planté me rappelle ce qui s’est passé « mutatis mutandis » il y a 63 ans.

Une table ronde politique est convoquée à Bruxelles du 20 janvier au 20 février 1960 car les évènements récents à Léopoldville ont poussé les autorités belges à prendre l’initiative politique.

En effet la publication du « Manifeste de la conscience africaine » par les jeunes intellectuels catholiques autour du futur cardinal Malula ( numéro spécial de juillet-août 1956), le contre-manifeste de l’Abako sous la supervision du Président Kasa-Vubu (Août 1956), appelant déjà à l’indépendance, la laïcisation de l’enseignement dans la colonie belge (sous l’impulsion de monsieur Buisseret, ministre des Colonies en 1954), la participation des Congolais à l’exposition universelle de Bruxelles (de 1958), la naissance des partis politiques et surtout les émeutes du 4 janvier 1959 à Léopoldville (élément décisif) sont des facteurs internes qui vont influer pour le changement de la donne politique dans le Congo belge ; mais il faut associer à ces facteurs internes, l’environnement international propice : avec la montée des panafricanistes réunis en 1958 à Accra autour de Kwame Nkrumah, les pressions des USA qui poussent à la décolonisation et la naissance des groupes des pays non-alignés à Bandung (18 avril -24 avril 1955) qui fustigent aussi la colonisation.

A Bruxelles, le front commun des politiciens congolais permet d’obtenir une grande victoire politique : la date de l’indépendance est fixée au 30 juin 1960. Cela augure aussi nos malheurs : nos politiciens sont obligés d’organiser le futur Etat avec un texte de constitution qui est un copier-coller de celui de l’Etat colonisateur (la loi fondamentale), personne ne s’en offusque à l’époque. Pire, les politiciens congolais se projettent déjà dans les élections pour prendre le pouvoir. Ces élections leur permettraient enfin de prendre la place des blancs, comme le dit Frantz Fanon. ( 1 )

Ils n’ont pas mesuré l’importance de la prise en charge des populations après l’indépendance. Le pouvoir pour le pouvoir, cela aura de grandes conséquences pour le pays…

N’est-ce pas à ce scénario que le pays est confronté actuellement ?

En 1960, pour préparer l’indépendance sur le plan macroéconomique car il faut trancher sur certains transferts des capitaux entre l’Etat colonial et le futur Etat congolais souverain, une table ronde économique est convoquée et se tiendra du 26 avril au 16 mai 1960 au Palais de congrès de Bruxelles. Cette table ronde économique ne va pas servir les intérêts du Congo. Elle sera plutôt une tentative de Bruxelles pour sauver les meubles. La qualité des négociateurs congolais est épinglée même par les Belges, ainsi le Premier ministre belge Eyskens déclara : « des gens qui avaient droit d’étudier tout au plus la psychologie étaient censés trancher des problèmes macroéconomiques cruciaux ».

En effet, les grands leaders politiques congolais y attachèrent moins d’importance. Ils ne pensaient qu’au futur pouvoir à Léopoldville…

Les Belges vont obtenir que les entreprises belges pouvaient choisir de relever du droit congolais ou du droit belge, elles optèrent bien-sûr pour la plupart pour le droit belge, avec transfert des capitaux de la colonie belge à Bruxelles. Le jeune Etat congolais n’aura plus le contrôle de près de 37.3 milliards de francs (ensemble des actions de l’Etat colonial) selon Tony Bussselen (2).

Les belges vont obtenir aussi la dissolution du comité spécial du Katanga, qui était en fait une société publique qui au Katanga attribuait des concessions aux entreprises privées, en échanges d’actions. Il avait ainsi une participation majoritaire dans l’union minière, et donc le pouvoir de décision ; le jeune Etat congolais va perdre aussi une grande partie de son portefeuille. A ce jour le contentieux issu de cette table ronde n’est pas encore soldé définitivement malgré les tentatives de Tshombe (accord Tshombe–Spaak en 1965) et de Mobutu (1966 et 1988).

Les dignitaires de la deuxième République, Nimy Mayidika Ngimbi et Léon Kengo wa Dondo, appellent dans leurs mémoires, la génération actuelle au pouvoir en RDC de soulever à nouveau le problème de ce fameux contentieux (3,4).

Dans un article que j’ai publié sur le site Desk africain d’analyses stratégiques, je soulève aussi la question de la revisitation du contentieux belgo-congolaise (5). C’est donc un pays confronté aux grandes difficultés économiques que les politiciens congolais vont hériter de la Belgique, difficultés auxquelles va s’ajouter rapidement la grande crise politique qui va conduire à la fin du processus démocratique, avec l’assassinat de Patrice Emery Lumumba, et plus tard au coup d’Etat qui va installer la deuxième République.

Pour revenir à l’actualité socio politique et économique en RDC, la crise économique profonde et multifactorielle en RDC ; l’instabilité à l’Est liée à la guerre ; le manque d’éthique pour la plupart des « acteurs » politiques qui se livrent de façon éhontée à une corruption à ciel ouvert et aux détournements des deniers publics.

Il me revient à l’esprit les mots forts prononcés par le pape François lors de sa visite en RDC au mois de janvier 2023. Je cite ici les extraits de la chronique que j’ai publiée récemment. (6) Le pape a utilisé des métaphores qui interpellent : la vraie richesse en RDC sont les personnes et les bonnes relations entre elles. La jeunesse doit être au centre des préoccupations des gouvernants : « les diamants les plus précieux de la terre congolaise sont ses enfants qui doivent bénéficier des véritables opportunités éducatives qui leur permettent de mettre pleinement à profit leurs brillants talents ». Le pape a appelé le peuple congolais au travail : « courage, frère et sœur congolais, relève-toi, reprends tes mains, comme un diamant très pur, ce que tu es, ta dignité, ta vocation à garder en harmonie et en paix la maison que tu habites. Revis l’esprit de ton hymne national, en rêvant et en mettant en pratique ses paroles :  par le labeur, nous bâtirons un pays plus beau qu’avant, dans la paix. »

Le pape a condamné fermement le tribalisme, le régionalisme, la corruption… et a appelé à la justice et à l’organisation des élections transparentes. Le pouvoir que les gens veulent obtenir, n’a de sens en effet que s’il devient service.

Si nous ne savons pas où nous allons, nous devons savoir d’où nous venons…

Références

Frantz Fanon : Les damnés de la terre, La découverte,1961

Tony Busselen : Une histoire populaire du Congo, Aden Belgique,2010

Nimy Mayidika Ngimbi José Patrick : Je ne renie rien. Je raconte…L’Harmattan, 2006

Kengo wa Dondo Léon : La passion de l’Etat, l’Harmattan RDCongo,2019

Tonduangu KD : Ne faut-il pas revisiter le contentieux belgo-congolais ? afridesc.org, juill.2021.

Tonduangu KD : Lettre aux enfants de la RDC : même le plus grand pape de l’histoire ne peut donner que ce qu’il a. Congoprofond.net, février 2023.


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