Justice
Kinshasa : Prolifération anarchique des églises, le permis de culte comme remède au désordre spirituel ?

À Kinshasa, certaines avenues comptent plus d’églises que de boutiques. Haut-parleurs à plein volume, prêches à toute heure, pasteurs autoproclamés.
Le phénomène prend une telle ampleur qu’il étouffe le quotidien des citadins. Face à cette prolifération non réglementée, le ministre d’État, ministre de la Justice, Constant Mutamba, veut remettre de l’ordre.
Ce vendredi 9 mai 2025, les ministres de culte sont appelés à se faire identifier gratuitement, faute de quoi ils seront interdits de “prestation” dès le 23 juin prochain.
C’est dans son cabinet de travail que Constant Mutamba a lancé la campagne d’identification, en délivrant les premiers permis de culte aux pasteurs membres du Haut Conseil dirigé par le pasteur Godé Mpoyi. Celui-ci a salué la démarche, rappelant qu’il avait plaidé pour la gratuité de l’opération, une requête que le ministre a acceptée. Mais au-delà du geste symbolique, le message est clair :
« À partir du 23 juin, aucun pasteur ne pourra prester s’il n’a pas été préalablement identifié », a martelé le ministre.
L’initiative vise d’abord Kinshasa, à travers une phase pilote, avant une extension probable à l’échelle nationale. L’enjeu est de taille : il s’agit non seulement de réguler l’activité religieuse, mais aussi de lutter contre les abus, l’escroquerie spirituelle, et parfois même l’immoralité prêchée sous couvert de la foi.
Dans les quartiers populaires de la capitale congolaise, il n’est pas rare de trouver jusqu’à cinq à six églises sur une même avenue. Ces “lieux de prière”, souvent installés dans des maisons de fortune ou des containers, pullulent au rythme des difficultés sociales. Si certains y trouvent un refuge spirituel, d’autres y voient un véritable désordre urbain et sonore.
Le culte est devenu, pour beaucoup, un raccourci vers une forme de notoriété et parfois de revenus faciles. Des pasteurs sans formation théologique, des “prophètes” improvisés, des doctrines douteuses… Ce cocktail alimente la méfiance et appelle à une régulation stricte.
Déjà en novembre 2024, lors des États généraux de la justice, Constant Mutamba avait levé l’épée contre cette prolifération incontrôlée :
« Nous allons également procéder à l’identification de tous les pasteurs afin de mettre fin à l’immoralisation de la société congolaise. Nous allons exiger un permis de culte ! »
Six mois plus tard, la promesse commence à se concrétiser. L’identification obligatoire des ministres de culte marque le début d’une réforme structurelle du secteur religieux. Pour les autorités, il ne s’agit pas de brimer la liberté de religion, mais de restaurer la crédibilité et l’intégrité de ceux qui se réclament de Dieu.
Dorcas Mwavita/CongoProfond.net
À la Une
Le silence coupable de l’État de droit : 2 mois d’enlèvement pour Me Médard Palankoy !

Depuis le 14 mars 2025, l’avocat Médard Palankoy est détenu arbitrairement par un organe extrajudiciaire relevant de la Présidence de la République. Deux mois de silence. Deux mois de torture morale. Deux mois de violation systématique des droits fondamentaux d’un citoyen congolais inscrit au barreau. L’affaire, ignorée par les institutions judiciaires et balayée sous le tapis du Conseil national de la cyberdéfense (CNC), expose la faillite de l’État de droit vanté depuis 2019 par le régime Tshisekedi.
Le Consortium congolais des droits de l’homme (CCDH), appuyé par plusieurs ONG partenaires, a lancé la campagne « Freedom for Palankoy Médard », pour dénoncer ce qui s’apparente à une séquestration politique. Ce que l’État congolais s’efforce d’étouffer à coup de procédures opaques et de violations en série n’est ni plus ni moins qu’un abus de pouvoir orchestré depuis le Palais.
En effet, la réalité de l’affaire » Médard Palankoy » est brutale : un avocat arrêté sans mandat, détenu sans chef d’accusation, interrogé sans avocat et privé de ses droits élémentaires. Et cela, en totale contradiction avec l’ordonnance-loi n°79/028 sur le Barreau, qui réserve la poursuite des avocats aux procureurs généraux près les Cours d’appel. La légalité n’a pas été contournée : elle a été piétinée.
Le CNC, service spécialisé créé par l’ordonnance présidentielle n°23/170 du 15 août 2023, semble avoir confondu mission de cyberdéfense et chasse aux sorcières. Quelles charges concrètes pèsent sur Maître Palankoy ? Aucune n’a été notifiée. Pourquoi la CENAREF n’a-t-elle été saisie qu’après plusieurs jours de détention ? Pourquoi son juge naturel n’a-t-il toujours pas été saisi ?
En droit pénal, l’intention ne suffit pas. Il faut des faits. Or, dans le cas Palankoy, ni l’élément matériel ni l’élément moral ne sont établis. En revanche, les faits de torture psychologique, d’atteinte à la dignité humaine, de violation du secret professionnel et de non-respect du droit à la défense, eux, sont documentés.
L’affaire Palankoy met le CNC face à ses dérives sécuritaires et le Président Tshisekedi face à ses promesses trahies. Le Chef de l’État s’était engagé en janvier 2019 à démanteler les prisons illégales et à bâtir un véritable État de droit. Six ans plus tard, un avocat croupit dans un no man’s land juridique à cause d’un service rattaché à son propre cabinet. C’est une honte pour la République.
Face à cette situation, le CCDH exige :
– La libération immédiate et inconditionnelle de Maître Palankoy, ou à défaut, son déferrement immédiat devant un tribunal compétent ;
– La restitution de ses biens et documents saisis de manière arbitraire ;
– La fin des actes d’intimidation visant sa famille, son cabinet et les organisations de défense des droits humains qui le soutiennent.
Car ce qui se joue ici dépasse le sort d’un seul homme : c’est l’avenir du droit et des libertés publiques en RDC qui vacille. Le CNC n’est pas au-dessus des lois. Le silence des institutions n’est plus une omission : il devient complicité.
Tchèques Bukasa/CONGOPROFOND.NET