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Kasaï : Ketes et Kuba de Kakenge fument le calumet de paix

Les deux chefs coutumiers, à savoir, Kalamba du groupement Tshiofua de Ketes et Shakobe du groupement de Mpiang de Kuba ont signé un acte d’engagement et de paix. L’événement a eu lieu le vendredi 10 juillet dans la cité de Kakenge, territoire de Mweka dans la province de Kasaï.
La finalité de la signature de cet acte d’engagement, c’est de mettre fin aux conflits qui ont divisé leurs communautés depuis quelques temps. La cérémonie a été présidée par le ministre provincial en charge des Relations communautaires et interprovinciales, le professeur Tedanga Ipota Bimbela, sous la facilitation de l’Ong Action pour la Paix et la Concorde (Apc).
Le chef Shakobe des Kuba a déclaré à cet effet : « C »est un moment historique. Ceci restera inoubliable dans nos mémoires car tous, nous savons que nous avons traversé les moments très difficiles dans cette cité de Kakenge, mais aujourd’hui, nous venons d’enterrer notre hache de guerre. Ce pacte doit être respecté par chacun de nous, tout celui qui tournera à l’encontre de cette décision en vivra les retombées ».
Le chef Kalamba a exprimé sa joie, dans une circonstance qui marque l’histoire de la paix à Kakenge. « Je demande aux membres de ces deux communautés de respecter les chefs coutumiers, celui qui s’opposera à cette décision du pacte de paix sera livré entre les mains des ancêtres », a-t-il indiqué.
Le ministre provincial Tedanga Ipota Bimbela a salué la volonté de deux chefs coutumiers pour avoir fumé le calumet de la paix à Kakenge. Et il les a invité à une cohabitation pacifique.
Environs 500 personnes ont pris part à cette cérémonie. Deux chèvres ont été immolés pour que son sang puisse pousser les uns et les autres à respecter ce pacte de paix.
Muabilayi/Congoprofond.net
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Valentin Yves Mudimbe s’en est allé, mais sa parole demeure : l’Afrique orpheline d’un géant de la pensée

Ce jour, la République Démocratique du Congo, l’Afrique et le monde intellectuel viennent de perdre un monument. Valentin Yves Mudimbe, philosophe, écrivain et penseur hors pair, s’est éteint aux États-Unis, laissant derrière lui une œuvre aussi dense que subversive, une parole aussi lucide qu’indomptable.
Né en 1941 à Jadotville (actuelle Likasi), en RDC, Valentin Yves Mudimbe fut l’un des intellectuels africains les plus influents du XXᵉ et du XXIᵉ siècle. Professeur émérite à l’Université Duke, anthropologue, linguiste et romancier, il a marqué les sciences humaines par sa critique radicale des épistémologies coloniales et sa déconstruction des discours dominants sur l’Afrique.
Son œuvre majeure, The Invention of Africa (1988), reste un texte fondateur des études postcoloniales. Mudimbe y démontre comment l’Afrique a été « inventée » par le regard occidental, à travers des catégories de savoir qui ont nié ses propres logiques de pensée. Pour lui, « l’Afrique n’existe pas en dehors des représentations qui la constituent », une thèse qui a révolutionné la manière d’appréhender le continent.
Yves Mudimbe n’était pas seulement un théoricien : c’était un penseur du soupçon, toujours en éveil face aux illusions des idéologies, qu’elles soient coloniales, nationalistes ou néolibérales. Dans L’Odeur du père (1982), il explore les contradictions des élites africaines post-indépendances, dénonçant leur aliénation mimétique. Son roman Entre les eaux (1973) questionne la tension entre engagement politique et spiritualité.
Il a révélé sa propre trajectoire de prêtre jésuite devenu philosophe laïc. Ses travaux sur Foucault, Derrida et les structuralistes européens en font un passeur exceptionnel entre les traditions intellectuelles africaines et occidentales. Pourtant, il refusait toute étiquette : « Je ne suis ni un afrocentriste, ni un occidentaliste. Je suis un penseur de la fracture, de l’entre-deux », disait-il.
Aujourd’hui, alors que l’Afrique est confrontée à de nouveaux défis – néocolonialismes économiques, crises démocratiques, guerres d’influence –, la pensée de Mudimbe reste d’une brûlante actualité. Son questionnement sur « les conditions de production du savoir africain » invite à repenser l’université, la recherche et les médias du continent. Il laisse derrière lui des disciples à travers le monde. Des chercheurs qui continuent de déconstruire les récits hégémoniques.
« Mudimbe nous a appris à douter, à interroger nos propres certitudes ». La RDC en deuil mais l’Afrique en héritage, conclut le polymathe, cet autre géant de la pensée post-coloniale. Le Congo pleure l’un de ses plus grands fils, mais son héritage est impérissable. Dans un pays souvent meurtri par l’amnésie historique, Yves Mudimbe rappelait que « la mémoire est un acte de résistance ».
Alors que les hommages affluent du monde entier – de Paris à Johannesburg, de Dakar à New York –, une certitude s’impose : Yves Mudimbe est mort, mais sa parole, elle, ne mourra jamais. « Les mots ne sont pas innocents. Ils portent en eux la violence de l’histoire. » — Valentin Yves Mudimbe
TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR
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