La rumeur enfle : Joseph Kabila, l’ancien président congolais discrédité, préparerait un retour triomphal par l’Est de la RDC. Brandi comme le « vainqueur » mythique du CNDP-M23. Une mascarade de plus dans le théâtre des manipulations régionales, où Paul Kagame, acculé par la pression internationale, ressort son meilleur atout congolais.

Joseph Kabila, un homme usé par 18 ans de pouvoir, mais toujours utile pour donner un visage local à l’agression rwandaise. Joseph Kabila a longtemps cultivé l’image du chef militaire ayant « écrasé » le M23 en 2013. Pourtant, les faits sont têtus : cette victoire fut avant tout celle des FARDC appuyées par la Brigade d’intervention de l’ONU (FIB), dominée par les Sud-Africains et Tanzaniens.

Joseph Kabila n’a jamais été un stratège, seulement un bénéficiaire opportuniste d’une opération montée par la communauté internationale. Aujourd’hui, alors que le RDF-M23, plus fort que jamais, ensanglante le Nord-Kivu et le Sud-Kivu sous la supervision de Kigali, le retour de Joseph Kabila dans l’Est sent la manipulation à plein nez. C’est la fin du mythe en décomposition du vainqueur du M23.

Qui peut croire que celui qui a laissé le Rwanda infiltrer l’appareil sécuritaire congolais pendant 18 ans serait soudain le rempart contre Kagame ? La vérité est simple. Paul Kagame étant acculé, il ressort son meilleur pion avec l’objectif de « Congoliser » l’aventure Rwandaise en RDC. Paul Kagame est dos au mur par les rapports accablants de l’ONU et les sanctions américaines contre des officiels rwandais.

Le fiasco de l’AFC (Alliance Fleuve Congo) de Corneille Nangaa qui n’arrive pas à obtenir une adhésion populaire après les carnages perpétrés par le RDF oblige le duo Kagame-Kabila à changer de tactique. L’AFC, supposée incarner une « rébellion congolaise », n’a convaincu personne : trop visiblement téléguidée, trop maladroitement vendue. Résultat ? Paul Kagame doit ressortir la vieille carte Joseph Kabila.

Un protégé si ce n’est un obligé de James Kabarebe (ex-ministre rwandais de la Défense et architecte des rebellions en RDC), Joseph Kabila reste un outil précieux dans la stratégie Rwandaise. Il a des relais dans l’armée, parmi les généraux compromis, et une base politique résiduelle. Son retour servirait à « congoliser » une nouvelle phase de déstabilisation, en donnant une façade locale à ce qui n’est qu’une extension du projet hégémonique de Kigali.

Les liens entre Joseph Kabila et Paul Kagame ne datent pas d’hier. D’aucuns oublient que Joseph Kabila est un ancien du Front Patriotique Rwandais qui a pris le pouvoir au Rwanda le 6 Avril 1994. De son arrivée au pouvoir en 2001 (après l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila, où des Rwandais furent impliqués) à sa gestion laxiste des groupes armés pro-Rwanda, Joseph Kabila a toujours été un partenaire ambigu, sinon complice, de Kigali.

En 2017, alors que les États-Unis imposaient des sanctions contre des proches de Kabila pour détournement et violence, Paul Kagame le recevait à Kigali en grande pompe. Aujourd’hui, alors que la pression monte contre le Rwanda, Paul Kagame a besoin d’un paravent congolais crédible – ou du moins, crédible aux yeux de ceux qui refusent de voir la réalité.

L’échec de l’AFC est cuisant. C’est un sparadrap qui ne tient pas. Il faut la relève par l’ancien système. Ni la population congolaise, ni les observateurs internationaux n’ont été dupes de cette tentative grossière de créer une rébellion « maison ». Corneille Nangaa, malgré ses efforts, ne parvient pas à masquer les liens avec Kigali. D’où la nécessité pour Kagame de revenir à une option éprouvée : Joseph Kabila.

L’ancien président, malgré ses innombrables casseroles, conserve des réseaux clientélistes, une poignée de généraux fidèles, et une capacité à jouer les faiseurs de troubles. Son retour dans l’Est pourrait servir à légitimer une nouvelle mouture de l’AFC/M23 en l’enrobant de figures kabilistes. Fracturer encore plus les FARDC, où des éléments pro-Kabila pourraient servir de cinquième colonne.

Offrir une issue « politique » négociée qui préserverait les intérêts rwandais sous couvert de « dialogue inclusif ». Joseph Kabila reprend du service comme un servile dernier recours d’un Paul Kagame à court d’illusions. Joseph Kabila n’est pas un sauveur. Il est le symptôme d’une guerre que le Rwanda mène par procuration depuis plus de 30 ans. Son éventuel retour par l’Est n’est pas une solution pour la RDC.

Mais bien une manœuvre désespérée de Paul Kagame pour recycler une vieille recette : placer un Congolais docile à la tête d’un projet de balkanisation. Les Congolais ne sont pas dupes. La vraie question est : la communauté internationale, qui a enfin commencé à tenir Paul Kagame pour responsable, se laissera-t-elle berner une fois de plus par ce retour de spectre ?

TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR