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Tribune : Les frontières de l’amour (Par Frère Marie Bertrand Ben de la Sainte Croix, Ocdj, Bachelier en Philosophie)
L’amour : Un sentiment acquis écartelé entre les frontières socio-culturelles et la sortie pour faire vivre l’autre !
D’entrée de jeu, frontière ici est à prendre dans le sens de ” limites”.
L’amour est une disposition à vouloir le bien d’une entité humanisée. C’est non seulement un sentiment qui nous entraine vers un être, mais aussi l’objet vers lequel se sentiment se dirige. L’amour est un sentiment intense et agréable qui incite les êtres à s’unir. La première difficulté est donc de définir ce qu’est l’amour, qui semble ne pas avoir de frontière, pouvant s’attacher à n’importe quel sujet ou n’importe quel objet. Si frontière il y a, faudra-t-il préciser s’il s’agit d’une contrainte inhérente au concept ou d’un obstacle exogène au concept dans l’amour entre le sujet et l’objet.
La première définition voit l’amour comme quelque chose de pur, d’inconditionné, l’amour est liberté sans contrainte. L’amour doit être pur pour exister, sinon ce n’est pas de l’amour. Ce à quoi quelqu’un répond est au contraire conditionné par la réciprocité. C’est donc la première frontière, qui pose des questions sur l’essence de l’amour, entre don, ou valeur d’échange. La fonction utilitaire de l’amour est amplement exprimée, l’amour se ressemblant à une façon de combler un besoin de l’Homme. Certains vont jusqu’à dire que l’amour ne sert qu’à satisfaire nos désirs, mais que ces derniers étant sans fin et sans cesse renouvelés, l’amour ne serait qu’une pure illusion. Pour d’autres, il serait un moyen d’échapper à notre isolement naturel, à dépasser notre propre corps et donc notre propre limite. L’amour serait d’ailleurs un abandon, un lâcher prise de soi-même. L’amour peut rendre nul effet la volonté, c’est un sentiment autant agréable que désagréable. Les plus cyniques vont même jusqu’à dire que l’amour n’est qu’un objet dans une relation d’amour de soi en soi, on ne sort jamais de sa propre conscience individuelle. La deuxième définition évoquée est celle du temps. Certains pensent que l’amour est un sentiment, et il a besoin de temps pour se développer.
LE COUP DE FOUDRE, UNE ÉMOTION ET NON UN SENTIMENT
Le coup de foudre est une illusion, le vrai amour correspond à quelque chose de construit. Et quand même il soit possible de tomber amoureux en un instant, cet instant s’inscrit dans une continuité historique de l’être. L’amour reste un acte rationnel, même dans l’instant, c’est l’émotion qui domine. Se sentir amoureux, c’est un premier stade, une base sur laquelle on peut développer l’amour. Pour d’autres, l’amour varie en intensité, ce qui prouve à la base qu’il s’agit avant tout d’une émotion et non d’un sentiment, il n’y aurait alors pas de frontière temporelle puisque l’amour n’existe que dans l’instant.
LES FRONTIÈRES SOCIO-CULTURELLES, LA LIGNE BUTOIR
De ces deux précédents paragraphes nous font comprendre clairement que les deux grandes frontières de l’amour sont la réciprocité et le temps, de qui l’amour né, grandi, voire meurt. A ces deux frontières, nous pouvons ajouter une troisième qui semble être le plus manifeste dans la vie des amoureux. Il s’agit des frontières socio-culturelles. Le constat fait est que l’amour ne dépasse pas les frontières socio-culturelles, car ces dernières le conditionnent. Il est vrai que la société n’impose pas une obligation d’aimer, c’est à l’homme de s’en charger, mais la société impose qui ont peut aimer. Pour ceux qui considèrent que l’amour est un abandon de soi-même, il est possible de dépasser notre identité sociale pour aimer l’autre, de s’oublier soi-même. D’autres refusent l’idée de renoncer complètement à son être par amour, ce qui entraîne donc une limite de l’amour des autres, on ne peut pas aimer tout le monde.
Si l’amour est limité, dans ce cas l’amour n’est pas inné. La nature parfois d’apparence altruiste, subite et inconditionnée de ce sentiment nous pousse à croire que l’amour ne peut être appris, qu’il s’agit de quelque chose de naturel. Néanmoins, quand un oiseau nourrit ses oisillons, il s’agit d’un acte purement instinctif, il n’y a pas d’amour dans cet acte. Par conséquent, l’amour est un acte en conscience, qui ne peut être inné mais seulement acquis. A ce stade, se pose la question du contrôle de l’amour, qui semble difficile, mais nécessaire, au risque de se perdre dans celui-ci si cette question reste sans réponse. L’amour semble alors s’inscrire autant dans l’inconscient que dans le conscient, cette distinction d’aimer ne semblant pas facilement déterminable
SORTIR DE SOI POUR FAIRE VIVRE L’AUTRE
En somme, il sied de retenir qu’au-delà des considérations d’inconditionnalité de l’amour, il est buté à des contraintes, appelées frontières, qui peut aussi d’une certaine manière être dépassées. L’amour né et grandi dans le temps. La réciprocité, l’un des frontières, est un facteur important, voire nécessaire dans la croissance de l’amour. Et chaque instant, partie du temps dans lequel l’amour né et grandit, vaut la peine d’être vécu en toute sincérité et réciprocité absolue. Quand l’amour est vrai, il ne meurt pas, pour ne pas dire il ne meurt jamais. Quand l’amour est vrai, il est réciproque. Et la réciprocité de l’amour fait qu’à chaque instant, on apprend à aimer l’autre, et à l’aimer d’une nouvelle manière plus forte et intense que l’instant précédent. Et à ce niveau, l’amour peut aller au-delà des frontières socio-culturelles, car l’amour c’est sortir de soi pour faire vivre l’autre. Aux frontières de l’amour, il faut la force de l’amour pour vaincre et aller par-delà les limites.
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Le tribalisme institutionnel en RDC : un frein majeur au développement national
La République Démocratique du Congo (RDC), pays d’une immense diversité ethnique et culturelle, fait face à un défi de taille : le tribalisme institutionnel. Ce phénomène, s’est amplifié ces dernières années et constitue un obstacle majeur au développement harmonieux du pays. Notre analyse se penche sur la manière dont cette pratique s’est enracinée dans les sphères religieuses et académiques, deux piliers essentiels de la société congolaise.
L’héritage colonial et ses répercussions actuelles
L’histoire de la RDC est profondément marquée par son passé colonial. La stratégie du “diviser pour régner” employée par les autorités belges a laissé des cicatrices durables dans le tissu social du pays. Cette politique a exacerbé les divisions ethniques, créant un terrain fertile pour le tribalisme qui persiste jusqu’à aujourd’hui.
Les données démographiques, bien qu’anciennes, témoignent de la complexité ethnique du pays. Le dernier recensement officiel, datant de 1984, dénombrait plus de 350 groupes ethniques distincts. Cette diversité, qui pourrait être une source de richesse culturelle, est souvent instrumentalisée à des fins politiques et économiques.
Les communautés religieuses : un miroir des divisions ethniques
Les grandes communautés religieuses de la RDC, notamment les églises évangéliques, sont au cœur de cette problématique. Des observations sur le terrain et des analyses de la composition des organes de direction de ces institutions révèlent une tendance inquiétante à la surreprésentation de certains groupes ethniques.
Prenons l’exemple de la Communauté Baptiste du Centre de l’Afrique (CBCA), une institution majeure dans l’est du pays. Bien qu’opérant dans une région multi-ethnique, la composition de ses instances dirigeantes semble favoriser de manière disproportionnée les membres d’une ethnie particulière.
De même, la Communauté Presbytérienne de Kinshasa (CPK), qui se veut une église nationale, présente une structure de leadership qui reflète une forte concentration régionale, avec une majorité de ses cadres supérieurs provenant d’une seule province.
Ces pratiques, loin d’être isolées, semblent être répandues dans de nombreuses institutions religieuses à travers le pays. Elles soulèvent des questions importantes sur l’inclusivité et l’équité au sein de ces communautés, censées promouvoir l’unité et l’égalité.
Le monde académique : reproduction des schémas tribaux
Le secteur de l’enseignement supérieur n’échappe pas à cette dynamique. Des observations dans plusieurs universités majeures du pays, tant publiques que privées, mettent en lumière des schémas similaires de favoritisme ethnique.
L’analyse de la composition du corps professoral et des postes administratifs dans certaines institutions révèle une surreprésentation flagrante de certains groupes ethniques. Cette situation est particulièrement prononcée dans les universités régionales, où le corps enseignant et l’administration reflètent souvent la composition ethnique locale, au détriment de la diversité nationale.
Cette pratique a des conséquences graves sur la qualité de l’enseignement et de la recherche. Elle limite la diversité des perspectives, freine l’innovation et perpétue un système où le mérite est souvent secondaire par rapport à l’appartenance ethnique.
Impact sur le développement national
Les répercussions du tribalisme institutionnel vont bien au-delà des murs des églises et des campus universitaires. Elles affectent profondément le développement économique et social du pays dans son ensemble.
Les indicateurs de développement placent systématiquement la RDC parmi les pays les moins avancés. Selon l’Indice de Développement Humain, la RDC se classe régulièrement dans le dernier quart du classement mondial. Bien que de nombreux facteurs contribuent à cette situation, le tribalisme institutionnel joue un rôle non négligeable en entravant la méritocratie et l’allocation efficace des ressources humaines.
Dans le secteur privé, des enquêtes menées auprès d’entrepreneurs révèlent que la discrimination basée sur l’origine ethnique reste un obstacle majeur dans l’accès aux opportunités d’affaires et aux financements. Cette situation freine l’innovation et la croissance économique, privant le pays de talents et d’idées qui pourraient contribuer à son développement.
Le jeu dangereux des alliances politiques
L’analyse des nominations à des postes clés au sein des institutions religieuses et académiques révèle souvent des coïncidences troublantes avec les changements politiques au niveau national ou provincial. Ces observations suggèrent l’existence d’un système d’échange de faveurs entre certaines communautés religieuses, des universités et le pouvoir politique.
Ce système de clientélisme basé sur l’appartenance ethnique perpétue un cercle vicieux où le mérite et les compétences sont relégués au second plan. Il contribue à maintenir en place des structures de pouvoir qui ne reflètent pas la diversité du pays et ne servent pas nécessairement ses intérêts à long terme.
Vers des solutions : initiatives et perspectives
Face à ce constat, des voix s’élèvent dans la société civile congolaise pour demander un changement. Des propositions émergent, telles que l’instauration de quotas ethniques dans les institutions publiques et parapubliques pour garantir une représentation équitable de toutes les communautés.
Certaines universités ont commencé à mettre en place des programmes visant à promouvoir la diversité ethnique au sein de leur corps enseignant et étudiant. Bien que ces initiatives soient encore à leurs débuts, elles représentent un pas dans la bonne direction.
L’inclusion : un défi pour l’avenir de la RDC
Le tribalisme institutionnel en RDC est un phénomène complexe, profondément enraciné dans l’histoire et la culture du pays. Son éradication nécessitera des efforts concertés de la part de tous les acteurs de la société congolaise.
La lutte contre cette pratique est essentielle pour l’avenir du pays. Elle est indispensable pour garantir l’égalité des chances pour tous les Congolais, indépendamment de leur origine ethnique, et pour permettre au pays de tirer pleinement parti de la richesse de sa diversité.
Le chemin vers une société plus égalitaire et méritocratique sera long, mais il est crucial pour la cohésion nationale et le développement durable du pays. Les années à venir seront déterminantes pour voir si la nation congolaise saura relever ce défi et transcender ses divisions pour construire un avenir commun prospère.
Franck Tatu
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