Analyses et points de vue
Révision Constitutionnelle : L’Union Sacrée de la Nation en proie aux clichés et aux divorces (Tribune de Jespere Labunda, Scientifique et Patriote éclairé)

La République Démocratique du Congo se trouve à un tournant crucial, où le débat sur la réforme constitutionnelle met en exergue des fractures profondes au sein de l’opinion publique et de la classe politique. Alors que le président Félix Tshisekedi soulève la question d’une révision de la Constitution, les tensions s’intensifient et les alliances vacillent. Cette situation met en lumière des clichés bien ancrés et des intérêts souvent divergents. L’heure est grave : les choix que nous faisons aujourd’hui détermineront non seulement l’avenir de notre démocratie, mais aussi la cohésion même de l’Union Sacrée de la Nation, mise à l’épreuve face à des enjeux politiques majeurs.
Il est essentiel de rappeler qu’en ce qui concerne l’avenir de la Constitution, le président Félix Tshisekedi a abordé ce sujet pour la troisième fois en un peu plus d’un mois, à chaque occasion lors de ses déplacements dans les provinces. Fin octobre, à Kisangani, il évoquait une éventuelle révision constitutionnelle. Mi-novembre, à Lubumbashi, il a précisé sa position, déclarant que la question ne portait pas sur un troisième mandat, mais que la Constitution actuelle ne garantissait pas suffisamment la protection du pays. À Kalemie, il a de nouveau fait référence à cette réforme. Parallèlement, une Commission devrait être constituée début 2025 pour examiner les différentes options : changement ou révision. Les déclarations du Secrétaire général du parti présidentiel, Augustin Kabuya, renforcent l’idée que le camp au pouvoir se dirige de plus en plus vers un texte soumis à référendum.
En réaction, l’opposition, vent debout contre cette initiative, appelle sans relâche la population à manifester, notamment à Kinshasa.
Qu’en est-il de l’Union Sacrée de la Nation ? Cette alliance, constituée d’une mosaïque de partis politiques au pouvoir, présente des signes de fissure quant à l’appropriation de ce projet de réforme constitutionnelle par ses figures emblématiques. Pour mieux comprendre cette dynamique, il est pertinent de se référer à des penseurs influents en politique et communication.
Machiavel, avec son œuvre « Le Prince », souligne l’importance de la stratégie politique et des alliances opportunistes, un concept qui résonne particulièrement dans le contexte actuel de l’Union Sacrée. Les alliances semblent davantage motivées par des intérêts personnels que par des idéaux partagés. Après la répartition des postes, vient le moment d’assumer son engagement derrière un leader. Cette appartenance au pouvoir, intrinsèquement liée aux gestionnaires à tous les niveaux, mérite d’être affirmée publiquement en cette période décisive. Car il s’agit d’une communication d’un camp contre un autre.
L’influence de la communication sur l’opinion publique est également mise en lumière par Edward Bernays, souvent considéré comme le père des relations publiques. Son approche démontre comment la communication peut façonner les perceptions et influencer le cours des événements politiques, une dynamique observable dans les réactions des différents camps face à la réforme constitutionnelle.
Acte 1 : Vital Kamerhe, aphone pour ses ambitions personnelles ?
La présence de Vital Kamerhe sur la scène politique est souvent perçue comme un baromètre des tensions au sein de l’Union Sacrée. Lors des récentes apparitions publiques de Félix Tshisekedi, Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, a fait preuve d’un silence troublant sur la question cruciale de la réforme constitutionnelle. Alors que le président mobilise les soutiens locaux, notamment avec la présence de figures comme Sama Lukonde dans le Haut-Katanga, Kamerhe semble s’éclipser, laissant planer un doute sur son engagement réel dans cette dynamique.
Cette absence de voix pourrait être interprétée comme une stratégie prudente. Cependant, elle soulève des questions sur ses ambitions personnelles et sa capacité à naviguer dans un environnement politique aussi tumultueux. Ce silence est d’autant plus préoccupant que ses militants, issus de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), s’opposent vigoureusement à ceux qui défendent le projet de révision constitutionnelle. Kamerhe ne semble pas en mesure de contrôler cette fronde, ce qui pourrait refléter une fissure plus profonde dans sa propre base.
Lors d’une altercation au sein de l’hémicycle, l’ancien ministre de l’Intérieur, Daniel Aselo, a été contraint de rappeler à Kamerhe l’importance de traiter ses collègues de l’UDPS comme de véritables partenaires. Ce moment souligne non seulement les tensions interpartis, mais aussi la fragilité d’une coalition qui doit impérativement trouver un terrain d’entente pour avancer.
Kamerhe est-il en train de sacrifier ses ambitions personnelles sur l’autel de la prudence politique ? Ou bien navigue-t-il habilement pour préserver sa position, en attendant un moment plus opportun pour se prononcer ? Les enjeux sont considérables, et l’absence de leadership clair de sa part pourrait affaiblir davantage l’Union Sacrée dans les mois à venir.
Acte 2 : Bahati Lukwebo, l’hésitant stratège ?
La position de Bahati Lukwebo, un acteur clé de l’Union Sacrée, est révélatrice des tensions qui traversent l’alliance. Dans une récente interview à l’Assemblée nationale, à l’issue des états généraux de la justice, il a dénoncé les comportements de certains individus concernant la réforme constitutionnelle. Cependant, son discours, bien qu’éclairant des préoccupations légitimes, manque d’une prise de position claire. Ce flou laisse planer un doute sur ses véritables intentions : est-il en train de jouer la carte de la prudence ou de l’attentisme calculé ?
Bahati Lukwebo, en s’abstenant de prendre une position ferme, semble naviguer dans un équilibre délicat entre les attentes de ses partisans et les exigences du pouvoir. Cette hésitation peut être interprétée comme un signe de faiblesse ou de volonté stratégique, mais elle soulève également des questions sur la cohésion de l’Union Sacrée. En effet, cette coalition, censée incarner une vision unifiée, montre des signes de fragmentation face à des enjeux aussi cruciaux que la réforme constitutionnelle.
L’avenir nous dira si cette stratégie d’hésitation est payante ou si elle ne fait qu’accentuer les divisions internes. Dans un contexte où la mobilisation populaire est essentielle, la capacité de Lukwebo à articuler une vision claire et engageante sera déterminante pour renforcer sa légitimité et celle de l’Union Sacrée dans son ensemble. Les observateurs s’interrogent : cet attentisme est-il une simple tactique électorale ou une manifestation d’une crise plus profonde au sein de l’alliance ?
Acte 3 : Jean-Pierre Bemba, le polymorphe ?
La figure de Jean-Pierre Bemba illustre parfaitement les complexités politiques de la RDC. Alors que l’opinion publique peine à comprendre le passage éclair de l’ancien vice-président de la Défense aux Transports, son engagement dans la commercialisation de permis de conduire soulève des interrogations profondes sur ses véritables priorités. Cette campagne, déjà lancée, devient une préoccupation pressante pour les conducteurs, qui doivent rassembler des fonds à l’approche des festivités de fin d’année.
Bemba, souvent perçu comme un homme de pouvoir polymorphe, semble naviguer habilement entre les intérêts personnels et les nécessités politiques. Son intérêt pour ce nouveau secteur pourrait être interprété comme une tentative de renforcer sa base électorale tout en diversifiant ses sources de revenus, ce qui en dit long sur les défis auxquels il fait face. La question qui se pose alors est de savoir si cette stratégie est réellement en phase avec les attentes de la population, ou si elle reflète plutôt une manœuvre opportuniste dans un contexte politique instable.
Félix Tshisekedi fait-il trembler ses alliés, ou s’agit-il simplement d’une question de stratégie ? Les manœuvres politiques de Bemba pourraient être révélatrices d’une tendance plus large parmi les élites, qui cherchent à capitaliser sur les incertitudes actuelles. L’avenir nous apportera des réponses, mais il est clair que la scène politique se complexifie, avec des acteurs qui jonglent entre leurs ambitions personnelles et les attentes d’une population en quête de changement.
Enfin, la théorie de l’espace public de Jürgen Habermas nous rappelle l’importance du dialogue et de la rationalité dans la formation de l’opinion collective, un aspect qui semble faire défaut dans le débat actuel sur la réforme constitutionnelle en RDC. La fragmentation des discours et le manque de consensus pourraient compromettre la légitimité des décisions prises.
Jespere Labunda, scientifique et patriote éclairé
Analyses et points de vue
Gangstérisme administratif du DG Simon Siala Siala à l’IMNC : patrimoine culturel congolais en danger

Selon plusieurs sources, Simon Siala Siala a quitté l’institution pour une mission, laissant un pouvoir intérimaire apparemment non officialisé à sa directrice générale adjointe, Juliette Mbambu Mughole. Ce vide décisionnel semble avoir été le point de départ des tensions actuelles. De façon particulièrement troublante et constatée par la police et des huissiers de justice, l’IMNC est devenu un bien privé de son DG.
Des informations font état d’ordres donnés à certains agents très proches de lui qui ont orchestré la forfaiture de ne pas travailler en attendant le retour physique du directeur général, comme si l’institution devait s’arrêter en son absence et que son autorité ne pouvait être exercée par délégation. Cette conception personnalisée du pouvoir est aux antipodes des principes de continuité du service public.
La convocation d’une Assemblée Générale sans avoir préalablement obtenu l’accord formel de la Ministre de tutelle et du Conseil d’administration de l’IMNC constituerait la dernière provocation en date. Cette initiative unilatérale, prise en l’absence de toute validation hiérarchique, illustrerait un mépris total pour les procédures établies et la structure de gouvernance de l’institution. Face à cette situation, la réaction du personnel n’a pas tardé.
Un mouvement de protestation, bien que compréhensible, a eu pour effet de détourner l’attention des agissements du principal responsable de cette pagaille institutionnelle. Pendant ce temps, les autorités de tutelle, la Ministre de la Culture, des Arts et du Patrimoine et le Secrétaire général, sont restées d’un silence assourdissant, malgré les appels publics lancés par le personnel pour qu’elles interviennent.
Cette inertie face à une crise ouverte interroge sur la volonté politique de faire respecter l’État de droit au sein des institutions culturelles. Certains agents connus de justice et syndicalistes ont manifesté leur ras-le-bol devant le siège de l’institution à Lingwala. Leurs revendications, cependant, semblent avoir été judicieusement canalisées : elles se sont concentrées sur des griefs contre la Directrice Générale Adjointe, Juliette Mbambu Mughole.
Elle est accusée de “dérives” pour avoir tenté de réviser des textes légaux en l’absence du DG Simon Siala Siala. Ce qui est évidemment faux. L’IMNC est la seule institution en RDC qui refuse tout audit. C’est ce point qui a mis le feu aux poudres. Au-delà de la personne de Simon Siala Siala, cette crise met en lumière un problème systémique de gouvernance au sein de l’IMNC, une institution qui a connu par le passé de longues périodes de tensions similaires.
Les pratiques autoritaires, le contournement des procédures collégiales et la personnification du pouvoir transforment le musée, qui devrait être un sanctuaire de la mémoire collective, en une arène de luttes intestines. Et curieusement, un nom revient toujours lorsqu’il y a désordre à l’Institut des Musées Nationaux du Congo depuis au moins 4 ans soit comme DGA ou soit comme DG. C’est Simon Siala Siala.
Il est grand temps que les autorités de la RDC réagissent avec la fermeté requise pour mettre un terme à ce “gangstérisme administratif”. Le riche patrimoine culturel congolais et les générations futures méritent mieux qu’une institution otage des ambitions personnelles et du mépris des textes qui la régissent. N’oublions pas l’essentiel, l’institution doit être préservée à tout prix et non un quelconque mandataire DG soit-il.
TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR