Analyses et points de vue
Relation « Journaliste » et « Lanceur d’alerte » dans la lutte contre la corruption (Tchèques Bukasa, Journaliste)

Dans le cadre du Projet « RCN », nous examinons la relation entre le journalisme et les lanceurs d’alerte comme outil important dans la lutte contre la corruption. Cet exposé comporte également des bonnes pratiques ainsi que des recommandations.
Rôles et Missions de chaque entité
Loin de nous la prétention de revisiter les définitions du « Journalisme » ainsi que le travail de « Lanceur d’alerte », nous nous assignons simplement comme tache de rappeler les rôles et missions de chaque activité avant d’établir la relation entre les deux.
Primo : Un lanceur d’alerte est toute personne, groupe ou institution qui adresse un signal d’alarme en espérant enclencher un processus de régulation ou de mobilisation collective, après avoir eu connaissance d’un danger, d’un risque ou d’un scandale. À la différence du délateur, le lanceur d’alerte estime agir pour le bien commun, l’intérêt public ou intérêt général, animé de bonnes intentions, généralement de manière bénévole et désintéressée, souvent contre l’avis de sa hiérarchie. Son but est d’informer les instances officielles, associations et le journalisme d’enquête.
Dans le contexte congolais, le premier lanceur d’alerte populairement connu, c’est Jean-Jacques Lumumba,petit-neveu du héros de l’indépendance, Patrice Emery Lumumba. Dès 2017, il dénonçait de graves malversations liées à la BGFI Bank où il travaillait. Il a été contraint à l’exil en France.
Depuis lors, des lanceurs d’alerte sont de plus en plus nombreux au sein du système bancaire. Les deux d’Afriland First Bank, Gradi Koko et Navy Malela, sont en exil en France. Ils ont témoigné en février dernier à visage découvert, notamment sur RFI, révélant le blanchiment de millions de dollars.
Israel Kaseya a lui dénoncé le même type de malversations à Access Bank. En retour, il a été accusé d’avoir escroqué sa banque et s’est retrouvé en prison. Il a été libéré en octobre dernier mais il continue de recevoir des menaces suite à ses démarches auprès de différents services de l’État.
Enfin, on peut rappeler le cas de Claude Mianzuila, consultant à la MIBA, qui avait passé 55 jours de prison après avoir dénoncé un vol de diamants au sein de la société diamantifère d’État. Il continue de recevoir des menaces pour ses déclarations.
Secundo : Le journalisme, parfois appelé « quatrième pouvoir » en raison du rôle crucial qu’il joue dans la société, favorise aujourd’hui l’éclosion de la démocratie et la mise en œuvre de différentes libertés publiques, dont la liberté d’expression, la lutte contre la corruption, etc. La mission essentielle du journaliste consiste à transmettre une information sur n’importe quel sujet et support, en la rendant compréhensible et accessible à divers publics (lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, internautes…). Le journaliste est donc d’abord un rédacteur, y compris dans l’audiovisuel.
Somme toute, à travers leurs 2 profils, Journalistes et lanceurs d’alerte révèlent une relation dynamique, à travers une recherche effrénée des informations pouvant permettre l’amélioration des conditions de vie de leurs compatriotes, notamment dans la lutte contre la corruption. « Le journalisme ne survivra pas et n’aura pas la confiance de la société s’il ne collabore pas avec les personnes les mieux informées, notamment les lanceurs d’alerte », avait déclaré Maria Teresa Ronderos, la cofondatrice et directrice du Centro Latinoamericano de Investigación Periodística (Centre latino-américain d’investigation journalistique), soulignant, à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse le 3 mai, le besoin essentiel de protéger les journalistes, mais aussi leurs sources( les lanceurs d’alerte), souvent elles-mêmes inconscientes du danger de leur situation.
Relation proprement dite «Journaliste »-« Alerteur »
Au début, les lanceurs d’alerte jouaient le rôle incontournable de sources d’informations pour les journalistes. Avec l’avènement des Nouvelles technologies de l’information et de la communication, ils sont devenus eux-mêmes des canaux, publiant les résultats de leur travail, jusqu’au point de concurrencer les journalistes. Toutefois, le lien n’est pas totalement rompu, car le journaliste s’emploie toujours à relayer les résultats du lanceur.
Dans le contexte actuel où il y un flux infreinable d’informations, mêlée des fakes news, le journaliste est invité à beaucoup plus de prudence pour éviter d’être manipulé par des potentiels lanceurs d’alerte pullulant dans un terrain non règlementé.
Il y a lieu de souligner l’évolution de la relation de collaboration entre Journaliste et le lanceur d’alerte qui était source d’info pour le premier cité. Aujourd’hui, il est capable de diffuser lui-même, avec l’aide des réseaux sociaux, réduisant le chasseur d’infos au simple rôle de « relayeur ».
L’alerteur s’est créé un visage de « Justicier » en relayant son information et reçoit une caution de l’opinion publique. Mais le journaliste ne doit pas se laisser prendre dans ce jeu, au risque de mettre en péril son travail.
Lutte contre la corruption : Comment rendre efficace le travail combiné des journalistes et lanceurs
Les principales recommandations sont de promouvoir et de renforcer les lois et les pratiques permettant de protéger l’identité des lanceurs d’alerte s’ils le souhaitent. Il convient également de renforcer la réglementation, les lois et les pratiques permettant aux journalistes de préserver la confidentialité de leurs sources.
Il faut également renforcer et promouvoir les technologies qui permettent aux lanceurs d’alerte de déposer des plaintes sans révéler leur identité, ainsi que les organisations spécialisées dans le soutien juridique et autre aux lanceurs d’alerte avant ou après leurs déclarations.
Il convient de promouvoir des normes internationales qui obligent les États à adopter une législation adéquate pour favoriser les incitations et éviter les conséquences négatives des révélations des lanceurs d’alerte. Il convient également de promouvoir une législation qui empêche les poursuites injustifiées à l’encontre d’un lanceur d’alerte pour ses déclarations.
Tout en analysant la question, il y a nécessité de former les journalistes de manière à ce qu’ils puissent conseiller les lanceurs d’alerte et souligner la nécessité d’un dialogue accru entre les groupes de journalistes et les défenseurs des lanceurs d’alerte afin de mieux comprendre leurs rôles, responsabilités et les moyens de renforcer la démocratie, l’État de droit et surtout la lutte contre la corruption.
Somme toute, cette relation mérite une attention particulière car considérée comme le point de départ d’une action de dénonciation d’irrégularités qui pourrait faire bouger les lignes dans notre société gangrenée par la corruption.
Tchèques Bukasa/CONGOPROFOND.NET
Analyses et points de vue
Gangstérisme administratif du DG Simon Siala Siala à l’IMNC : patrimoine culturel congolais en danger

Selon plusieurs sources, Simon Siala Siala a quitté l’institution pour une mission, laissant un pouvoir intérimaire apparemment non officialisé à sa directrice générale adjointe, Juliette Mbambu Mughole. Ce vide décisionnel semble avoir été le point de départ des tensions actuelles. De façon particulièrement troublante et constatée par la police et des huissiers de justice, l’IMNC est devenu un bien privé de son DG.
Des informations font état d’ordres donnés à certains agents très proches de lui qui ont orchestré la forfaiture de ne pas travailler en attendant le retour physique du directeur général, comme si l’institution devait s’arrêter en son absence et que son autorité ne pouvait être exercée par délégation. Cette conception personnalisée du pouvoir est aux antipodes des principes de continuité du service public.
La convocation d’une Assemblée Générale sans avoir préalablement obtenu l’accord formel de la Ministre de tutelle et du Conseil d’administration de l’IMNC constituerait la dernière provocation en date. Cette initiative unilatérale, prise en l’absence de toute validation hiérarchique, illustrerait un mépris total pour les procédures établies et la structure de gouvernance de l’institution. Face à cette situation, la réaction du personnel n’a pas tardé.
Un mouvement de protestation, bien que compréhensible, a eu pour effet de détourner l’attention des agissements du principal responsable de cette pagaille institutionnelle. Pendant ce temps, les autorités de tutelle, la Ministre de la Culture, des Arts et du Patrimoine et le Secrétaire général, sont restées d’un silence assourdissant, malgré les appels publics lancés par le personnel pour qu’elles interviennent.
Cette inertie face à une crise ouverte interroge sur la volonté politique de faire respecter l’État de droit au sein des institutions culturelles. Certains agents connus de justice et syndicalistes ont manifesté leur ras-le-bol devant le siège de l’institution à Lingwala. Leurs revendications, cependant, semblent avoir été judicieusement canalisées : elles se sont concentrées sur des griefs contre la Directrice Générale Adjointe, Juliette Mbambu Mughole.
Elle est accusée de “dérives” pour avoir tenté de réviser des textes légaux en l’absence du DG Simon Siala Siala. Ce qui est évidemment faux. L’IMNC est la seule institution en RDC qui refuse tout audit. C’est ce point qui a mis le feu aux poudres. Au-delà de la personne de Simon Siala Siala, cette crise met en lumière un problème systémique de gouvernance au sein de l’IMNC, une institution qui a connu par le passé de longues périodes de tensions similaires.
Les pratiques autoritaires, le contournement des procédures collégiales et la personnification du pouvoir transforment le musée, qui devrait être un sanctuaire de la mémoire collective, en une arène de luttes intestines. Et curieusement, un nom revient toujours lorsqu’il y a désordre à l’Institut des Musées Nationaux du Congo depuis au moins 4 ans soit comme DGA ou soit comme DG. C’est Simon Siala Siala.
Il est grand temps que les autorités de la RDC réagissent avec la fermeté requise pour mettre un terme à ce “gangstérisme administratif”. Le riche patrimoine culturel congolais et les générations futures méritent mieux qu’une institution otage des ambitions personnelles et du mépris des textes qui la régissent. N’oublions pas l’essentiel, l’institution doit être préservée à tout prix et non un quelconque mandataire DG soit-il.
TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR