Connect with us

À la Une

Le fédéralisme comme fardeau : le cas critique de la RDC

Published

on

Le débat entre centralisme et fédéralisme est l’un des plus anciens et des plus complexes en science politique. Si le fédéralisme est souvent présenté comme une solution miracle pour gérer la diversité dans les États multiculturels, plusieurs expériences historiques démontrent qu’il peut se transformer en véritable fardeau, conduisant à l’affaiblissement de l’État.

 

Il peut conduire à la fragmentation territoriale et parfois même à l’échec complet du projet national. Examinons quelques cas historiques où la transition du centralisme vers le fédéralisme a échoué, avant de se concentrer sur le cas particulièrement préoccupant de la RDC, où l’adoption du fédéralisme dans le contexte actuel équivaudrait à un suicide politique et territorial.

L’URSS constitue un exemple paradigmatique de fédéralisme imposé qui s’est révélé être un échec retentissant. Malgré sa constitution de 1977 qui proclamait l’URSS comme « un État fédéral unitaire et multinational » , en réalité, le système soviétique était extrêmement centralisé. Boris Meissner caractérisait l’URSS comme étant « un État centralisé habillé de formes fédératives » .

Lorsque la perestroïka a assoupli les contrôles centraux à la fin des années 1980, les républiques fédérées ont rapidement proclamé leur souveraineté, conduisant à l’éclatement de l’URSS en 1991. Le fédéralisme soviétique, loin d’être un trophée, s’est révélé être un fardeau qui a accéléré la désintégration de l’empire des Tsars. La Yougoslavie titiste avait établi un système fédéral complexe.

Cette nation dirigée par Josip Broz Tito a opté pour un État fédéré avec six républiques et deux provinces autonomes. Ce système, conçu pour gérer la diversité ethnique et nationale, s’est transformé en machine à fragmenter lorsque les contrôles centraux se sont relâchés après la mort de Tito. Et pourtant, le Maréchal de Yougoslavie parvint à réunifier une République qui a été démembrée après l’invasion de 1941.

Les tensions entre les républiques fédérées, exacerbées par les réformes économiques et les rivalités politiques, ont conduit aux guerres yougoslaves des années 1990 et à l’éclatement sanglant de la fédération. Le fédéralisme yougoslave sous Josip Broz Tito, loin d’être un instrument d’unité, est devenu le cadre institutionnel de la désintégration de cette république aujourd’hui disparue.

Le Congo indépendant a connu une brève expérience fédérale entre 1960 et 1965, marquée par la sécession du Katanga en 1960 sous l’impulsion de Moïse Tshombe . La Constitution de Luluabourg de 1964 avait établi un système fédéral, mais cette expérience a tourné court avec le coup d’État du Président Joseph Mobutu en novembre 1965, qui a rétabli un système centralisé.

Le coup d’État de Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wazabanga, en novembre 1965, va redonner succès aux idées centralisatrices du pouvoir d’État avec, comme conséquence inévitable, la dérive dictatoriale. Le fédéralisme congolais des années 1960, loin de stabiliser le pays, a créé les conditions de l’autoritarisme mobutiste. Le fédéralisme peut être une route tracée vers la partition.

La Tchécoslovaquie a adopté un système fédéral en 1969, divisant le pays en deux républiques fédérées (tchèque et slovaque). Ce système, conçu pour apaiser les tensions entre les deux nations, a en réalité institutionnalisé leurs différences et créé des structures politiques parallèles qui ont rendu la partition de 1993 (« le divorce de velours ») presque inévitable. Ici, aussi, le fédéralisme devint un prélude à la dislocation.

Le fédéralisme tchécoslovaque, plutôt que de renforcer l’unité nationale, a fourni le cadre institutionnel pour une séparation pacifique. Le Soudan avait mis en place un système fédéral en 2005 avec l’Accord de paix global qui mettait fin à la longue guerre civile entre le Nord et le Sud. Cependant, ce fédéralisme n’a pas réussi à maintenir l’unité du pays, et le Sud-Soudan a fait sécession en 2011 après un référendum.

Le cas soudanais montre comment le fédéralisme peut parfois institutionnaliser les divisions plutôt que les surmonter, préparant le terrain pour des sécessions. La Belgique présente un cas particulier où le fédéralisme, plutôt que de résoudre les tensions entre Flamands et Francophones, semble les avoir institutionnalisées. L’Etat belge a en effet ceci de particulier qu’il s’interroge, chose rare pour un Etat, ouvertement sur sa fin.

Le système belge est marqué par une dynamique constante de réformes institutionnelles qui ne semblent jamais apaiser complètement les tensions communautaires. Dicey critiquait le fédéralisme en disant que « Federal government means weak government » , une observation qui semble trouver écho dans le cas belge contemporain. Le fédéralisme en RDC serait un suicide dans le contexte actuel.

La RDC sort « exsangue de crises en cascades dont la guerre civile de 1998-2002 marque le point d’orgue » . Le pays est engagé dans un difficile processus de reconstruction après ce que certains appellent la « décennie du chaos » (1992-2002) . Dans ce contexte, le fédéralisme risquerait d’aggraver les fractures plutôt que de les guérir à cause des expériences historiques négatives.

Les années de transition ont précipité « le délitement d’un territoire de plus en plus désarticulé, privant l’État du contrôle de son espace » . Le pays souffre déjà d’un processus d’ « archipellisation «  de l’espace national. Le fédéralisme, dans ce contexte, pourrait accélérer cette fragmentation plutôt que de la contenir. Le Congo a déjà connu des expériences fédéralistes qui ont mal tourné.

En 1960, le Katanga a fait sécession sous l’impulsion de Moïse Tshombe. En 1964, à Luluabourg, et en 1992, à Kinshasa, les fédéralistes avaient réussi à prendre le dessus des unitaristes, mais ces expériences ont été interrompues par des coups d’État ou des changements de régime. Ces antécédents historiques suggèrent que le fédéralisme pourrait réveiller des démons que le pays a du mal à contenir.

Comme le note un analyste, « la R.D. du Congo ne répond plus aux critères d’un État moderne selon la tradition européenne, qui sont : un pouvoir institutionnalisé, un appareil administratif, des lois universalistes et un monopole légitimé de l’exercice de la coercition » . Dans un contexte de faiblesse institutionnelle aussi prononcée, le fédéralisme risquerait de saper davantage les capacités de l’État plutôt que de les renforcer.

La RD Congo souffre d’un problème de « patrimonialisation de l’État ». Dans ce contexte, le fédéralisme risquerait de renforcer les pouvoirs des élites locales prédatrices plutôt que de promouvoir un développement équilibré. D’aucuns s’accordent sur le fait qu’avec la patrimonialisation de l’État congolais sous Joseph Mobutu et même bien avant sous l’État Indépendant du Congo (E.I.C).

La République démocratique du Congo ne répond plus aux critères d’un État moderne. L’article 175 de la Constitution congolaise prévoit que « la part des recettes à caractère national allouées aux provinces est établie à 40% » , mais cette disposition génère des tensions. Historiquement, « le problème du prélèvement des recettes fiscales avait déjà agité la classe politique en 1964 » .

Aujourd’hui, des mouvements comme le Bundu dia Kongo (BDK) s’inscrivent « dans une tradition ethno-messianiste » qui pourrait être exacerbée par un système fédéral. Ces quelques exemples historiques montrent que le fédéralisme, loin d’être un trophée universel, peut se transformer en fardeau insupportable pour des États fragiles. L’état actuel de la nation Congolaise ne permet pas de prendre un risque inconsidéré.

Dans le cas particulier de la RDC, l’adoption du fédéralisme dans le contexte actuel équivaudrait à un suicide politique et territorial. Si l’option unitariste a été retenue, c’est en raison des craintes compréhensibles contre la partition de la République démocratique du Congo, et surtout, compte tenu des velléités sécessionnistes persistantes. Le Rwanda ne se cache plus dans sa volonté balkanisatrice.

Plutôt que de se lancer dans une aventure fédéraliste risquée, la RDC gagnerait à se concentrer sur la reconstruction d’un État capable d’exercer ses fonctions régaliennes sur l’ensemble du territoire, de fournir des services de base à sa population et de gérer ses ressources de manière transparente et équitable. Il faut se concentrer à gagner la guerre et à mettre fin à ce cycle chronique d’invasion étrangère.

« La préoccupation est qu’au delà de la question de la forme de l’État et de ses corollaires, il faille recréer un État en crise ou tout simplement liquéfié ». C’est cette reconstruction de l’État dans sa dimension unitaire qui constitue le véritable défi, bien plus urgent que des débats institutionnels sur le fédéralisme qui, dans le contexte congolais actuel, relèveraient effectivement d’une forme de suicide politique.

TEDDY MFITU

Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR

Spread the love

À la Une

Plus d’un milliard de pertes dans la fraude minière : L’État mise sur Didier Kaku Kingwabidi pour inverser la tendance

Published

on

Par arrêté interministériel en date du 16 avril 2025, Didier KAKU KINGWABIDI, Inspecteur Général des Mines, a été nommé Coordonnateur National de la Commission Nationale de Lutte contre la Fraude et la Contrebande Minière (CNLFM).

Cette désignation s’inscrit dans une volonté affirmée du gouvernement congolais de renforcer la gouvernance du secteur minier, en proie à des défis majeurs : fraude à grande échelle, contrebande systémique, et exploitation illégale parfois orchestrée par des groupes armés.

La nomination de l’actuel patron de l’Inspection Générale des Mines, reconnu pour sa rigueur et son expertise, vise à doter la CNLFM d’un leadership solide et crédible, capable de porter une réforme ambitieuse.

Ce changement à la tête de la CNLFM représente un jalon important dans la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre les pratiques illicites dans le secteur minier-un phénomène qui coûte chaque année plus d’un milliard de dollars au Trésor public. À travers ce geste fort, les autorités réaffirment leur engagement à protéger les ressources naturelles du pays et à garantir une exploitation minière profitable à l’économie nationale.

Tchèques Bukasa/CONGOPROFOND.NET 

 

 

 

Spread the love
Continue Reading