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Analyses et points de vue

Jacques Djoli : l’architecte de l’impossible, le stratège de l’ère nouvelle

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Dans le théâtre feutré et impitoyable de la politique congolaise, où les coups se trament dans l’ombre et les victoires se proclament au grand jour, un nom circule désormais en murmures respectueux, mêlés d’une pointe d’incrédulité : Jacques Djoli Eseng’Ekeli l’architecte de cette transition électorale, l’artisan de la métamorphose civique, le géomètre de la volonté générale.

Alors que la nation célèbre l’élection de l’Honorable Aimé Boji Sangara à la présidence de l’Assemblée nationale, il est temps de braquer les projecteurs non sur le visage public du pouvoir, mais sur son génie de l’ombre, l’ingénieur de cette transition aussi historique qu’improbable, le passeur de souveraineté populaire, l’ordonnateur du devenir-démos, le médiateur de l’agora.

On nous a seriné que la démocratie congolaise était un malade en phase terminale, rongé par les vieux démons des arrangements entre seigneurs de la guerre en costume-cravate. On nous a prédit le chaos, la reproduction à l’identique des équilibres hérités d’un autre temps. Et pourtant, contre toute attente, une transition s’est opérée. Non pas par un coup de force, mais par un coup de maître.

Et le maître du jeu, c’est Jacques Djoli le briseur de dogmes. Honorable Jacques Djoli n’est pas un politicien. C’est un météorologue politique. Il ne subit pas les courants ; il les anticipe, les canalise et les utilise pour créer un temps nouveau. Tandis que les vieilles écoles s’épuisaient en calculs tribaux et en marchandages usés, lui a introduit une variable longtemps ignorée dans l’équation congolaise : l’ingénierie électorale rationnelle.

Son approche est iconoclaste parce qu’elle est froide, presque clinique. Elle ne se nourrit pas d’idéologie, mais de data, de sociologie des votes, de psychologie des blocs parlementaires. Il a compris avant tout le monde que dans un hémicycle fragmenté, le pouvoir ne se gagne plus uniquement par la coercition ou l’argent, mais par la capacité à construire des majorités d’idées et d’intérêts convergents.

Il a remplacé la machette par l’algorithme, la menace par la démonstration mathématique. Sa stratégie pour le président Aimé Boji Sangara ? Un chef-d’œuvre de discrétion et d’efficacité. Il n’a pas cherché à convaincre tout le monde, mais à identifier les piliers fragiles de la majorité et à constituer, en sous-main, une coalition hétéroclite mais solide autour d’une idée simple : l’alternance comme nécessité vitale pour la crédibilité du régime.

Il a parlé le langage de l’avenir à des hommes souvent arc-boutés sur le passé. C’est lui l’artisan de la “révolution silencieuse”, le “tectonte de la basileia moderne”, “l’ingénieur du contrat social en acte”. Qualifier cette élection de “simple vote” est une insulte à l’intelligence. C’était l’aboutissement d’un processus long, méticuleux, une campagne souterraine qui a duré des mois.

Le Rapporteur Jacques Djoli, “le chorège de la délibération collective”, a été le chef d’orchestre de cette symphonie politique où chaque député était un instrument qu’il fallait accorder individuellement avant de les faire jouer ensemble le jour J. On l’a vu, discret, dans les couloirs du Palais du peuple échangeant ici une promesse de commission, là un projet de loi porteur, plus loin une garantie pour une circonscription.

Il n’achetait pas les consciences, il négociait des adhésions. Il a démontré que la politique est l’art du possible, à condition d’en posséder le mode d’emploi. L’élection du 23ème président de l’Assemblée nationale Aimé Boji Sangara n’est pas une victoire d’un clan contre un autre. C’est la victoire d’une méthode : la méthode Jacques Djoli Eseng’Ekeli, “le garant de la translatio imperii”.

Une méthode qui prouve que la stabilité peut naître de la négociation et non de la confrontation, que la légitimité peut émerger d’un calcul bien mené aussi sûrement que d’un coup de force. Mais réduire le travail du Professeur Jacques Djoli à la conquête du perchoir serait une erreur stratégique. Son véritable coup de génie est d’avoir fait de cette élection la pierre angulaire d’une nouvelle donne politique.

En plaçant Aimé Boji Sangara, une figure consensuelle, travailleuse et respectée, il a offert au Président de la République un interlocuteur stable et une Assemblée apaisée, condition sine qua non pour la mise en œuvre du programme de réformes et de la grande bataille pour la souveraineté économique. Jacques Djoli n’a pas juste gagné une élection. Il a verrouillé la stabilité du quinquennat. Il a installé une ingénierie du consensus qui servira de modèle pour les batailles législatives à venir.

Il a, en somme, écrit le premier chapitre d’un nouveau manuel de la politique congolaise, où la raison l’emporte sur l’instinct. Aujourd’hui, Kinshasa a un nouveau Président de l’Assemblée. Mais elle a surtout découvert son plus grand stratège politique. Jacques Djoli, l’homme qui a rendu l’impossible simplement inévitable. L’ère de l’improvisation est révolue. Place à l’ère de l’ingénierie. Place à l’ère Djoli.

TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR

Analyses et points de vue

“Maréchal” SEFO, l’ombre rouge de N’Djili : itinéraire d’un enfant perdu devenu chef de terreur

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De la cour de récréation au trône de sang des “Arabes”, l’ascension fulgurante et écœurante d’un général sans armée, mais avec des foules de disciples perdus. Ils l’appelaient “Maréchal”. Pas le maréchal à la poitrine couverte de médailles, celui des parades et de la gloire nationale. Non. Leur Maréchal, à eux, était un seigneur de la peur, un stratège du chaos dont la commune de N’Djili, à Kinshasa, prononçait le nom en baissant la voix.

SEFO. Un nom qui claque comme un coup de feu. Son histoire n’est pas celle d’un monstre né, mais celle, bien plus poignante et écœurante, d’un enfant perdu que le monde a rejeté et qui, en retour, a décidé d’y mettre le feu. Tout a commencé dans les ruelles poussiéreuses et surpeuplées de N’Djili. Quelque part, il y a une photo fantôme : celle d’un petit garçon qui rêvait peut-être d’école, de football, d’un avenir.

Cette photo s’est effacée, rongée par l’âpreté de la vie, par le manque, par l’absence de bras pour le rattraper. L’enfant SEFO a glissé. Et la première rampe de sa chute fut le gang des “fourmis rouges”. Entre 2013 et 2014, le marché Mangobo au Quartier 2 vivait sous la coupe de ces jeunes aux dents longues. Comme des insectes voraces, les “fourmis rouges” dévoraient l’insécurité, volant, braquant, semant une panique sourde.

Pour SEFO, ce fut plus qu’une bande : une famille de substitution, une école de la violence. Ici, on n’apprenait pas les mathématiques, mais l’art de planquer un couteau, de jauger une cible, de fuir sous les cris. C’était la cour des miracles des damnés, et SEFO fut un élève appliqué. Sous la pression des autorités, le nid des fourmis rouges s’est effondré. Pour beaucoup, ce fut la fin. Pour SEFO, ce n’était que la fin du premier acte. La dispersion de la bande ne signifiait pas la rédemption.

Elle fut l’occasion d’une ambition plus grande. L’enfant perdu avait goûté au pouvoir que confère la terreur. Il en voulait davantage. Le Quartier 3 allait devenir son nouveau royaume. Il intègre une nouvelle bande, au nom lourd de paradoxes et de prétention : “les Arabes”. Peut-être une référence aux seigneurs du désert, à une puissance nomade et impitoyable. SEFO n’y arriva pas en simple soldat. Il débarqua avec ce qui allait devenir sa légende : un charisme froid et une audace qui frôlait la folie.

Les récits de ses “exploits” des fourmis rouges le précédaient. On chuchotait sur son courage – ou son absence de peur. On admirait sa force de caractère. En un temps record, le disciple devint maître. Il ne grimpa pas les échelons ; il les pulvérisa. Et c’est là que le mythe naquit : ses comparses, subjugués ou terrorisés, lui décernèrent le titre de “Maréchal”. Qu’y avait-il de si percutant dans ce titre ? Tout. C’était une moquerie sanglante adressée à l’autorité étatique défaillante.

C’était la reconnaissance d’un génie tactique perverti. Et c’était, surtout, l’annonce d’une férocité sans limite. Le Maréchal ne commande pas avec des mots, mais avec des actes. Chaque braquage était une bataille gagnée, chaque territoire conquis une nouvelle ligne sur sa carte du crime. Le plus poignant, le plus écœurant dans cette histoire, ce n’est pas la violence en elle-même. C’est la tragédie humaine qu’elle révèle. SEFO, le Maréchal, n’était au fond qu’un adolescent. Il aurait dû être sur les bancs de l’école, à rêver de filles et d’avenir.

Au lieu de cela, il siégeait sur un trône de peur, entouré de sujets armés de machettes et de pistolets. Son itinéraire est un crachat à la face d’une société qui a failli. Chaque victime de son gang est une victime collatérale de cet échec collectif. L’ombre rouge qu’il projetait sur la commune de N’Djili n’était que le reflet d’un vide abyssal : celui de l’enfance brisée, de l’éducation absente, de l’avenir confisqué. Que sont devenus les fourmis rouges ? Où sont passés les Arabes ?

Les gangs se dissolvent, les noms changent, mais la matrice qui produit les SEFO reste terriblement active. Le Maréchal est peut-être tombé et bien mort dans une violence qu’il aura lui-même cultivée. Mais son histoire, son titre, sa légende, continuent de hanter les ruelles de N’Djili, servant de funeste modèle à une nouvelle génération d’enfants perdus, prêts à tout pour qu’on les appelle, eux aussi, “Maréchal”.

La véritable terreur ne réside pas dans le souvenir d’un chef de gang, mais dans la certitude silencieuse et écœurante qu’un autre SEFO est peut-être en train de naître, à l’ombre d’une école inaccessible, dans le cœur d’un enfant que plus personne ne regarde.

TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR

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