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Ituri/Irumu : Komanda, le Centre d’accueil des déplacés, dans la peur d’une nouvelle attaque des ADF !
Komanda, un carrefour ouvrant la province de l’Ituri au Nord-Kivu et Haut-Uelé, est le centre qui accueille en ce jour un grand nombre de personnes fuyant l’insécurité, notamment sur le tronçon Mambasa.
Situé au croisement des routes nationales numéros 4 et 27, Komanda héberge déjà des milliers de déplacés venus de l’axe Luna dans la chefferie des Walese Vonkutu, en territoire d’Irumu. Et tout récemment, ceux de l’axe Mambasa avec la deversion des ADF sur ce tronçon.
Sur place, ils sont regroupés, les uns, dans des églises, écoles, familles d’accueil. D’autres passent simplement la nuit à la belle étoile. En majorité ces déplacés sont logés à l’Institut Mafifi, dans la concession anglicane, à l’école primaire Muangaza et l’institut Kibonge, dans la concession de l’église de la 39ème Communauté évangélique.
En somme, ces infortunés mènent une vie précaire.
« A l’église primaire, par exemple, toutes les salles de classes sont occupées…», confirme une source locale.
La sécurité, une priorité outre l’assistance
Sécuriser Komanda, chef-lieu de la chefferie des Basili, reste une priorité, estime l’opinion locale à défaut de deverser de nouveau plusieurs milliers de personnes dans la rue et dans le désespoir.
Elle s’interroge même sur le lieu où devrait fuir cette population si jamais ce milieu arrivait à être la cible des ennemis.
D’où «l’importance de sécuriser surtout Komanda pour éviter le pire, sinon c’est le chaos ! ».
« Il y a peu, un tract faisant état d’une éventuelle attaque des ADF a été ramassé vers Beyi. Heureusement, il y a des positions militaires dans les coins…», révèle une source.
Le seul axe facile d’accès semble être celui de Makayanga-Bunia via Marabo, après de nouvelles présences ADF signalées sur Komanda-Mambasa, outre Komanda-Luna, pensent les observateurs.
Débordé plutôt par des déplacés que les autochtones, Komanda reprend son engouement habituel après les attaques répétées de fin 2021. Le dernier cas en date est celle du 9 avril 2022 faisant deux morts, dont un élève finaliste.
Mais la cité est caractérisée par une ambiance intense dont les déplacés sont à l’origine.
« Au marché, chaque jour c’est comme le dimanche. Actuellement, il y a même un petit marché des régimes de bananes et charbons vers l’ancien bureau de la DGRPI », explique Moïse Ulangu, l’un des journalistes oeuvrant dans la région.
Lors du meurtre de 8 civils dont 7 pygmées à Lolwa au réveil du 17 août 2022, le député national Jackson Ausse alertait sur l’urgence, par le gouvernement, de mobiliser ses partenaires pour venir en aide aux personnes déversées dans la rue après les 20 000 autres, selon OCHA en date du 10 août dernier.
Une nécessité d’assistance évoquée aussi par Christophe Munyanderu, coordonnateur territorial de bureau de la convention pour les respects des droits de l’homme lors d’un entretien exclusif avec votre rédaction.
Komanda avait déjà subi des attaques, notamment, des groupes armés locaux au-delà des rebelles ADF. À cela s’ajoute le cas de justice populaire où 8 personnes ont été tuées, car soupçonnées d’être des sujets Banyabwisha, collaborateurs des ADF, en juillet 2021.
Verite Johnson/CONGOPROFOND.NET
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Le tribalisme institutionnel en RDC : un frein majeur au développement national
La République Démocratique du Congo (RDC), pays d’une immense diversité ethnique et culturelle, fait face à un défi de taille : le tribalisme institutionnel. Ce phénomène, s’est amplifié ces dernières années et constitue un obstacle majeur au développement harmonieux du pays. Notre analyse se penche sur la manière dont cette pratique s’est enracinée dans les sphères religieuses et académiques, deux piliers essentiels de la société congolaise.
L’héritage colonial et ses répercussions actuelles
L’histoire de la RDC est profondément marquée par son passé colonial. La stratégie du “diviser pour régner” employée par les autorités belges a laissé des cicatrices durables dans le tissu social du pays. Cette politique a exacerbé les divisions ethniques, créant un terrain fertile pour le tribalisme qui persiste jusqu’à aujourd’hui.
Les données démographiques, bien qu’anciennes, témoignent de la complexité ethnique du pays. Le dernier recensement officiel, datant de 1984, dénombrait plus de 350 groupes ethniques distincts. Cette diversité, qui pourrait être une source de richesse culturelle, est souvent instrumentalisée à des fins politiques et économiques.
Les communautés religieuses : un miroir des divisions ethniques
Les grandes communautés religieuses de la RDC, notamment les églises évangéliques, sont au cœur de cette problématique. Des observations sur le terrain et des analyses de la composition des organes de direction de ces institutions révèlent une tendance inquiétante à la surreprésentation de certains groupes ethniques.
Prenons l’exemple de la Communauté Baptiste du Centre de l’Afrique (CBCA), une institution majeure dans l’est du pays. Bien qu’opérant dans une région multi-ethnique, la composition de ses instances dirigeantes semble favoriser de manière disproportionnée les membres d’une ethnie particulière.
De même, la Communauté Presbytérienne de Kinshasa (CPK), qui se veut une église nationale, présente une structure de leadership qui reflète une forte concentration régionale, avec une majorité de ses cadres supérieurs provenant d’une seule province.
Ces pratiques, loin d’être isolées, semblent être répandues dans de nombreuses institutions religieuses à travers le pays. Elles soulèvent des questions importantes sur l’inclusivité et l’équité au sein de ces communautés, censées promouvoir l’unité et l’égalité.
Le monde académique : reproduction des schémas tribaux
Le secteur de l’enseignement supérieur n’échappe pas à cette dynamique. Des observations dans plusieurs universités majeures du pays, tant publiques que privées, mettent en lumière des schémas similaires de favoritisme ethnique.
L’analyse de la composition du corps professoral et des postes administratifs dans certaines institutions révèle une surreprésentation flagrante de certains groupes ethniques. Cette situation est particulièrement prononcée dans les universités régionales, où le corps enseignant et l’administration reflètent souvent la composition ethnique locale, au détriment de la diversité nationale.
Cette pratique a des conséquences graves sur la qualité de l’enseignement et de la recherche. Elle limite la diversité des perspectives, freine l’innovation et perpétue un système où le mérite est souvent secondaire par rapport à l’appartenance ethnique.
Impact sur le développement national
Les répercussions du tribalisme institutionnel vont bien au-delà des murs des églises et des campus universitaires. Elles affectent profondément le développement économique et social du pays dans son ensemble.
Les indicateurs de développement placent systématiquement la RDC parmi les pays les moins avancés. Selon l’Indice de Développement Humain, la RDC se classe régulièrement dans le dernier quart du classement mondial. Bien que de nombreux facteurs contribuent à cette situation, le tribalisme institutionnel joue un rôle non négligeable en entravant la méritocratie et l’allocation efficace des ressources humaines.
Dans le secteur privé, des enquêtes menées auprès d’entrepreneurs révèlent que la discrimination basée sur l’origine ethnique reste un obstacle majeur dans l’accès aux opportunités d’affaires et aux financements. Cette situation freine l’innovation et la croissance économique, privant le pays de talents et d’idées qui pourraient contribuer à son développement.
Le jeu dangereux des alliances politiques
L’analyse des nominations à des postes clés au sein des institutions religieuses et académiques révèle souvent des coïncidences troublantes avec les changements politiques au niveau national ou provincial. Ces observations suggèrent l’existence d’un système d’échange de faveurs entre certaines communautés religieuses, des universités et le pouvoir politique.
Ce système de clientélisme basé sur l’appartenance ethnique perpétue un cercle vicieux où le mérite et les compétences sont relégués au second plan. Il contribue à maintenir en place des structures de pouvoir qui ne reflètent pas la diversité du pays et ne servent pas nécessairement ses intérêts à long terme.
Vers des solutions : initiatives et perspectives
Face à ce constat, des voix s’élèvent dans la société civile congolaise pour demander un changement. Des propositions émergent, telles que l’instauration de quotas ethniques dans les institutions publiques et parapubliques pour garantir une représentation équitable de toutes les communautés.
Certaines universités ont commencé à mettre en place des programmes visant à promouvoir la diversité ethnique au sein de leur corps enseignant et étudiant. Bien que ces initiatives soient encore à leurs débuts, elles représentent un pas dans la bonne direction.
L’inclusion : un défi pour l’avenir de la RDC
Le tribalisme institutionnel en RDC est un phénomène complexe, profondément enraciné dans l’histoire et la culture du pays. Son éradication nécessitera des efforts concertés de la part de tous les acteurs de la société congolaise.
La lutte contre cette pratique est essentielle pour l’avenir du pays. Elle est indispensable pour garantir l’égalité des chances pour tous les Congolais, indépendamment de leur origine ethnique, et pour permettre au pays de tirer pleinement parti de la richesse de sa diversité.
Le chemin vers une société plus égalitaire et méritocratique sera long, mais il est crucial pour la cohésion nationale et le développement durable du pays. Les années à venir seront déterminantes pour voir si la nation congolaise saura relever ce défi et transcender ses divisions pour construire un avenir commun prospère.
Franck Tatu
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