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Industrialisation de la RDC : dernière frontière de la réduction de la pauvreté ?

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Le 07 juillet 2019 à Niamey au Niger, le Chef de l’Etat, Son Excellence Monsieur Félix Antoine Tshilombo Tshisekedi a participé à la célébration solennelle de l’entrée en vigueur de la Zone de Libre-échange Continental, Zlec en sigle sur laquelle l’Afrique compte créée les conditions de son industrialisation et de la libéralisation de son économie. L’élément industriel de cette rencontre a attiré notre attention et nous a amené à la consultation d’un expert à Kinshasa pour analyse de la situation industrielle de la Rd Congo. Entretien :

CONGOPROFOND : De cette rencontre de Niamey, pensez-vous que les pays africains ont un idéal commun sur le plan du développement industriel ?

Elvis Mayo Bieme : La situation est un peu confuse. L’Afrique compte environ huit zones de libre-échange à niveaux d’intégration très divers. Il y a la présence de plusieurs problématiques fondamentales dont celle des divergences politiques évidentes entre certains pays (le Nigéria a longtemps était réticent au projet, le président de la Rd Congo évoque des préalables sécuritaires etc.), celle de la solidarité (socle de l’exemple de l’intégration européenne par ex.), de la révision des relations commerciales entretenues déjà avec l’Europe, la Chine, la Turquie et d’autres en faisant usage de la clause de la nation la plus favorisée.

L’objectif de développement économique par le libre-échange se fera avec l’industrialisation comme facteur déterminant du développement économique. Et cet enjeux se présente comme une impérative pour l’Afrique si elle veut réaliser les objectifs de l’Agenda 2063 dans l’économie mondiale handicapée par le changement climatique et impulsée par des chaînes d’approvisionnement compétitives et la dynamique complexe de l’offre et de la demande. L’atteinte positive de cet horizon nécessite beaucoup de volonté et de sacrifices.

CONGOPROFOND : Quelle lecture faite vous de la politique industrielle actuelle de la Rd Congo ?

Elvis Mayo Bieme : Le processus de fabrication de produits manufacturés s’effectuant soit dans une chaîne de fabrication, soit dans une chaîne de production, joue un rôle décisif dans la croissance nationale. La transformation structurelle de l’économie congolaise doit être une priorité gouvernementale, et la stratégie privilégiée pour la réaliser est l’industrialisation.

En effet, le pays a besoin de se construire une base industrielle. Il est vrai que de nombreux exemples d’industrialisation non maîtrisée ont été de véritables échecs en Rd Congo parce que répondant notamment à des ambitions idéologiques.

Nous constatons qu’actuellement le pays s’est engagé dans la mise en place de zones économiques spéciales (ZES) pour favoriser la relance de son industrie. Stagnation tout de même !

Les éléments du décor tels que des infrastructures défaillantes, le manque d’électricité, un cadre légal incertain, la corruption, une vision pas très nette sur l’ouverture économique et financière de la part du gouvernement, restent des freins à l’industrialisation.

Il est dès lors extrêmement urgent d’obtenir des leviers pour enclencher le rattrapage industriel et miser sur des partenariats stratégiques.

CONGOPROFOND : Affirmez – vous que l’industrialisation est freinée essentiellement par la corruption ?

Elvis Mayo Bieme : L’industrie congolaise souffre de plusieurs problèmes dont la corruption. Il est notoire que des rapports internationaux attribuent chaque année des mauvaises notes à la Rd Congo. Les conséquences de la corruption sont néfastes pour l’industrialisation du pays. Les trois quarts des projets ne sont pas menés à bien, ce qui empêche la création d’emplois et la croissance économique.

A titre illustratif, une corruption à grande échelle a émaillé le Fonds de Promotion de l’Industrie, Fpi, qui s’est conduite un temps en une effroyable machine à détournement de fonds public qui était évalué à environ 100 000 000 de dollars américains suivant un rapport parlementaire.

Le parquet ne s’est pas occupé du dossier. A moins que je ne m’abuse. C’est sidérant !

CONGOPROFOND : Quel rapport y a-t-il entre les questions environnementales et la stratégie industrielle en Rd Congo ?

Elvis Mayo Bieme : Il est impérieux que la politique industrielle congolaise prenne en compte les défis de l’écologie afin de tendre vers une économie verte adaptée aux aléas du changement climatique. Le gouvernement doit ainsi démystifier la croissance verte en procédant par l’expansion des énergies renouvelables réduisant le déficit énergétique du pays en lui fournissant une base solide pour son industrialisation.

Le rôle de l’Etat est essentiel dans la conception et la mise en œuvre des politiques du développement industriel vert en coopération avec le secteur privé.

Rappelons que la Rd Congo a l’obligation, conformément à la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, de contribuer à la réalisation des objectifs en matière d’atténuation et d’adaptation lorsqu’elle élabore ses stratégies industrielles. Le pays peut même devenir un fournisseur compétitif d’énergies renouvelables comme l’électricité solaire, éolienne et de biocombustibles.

Les décideurs sont invités à redoubler d’efforts pour la mise en œuvre et l’utilisation de ces ressources en plus des projets Grand Inga et Western Power Corridor qui une fois complètement outillés mettront en valeur le potentiel hydroélectrique du pays.

CONGOPROFOND : De façon sommaire, quelle approche technique préconisez –vous pour que la politique industrielle du pays soit boostée ?

Elvis Mayo Bieme : L’industrialisation dans un pays comme la Rd Congo où d’énormes ressources naturelles sont localisées, aura comme objectif principal de garantir l’autonomie économique nationale par la création d’une capacité industrielle de substitution aux importations et de transformation des produits miniers et agricoles à exporter hors des frontières.

En effet, l’industrie nationale est soumise à la concurrence des producteurs étrangers. Les mouvements de réaffections de facteurs de production entre différents secteurs prennent du temps, ont des conséquences sociales et économiques très onéreuses (coûts de reconversion d’un bassin industriel tels que la sidérurgie ou les mines). Les pouvoirs publics doivent intervenir de manière à garder une certaine cohérence du système productif à travers la diversification aussi.

A cet effet, les pouvoirs publics pourraient faire usage de plusieurs instruments de politique industrielle. D’abord à travers des mesures directes qui ont pour vocation de promouvoir l’ensemble des entreprises (politique d’aide aux exportations, de soutient des prix, de concurrence) ou certaines d’entre elles (politiques d’aides financières, constitution des pôles industriels, recherche de synergie par des rapprochements entre entreprises…). Ensuite par des mesures indirectes visant à modifier l’environnement économique (politique budgétaire, fiscale, monétaire) ou provoquer un dynamisme industriel (politique d’aménagement du territoire, politique de transport, soutient à la recherche et à l’innovation…). Enfin un peu de protectionnisme (prohibitions, quotas, tarifs, douaniers, normes…) ou la volonté de créer de grands leaders nationaux (énergie par ex.) font également partie des instruments de politique industrielle.

Certes il faut diversifier la production et les exportations afin de réduire la dépendance à l’égard de certaines matières premières mais nous devons adopter une approche stratégique et pragmatique face à l’industrialisation en faisant preuve de réalisme avec concentration sur ce qui fonctionne et non sur des convictions idéologiques.

Bien que le secteur industriel comprenne les industries manufacturières, les industries extractives et la construction, de nombreuses études tendent à montrer que le secteur manufacturier est la branche d’activité industrielle qui offre les plus grandes opportunités en termes de croissance durable, d’emplois et de réduction de la pauvreté en Afrique.

La technologie et l’innovation sont indispensables pour le développement économique, et l’industrie manufacturière a traditionnellement été la première source d’innovation dans l’économie moderne. L’industrie manufacturière est un important moyen de diffusion des nouvelles technologies dans les autres secteurs de l’économie et ses entreprises sont consommatrices de services de banque, de transport, d’assurance et de communication. Un accent devrait y être mis.

Un diagnostic industriel s’impose !

La politique industrielle congolaise doit être repensée en s’appuyant enfin sur les technologies de la révolution industrielle 4.0 pour dégager des gains de productivité, améliorer le niveau de compétitivité et mieux s’intégrer sur la chaîne de valeur (l’industrie 4.0 consiste à tirer parti d’un large éventail de technologies comme les objets connectés, la réalité augmentée et les outils d’analyse du Big Data pour conduire la digitalisation de bout-en-bout des actifs physiques et l’intégration dans un écosystème digital reliant l’ensemble des partenaires de la chaîne de valeur. Leur mise en œuvre permettrait de réduire considérablement le time-to-market et de démultiplier la capacité à développer de la customisation de masse) et en créant d’avantage des conditions nécessaires à l’amélioration du climat des affaires pour une attractivité des investisseurs étrangers et le minima du poids de la bureaucratie.

Elvis Mayo Bieme ; Avocat, fondateur de BIEME LAW FIRM, chercheur au think tank CEVIST et auteur de l’ouvrage « Dissolution anticipée d’une SARL telle que décidée par les associés, Pratique & techniques » paru aux Editions Universitaires Européennes, 2017 contact@bieme.net et ngalisame@gmail.com


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“Les rébellions rwandaises au Kivu ( 1996-2024)” de Nicaise Kibel’Bel : Mettre fin à l’instrumentalisation de Kigali et batir, enfin, un système de défense digne d’un Congo convoité

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Question : Monsieur Nicaise, votre dernier ouvrage dérange par son titre « Les rébellions rwandaises au Kivu ». Pourquoi avoir choisi ce titre ?

Nicaise Kibel’Bel Oka : Un titre n’est jamais choisi au hasard. Son choix répond au contenu et aux réalités du livre. Effectivement, le livre décrit toutes ces rébellions rwandaises depuis 1996 qui ont trouvé un terrain d’expérimentation sur le sol congolais. Pour l’illustrer par un exemple. A chaque fois qu’il y a dialogue entre le gouvernement et les « rebelles » congolais, avez-vous déjà vu les rebelles remettre armes et équipements militaires ? Ils ne peuvent pas le faire parce que ces armes ne sont pas les leurs. Et pire, ce ne sont pas les Congolais qui les manient au front.

Q. : Comment expliquez-vous alors cette stratégie du régime Kagame d’instrumentaliser des Congolais ?

N.K.O. : C’est une stratégie simple qui fonde toute la philosophie du pouvoir au Rwanda. Elle consiste à créer des zones de tensions et à les maintenir indéfiniment. Il y a des personnes, des médias et institutions payées pour alimenter ces conflits. Ces tensions sont à la base de la guerre hybride dans la région. En réalité, Kigali n’a que faire des « rebelles » congolais pour qui il n’a aucune considération. Depuis Laurent-Désiré Kabila jusqu’à Corneille Nangaa, ils sont vilipendés et jamais leurs noms ne sont cités au Rwanda.

Q. : Les rébellions rwandaises au Kivu. Comment comprendre que derrière elles, ce sont des revendications des populations d’expression kinyarwanda qui sont mises en avant ?

N.K.O. : Il faut apporter un bémol. Paul Kagame ne défend pas les populations d’expression kinyarwanda comme il a voulu longtemps le faire croire. Il défend selon lui les populations martyrisées Hamites en RDC. C’est toute la différence idéologique. Et tant qu’on ne comprendra pas cette distinction, on naviguera à vue dans la déstabilisation de la région.

Q. : Pouvez-vous être plus explicite dans ce que vous avancez ?

N.K.O. : Au Rwanda comme au Burundi, il y a trois ethnies (Hutu, Tutsi et Twa). Les Hutu et les Tutsi parlent tous le kinyarwanda mais ne sont pas des Hamites. Défendre les populations d’expression kinyarwanda signifierait défendre les Tutsi et les Hutu. Or, Kagame voue une haine viscérale contre les Hutu qu’il qualifie à tous les niveaux des « génocidaires ». Et donc, à défaut de les défendre et de les protéger, il doit les combattre, les neutraliser. C’est ce qu’il demande au gouvernement congolais. Comment la RDC perçoit la notion du génocide ? Est-ce que tous les Hutu même ceux qui sont Congolais sont des génocidaires ? Les populations Hamites du Congo subissent-elles de réprimandes ?

Q. : Selon vous, comment mettre fin alors à toutes ces rébellions rwandaises au Kivu ?

N.K.O. : Tout d’abord il faut établir une nette différence entre le Rwanda et la RDC. Cet exercice pédagogique poursuit deux finalités. Primo, faire comprendre aux populations Hamites du Congo que ce n’est pas Kigali qui va résoudre leurs problèmes. On ne peut pas indéfiniment vivre en seigneur de guerre au bénéfice d’un autre État contre son pays. Secundo, le pouvoir au Rwanda a été construit sur la violence, sur les oppositions entre Hutu et Tutsi. Ce qui n’est pas le cas pour la RDC. Il faut d’abord aider le Rwanda à trouver des solutions aux problèmes de la cohabitation entre Hutu et Tutsi. Il n’y a que le dialogue et la réconciliation comme thérapie à des tensions ethniques.

Nicaise Kibel’Bel Oka, journaliste d’investigation et auteur du livre, en méditation. Archives Les Coulisses). 

Q. : Apparemment vous êtes le seul à faire ce diagnostic. N’est-ce pas que vous rêvez ?

N.K.O. : C’est le vrai diagnostic pour une paix dans la région. Et je ne suis pas le seul. De nombreux rwandais (Hutu comme Tutsi) sont convaincus qu’il faille un dialogue pour une réconciliation au Rwanda. Ceci, pour éviter le cycle infernal de tensions et de guerre. Aucune ethnie ne prendra indéfiniment le dessus sur l’autre.

L’ex-président Hutu du Rwanda, Pasteur Bizimungu, prédécesseur de Paul Kagame, a exprimé ce regret devant le Parlement avant d’être démis.

Q. : « Toutes les composantes au niveau national ne se sentent pas représentées dans l’autorité du Rwanda ».

Et d’ajouter à notre micro en 2001 : « Ce qui a déchiré le Rwanda, c’est plus particulièrement l’exclusion de certaines sections de la population. Pendant 150 années, se sont succédé des luttes de pouvoir entre les élites tutsi et hutu. Chaque fois que l’une arrivait au pouvoir, elle monopolisait à son profit excluant d’autres tout en violant les droits fondamentaux. Le FPR a suivi malheureusement le sentier bâti.

De par l’histoire de notre pays, il est démontré que les gens qui se sont emparés du pouvoir par la force militaire n’ont jamais réussi quelle que soit la durée au pouvoir. Toute exclusion mène forcément à la force ».

Au Rwanda, comme l’écrit Gaël Faye dans son livre « Jacaranda » : « La paix n’est qu’une guerre suspendue ». Le cycle de violence au Rwanda n’est que momentanément suspendu.

Q. : Votre livre parle de l’impunité dont jouit le régime de Kigali. Pourquoi les deux poids, deux mesures ? Pensez-vous que l’Occident ne comprend pas le drame de la région ?

N.K.O. : Les Occidentaux jouent au sapeur-pompier pour maintenir les tensions qui garantissent leurs intérêts. En choisissant le « Bon » et le « Mauvais » au Rwanda, ils ont tout fait pour que le FPR ne puisse jamais répondre de ses actes devant la justice internationale. Ce qui lui donne la force de narguer les autres. La logique des Occidentaux ne résiste pas à la logique normale. Prenez le cas de l’Ukraine. Ils livrent des armes à l’Ukraine mais lui interdisent de frapper des cibles russes. C’est exactement un embargo qui ne dit pas son nom. C’est le même cas avec la RDC. On nous impose de négocier avec le Rwanda qui occupe des pans entiers de notre territoire. Qui arme le Rwanda ?

Notre livre essaie de passer au peigne fin cette mésaventure tout en épinglant aussi les faiblesses dans notre système de défense qui est resté dans le ghetto et aujourd’hui incapable de faire face aux menaces actuels et à venir. Ce livre baigne dans la couleur locale. Mon livre est un appel à la prise de conscience contre l’instrumentalisation rwandaise et à la mise en place d’un système de défense digne du Congo. Rome a été hospitalière tout en étant expansionniste.

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A bâtons rompus avec Nicaise Kibel’Bel Oka


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