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Nouvelle cité » Kitoko « : Est-elle nécessaire ? ( Tribune d’A. THEMAOUS N.)

C’est la mode actuellement en Afrique, face à l’engorgement et au développement anarchique des villes anciennes, les états africains sont tentés par la création des nouvelles villes satellites. Qu’il s’agisse de Diamniadio au Sénégal, de la Cité Internationale des Affaires (CIA) au Tchad ou de la nouvelle cité de Kilamba en Angola, ces dernières années, les pays Africains rivalisent en projets urbains très ambitieux et futuristes dans les périphéries des grandes agglomérations existantes.
Par définition, une ville satellite est une agglomération géographiquement séparée d’un centre plus important, mais qui a des relations étroites avec lui, bien qu’administrativement autonome.
La création de ces villes nouvelles « satellites », appel cependant à une réflexion objective sur le bien-fondé de ces ambitieux projets, du reste très onéreux, et dont les motivations ne cadrent pas toujours aux réels besoins des populations locales en matière d’habitat.
En annonçant le lancement d’une nouvelle ville KITOKO à quelques 30 Km de Kinshasa, le président Felix TSHISEKEDI tient probablement à résoudre à sa manière, la problématique de l’urbanisation anarchique et du manque de logement de la Ville-province de Kinshasa.
Ce projet, aussi ambitieux soit-il, risque à notre avis, de ne pas apporter de solution à l’impérieux problème de logement et de mobilité urbaine qui caractérisent notre capital. Au contraire, dans les conditions actuelles, la cité KITOKO , si elle est réalisée, risquerait peut-être d’accentuer le phénomène d’apartheid social et surtout l’absence de mixité urbain caractérisé par une ségrégation entre les couches sociales les plus pauvres et les riches habitants des quartiers les plus huppés, mieux lotis en infrastructures urbains.
Plutôt que de se lancer dans d’ambitieux projets irréalisables et surtout budgétivores, il serait souhaitable que nos autorités pensent à la mise en place d’une véritable politique de restructuration urbaine de nos villes basée sur la résilience.
La résilience est la capacité de tout système urbain et de ses habitants à affronter les crises et leurs conséquences, tout en sadaptant positivement et en se transformant pour devenir pérenne. Ainsi, selon l’ONU Habitat, une ville résiliente évalue, planifie et prend des mesures pour se préparer et réagir à tous les aléas qu’ils soient soudains ou à évolution lente, prévus ou non. Les villes résilientes sont donc mieux à même de protéger et d’améliorer la vie des gens, de sécuriser leurs acquis, de promouvoir un environnement favorable aux investissements et de favoriser les changements positifs (Centre de Résilience Urbaine de lONU Habitat – www.unhabitat.org/urbanresilience https://unhabitat.org/fr/node/3774 ).
La restructuration urbaine de Kinshasa basée sur la résilience accouchera certainement des meilleures conditions pour une bonne mise en place des villes satellites. A l’instar de la ville de « Nouvelle Orléans » aux Etats-Unis, qui a connu une transformation extraordinaire 10 ans après le passage du cyclone dévastateur « Katrina » en 2005. Les autorités locales ont compris la nécessité d’adapter et transformer leur ville en mettant en place une politique de reconstruction et de transformation tenant compte des principes résilientes.
En République Démocratique du Congo, depuis le début des années 2000, Plusieurs organismes et bailleurs de fonds, multilatéraux et bilatéraux, interviennent dans de nombreux programmes de restructuration urbaines de la ville de Kinshasa, cependant, ils agissent souvent en ordre dispersé. Aussi paradoxale que cela puisse paraitre, même le gouvernement central et le gouvernement provinciale agissent sans planification et chaque institution intervient vaille que vaille sans coordination. On assiste à lexécution des projets dinfrastructures non coordonnées et pire encore, certains se contredisent.
Il est plus quurgent de mettre en place une coordination qui assurerait le suivi et la mise en uvre d’un schéma daménagement à appliquer à moyen et à long terme.
En Octobre 2014, un schéma directeur dénommé SOSAK (Schéma d’Orientation Stratégique de l’Agglomération de Kinshasa) a été élaboré avec laide de lAgence Française de Développement au profit du Gouvernement Provincial de Kinshasa. Lobjectif poursuivi étant de rattraper le sous-équipement pour la ville existante, léquipement et laménagement préalables des extensions. Malheureusement, 7 ans après, aucune action n’a été entreprise pour sa mise en uvre.
Il est dès lors question de savoir si la nouvelle cité KITOKO entre dans ce schéma qui semble être rangé dans les oubliettes.
Projet : Schéma d’Orientation Stratégique de l’Agglomération de Kinshasa (SOSAK)
Réalisation : 2013-2014
Financement : Agence Française de Développement
Cest à ce défi de la reconstruction physique dun « espace écartelé » (Bruneau et Simon, 1991) que la RDC doit répondre après des décennies de déstructuration de son tissu spatial.
Par ailleurs, du point de vue historique, culturelle et sociologique, une question pertinente mérite d’être posée. Que deviendra la Ville de Kinshasa si jamais il arrivait que le projet KITOKO se réalise ?
Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, Kinshasa a son charme, son histoire, sa culture, ses intrigues, bref, les Kinois et Kinoises sont attachés à leur Kin « jadis La belle ».
En sociologie urbaine, chaque ville a une âme, une empreinte. Son histoire est unique et fait que les habitants restent attachés à leurs villes. Certes le sujet peut paraitre totalement subjectif, pour autant, chaque ville possède ses particularités. Une ville cest aussi le bruit quelle fait, les sons, les odeurs, ses monuments, ses intrigues, etc. Paris ne serait pas Paris sans son architecture Haussmannien et sa tour Eiffel. Rio de Janeiro ne serait pas ce qu’elle est sans son célèbre carnaval et sa plage mondialement connue.
Construire une nouvelle ville en abandonnant Kinshasa à son triste sort, reviendrai à tuer à petit feu cette mégapole fascinante. Cela ne peut être interprété que comme une indifférence ou plutôt un aveu d’échec de nos politiques face aux tissus existants qui nécessitent une restructuration. En dautres termes, comme dirait le Kinois lambda, Il apparait clairement que nos autorités sont fatiguées de voir la misère du peuple et veulent créer une belle ville à eux !
Sociologiquement et historiquement, la création d’une nouvelle ville ne garantit pas que celle-ci sera adopté par les habitants. Plusieurs exemples de villes fantômes en témoignent, à l’instar de Kilamba en Angola ou Sesena Nuevo en Espagne.
Daucun pourrait juger nos positions conservatrices comme un attachement nostalgique à une ville à l’urbanisme chaotique. Pourtant, cet attachement nostalgique n’est pas incompatible avec la modernité, car il est possible de moderniser une ville en conservant son histoire.
Kinshasa c’est aussi Matongé, la Place Victoire, ce sont ses ngandas à ciel ouvert et aussi ses bâtisses coloniales, héritage du « modernisme tropicale », une Architecture typique des années 50.
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Enfants soldats à l’Est de la RDC : le CEPEF alerte sur des violations graves et plaide pour une action urgente

La Convention internationale des droits de l’enfant ainsi que la Loi portant protection de l’enfant interdisent formellement le recrutement d’enfants par les groupes et forces armés. Pourtant, dans l’Est de la République démocratique du Congo, des enfants sont encore enrôlés, de gré ou de force, par des groupes armés, souvent en raison du manque de combattants adultes.
Le 4 octobre 2012, le gouvernement congolais a adopté un Plan d’action visant à lutter contre le recrutement et l’utilisation d’enfants ainsi que contre d’autres violations graves de leurs droits. Ce plan figure dans les engagements de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba.
Le Cercle d’études pour la protection de l’enfant et de la famille (CEPEF), une structure initiée par des chercheurs universitaires et des experts en travail social œuvrant pour la promotion des droits de l’enfant, la protection des familles et la réinsertion socio-économique des enfants et jeunes en situation de rue, dénonce aujourd’hui les violations graves dont sont victimes les enfants dans le conflit armé opposant le M23, soutenu par le Rwanda, aux forces gouvernementales.
Fort de l’arsenal juridique existant, le CEPEF plaide auprès des autorités compétentes pour l’actualisation du Plan d’action pour le retrait des enfants associés aux forces et groupes armés, ainsi que pour la mise en place de mécanismes rigoureux d’évaluation de leur âge.
Dans cette perspective, les assistants sociaux, les experts de terrain, les responsables militaires et civils des services concernés doivent se réunir — avec l’appui technique du CEPEF — afin de réfléchir à un programme de Démilitarisation, Démobilisation et Réinsertion (DDR) des enfants soldats.
La paix, dit-on, se prépare. Mais quelles seront les conséquences psychosociales pour ces enfants dont les droits ont été bafoués ? Alors que l’on évoque la fin de la guerre, il est plus que jamais urgent d’agir pour eux.
Osée MUKOKO ZANGA