Connect with us

À la Une

Valentin Yves Mudimbe s’en est allé, mais sa parole demeure : l’Afrique orpheline d’un géant de la pensée

Published

on

Ce jour, la République Démocratique du Congo, l’Afrique et le monde intellectuel viennent de perdre un monument. Valentin Yves Mudimbe, philosophe, écrivain et penseur hors pair, s’est éteint aux États-Unis, laissant derrière lui une œuvre aussi dense que subversive, une parole aussi lucide qu’indomptable.

Né en 1941 à Jadotville (actuelle Likasi), en RDC, Valentin Yves Mudimbe fut l’un des intellectuels africains les plus influents du XXᵉ et du XXIᵉ siècle. Professeur émérite à l’Université Duke, anthropologue, linguiste et romancier, il a marqué les sciences humaines par sa critique radicale des épistémologies coloniales et sa déconstruction des discours dominants sur l’Afrique.

Son œuvre majeure, The Invention of Africa (1988), reste un texte fondateur des études postcoloniales. Mudimbe y démontre comment l’Afrique a été « inventée » par le regard occidental, à travers des catégories de savoir qui ont nié ses propres logiques de pensée. Pour lui, « l’Afrique n’existe pas en dehors des représentations qui la constituent », une thèse qui a révolutionné la manière d’appréhender le continent.

Yves Mudimbe n’était pas seulement un théoricien : c’était un penseur du soupçon, toujours en éveil face aux illusions des idéologies, qu’elles soient coloniales, nationalistes ou néolibérales. Dans L’Odeur du père (1982), il explore les contradictions des élites africaines post-indépendances, dénonçant leur aliénation mimétique. Son roman Entre les eaux (1973) questionne la tension entre engagement politique et spiritualité.

Il a révélé sa propre trajectoire de prêtre jésuite devenu philosophe laïc. Ses travaux sur Foucault, Derrida et les structuralistes européens en font un passeur exceptionnel entre les traditions intellectuelles africaines et occidentales. Pourtant, il refusait toute étiquette : « Je ne suis ni un afrocentriste, ni un occidentaliste. Je suis un penseur de la fracture, de l’entre-deux », disait-il.

Aujourd’hui, alors que l’Afrique est confrontée à de nouveaux défis – néocolonialismes économiques, crises démocratiques, guerres d’influence –, la pensée de Mudimbe reste d’une brûlante actualité. Son questionnement sur « les conditions de production du savoir africain » invite à repenser l’université, la recherche et les médias du continent. Il laisse derrière lui des disciples à travers le monde. Des chercheurs qui continuent de déconstruire les récits hégémoniques.

« Mudimbe nous a appris à douter, à interroger nos propres certitudes ». La RDC en deuil mais l’Afrique en héritage, conclut le polymathe, cet autre géant de la pensée post-coloniale. Le Congo pleure l’un de ses plus grands fils, mais son héritage est impérissable. Dans un pays souvent meurtri par l’amnésie historique, Yves Mudimbe rappelait que « la mémoire est un acte de résistance ».

Alors que les hommages affluent du monde entier – de Paris à Johannesburg, de Dakar à New York –, une certitude s’impose : Yves Mudimbe est mort, mais sa parole, elle, ne mourra jamais. « Les mots ne sont pas innocents. Ils portent en eux la violence de l’histoire. » — Valentin Yves Mudimbe

TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR

Spread the love

À la Une

Disparition inquiétante de Ne Mvungudila : la communauté « Mfuma Lusansu lua Kongo » crie au kidnapping !

Published

on

Ne Mvungudila, ancien membre de « Bundu dia Kongo » et représentant légal de l’organisation culturo-spirituelle « Mfuma Lusansu lua Kongo », est introuvable depuis la nuit du mardi 20 au mercredi 21 mai 2025.

Selon des informations obtenues par congoprofond.net, le leader aurait disparu de sa résidence aux alentours de 3 heures du matin. Pour ses proches, il ne fait aucun doute : Ne Mvungudila a été enlevé. Ils évoquent un kidnapping planifié par ses opposants, avec l’appui de personnes non identifiées.

Fondée il y a près de sept ans, « Mfuma Lusansu lua Kongo » milite pour la valorisation des langues, traditions et cultures du peuple Kongo. Basée principalement dans le territoire de Songololo, l’organisation a progressivement acquis une influence significative dans la région. Ancien compagnon de route de Muanda Nsemi, Ne Mvungudila se considère comme l’héritier spirituel de la mission de « Nlongi a Kongo ».

Mais sa démarche ne fait pas l’unanimité. Certains l’accusent d’intolérance et de repli identitaire. À Kimpese, un habitant critique : « Depuis quand un Bena Kongo de Luozi est-il considéré comme un étranger à Kimpese ? C’est pourtant le discours que véhicule Ne Mvungudila à travers sa radio. »

Malgré les controverses, ses partisans sont nombreux. Ce mercredi matin, des dizaines d’entre eux ont envahi la route nationale n°1, exigeant sa libération et appelant les autorités à réagir rapidement.

Tchèques Bukasa/CONGOPROFOND.NET 

Spread the love
Continue Reading