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Tribune : Les minerais de la rdc face au diamant du Botswana (Prof Patience Kabamba, PhD)

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Je viens de participer à une conférence sur le secteur extractif en Afrique organisée par la Banque Africaine de Développement (BAD). Dans ce Mot du Weekend, je rependrais en la résumant ma présentation sur les minerais du Congo et les grandes lignes de l’exposé d’un collègue du Botswana.

L’extraction minière au Congo-Kinshasa est à l’image de l’économie de ce pays, elle est schizophrène : l’économie informelle qui nourrie les Congolais et l’économie formelle dont les résultats disparaissent dans la nature sous forme d’immeuble et de frais d’études ou d’hospitalisation à l’étranger.

Il existe deux types d’extraction minière en RDC. L’extraction artisanale ou manuelle qui utilise les moyens de bord pour creuser et extraire du diamant, de l’or ou du coltan pour vendre sur place et apporter de l’argent dans la famille. Le produit de cette extraction artisanale appelée maladroitement “informelle” est la source de revenue pour plusieurs ménages. En effet c’est ce type d’extraction minière qui contribue à la vie économique de beaucoup de Congolais qui habitent les zones minières.

L’ autre type d’extraction est intensive et industrielle et d’une valeur de plusieurs milliards de dollars. Des dizaines de ces types d’extractions existent dans notre pays et débutent par des commissions généralement remises au propriétaire des carrés miniers qui sont dans la plupart des cas des membres de la famille présidentielle sortante. Les revenues des extractions minières intensives n’arrivent même pas au trésor de l’Etat Congolais. Les Congolais n’en profitent donc pas. Il en est de même du pétrole de Mwanda dont les revenues prennent la direction de la présidence au lieu du trésor public.

C’est ce qui explique que le Congo possède beaucoup de minerais dont la technologie moderne a besoin, mais les Congolais restent parmi les plus pauvres de la planète.

Entre les deux types d’extraction, il n’y pas de connections. Aucune entreprise, aucune usine ou des emplois qui permettent de faire retomber sur les Congolais des millions des dollars investis dans l’extraction intensive. Les deux types d’extractions sont donc déconnectées.

Le Botswana est un petit pays d’un million et demi d’habitants et qui possède dans son sous-sol le diamant de joaillerie extrait par l’entreprise anglaise De Beer.

Pour l’extraction de son diamant, le Botswana a obtenu que toutes les étapes, de l’extraction à la commercialisation du diamant se fassent sur place au Botswana. L’extraction du diamant a donné lieu à un taux élevé d’emplois à l’ancien royaume Tswana. Mais, le plus important est qu’avec le revenue de l’extraction du diamant, le Botswana donne une éducation gratuite à tous les enfants à l’âge de scolarité et procure des soins de santé gratuits à tous les Botswanais. Pour être plus précis, l’éducation et la santé sont payées par les diamants au Botswana.

La présence des minerais dans le sous-sol du Botswana a permis aux enfants de ce pays de poursuivre des études gratuitement et à tous les Botswanais de recevoir des soins médicaux gratuitement.

Au Congo, en revanche, les minerais qui abondent dans le sous-sol de l’ex Zaïre n’ont aucun impact de la même envergure sur la vie quotidienne de ses habitants.

La question que l’on se pose est de savoir comment, tout en tenant compte des différences majeurs entre le Congo et le Botswana, – la grandeur du pays, le nombre d’habitants, la situation quasi mono-ethnique du Botswana, etc. – peut-on appliquer au Congo ce qui se fait au Botwsana dans le domaine des minerais ? Quelles sont les conditions qui permettront que les revenues du sous-sol Congolais servent à éduquer les Congolais et à payer leurs soins médicaux ?

Une partie de la réponse se trouve dans le leadership Congolais. Il me semble que le pays a pris beaucoup de retard dans ce domaine-là. Les Congolais ont des chefs et des politiciens avec une vision égocentrique de la chose publique. C’est là un des obstacles majeurs au développement de la RDCONGO. Tant que nous garderons les mêmes politiciens et les mêmes mentalités de fanatiques, le pays restera sous développé sur son sol même si son sous-sol est un des plus riche du monde.

Nous voici déjà engagés pour cinq années dans une bataille de légitimité. Les nouveaux dirigeants savent bien qu’ils sont au pouvoir non pas par la volonté du peuple, mais par la tricherie ou la nomination et donc par la moquerie de la volonté du peuple qu’ils veulent diriger.

Le Botswana connait l’alternance démocratique et pacifique depuis plusieurs décennies alors que le Congo est toujours à la recherche de sa première passation de pouvoir « civilisée », pour citer l’autre.

Il revient aux Congolais de détruire le système qui les a détruit de l’intérieur ; un système politique qui a envoyé en exil les meilleurs de ses fils et filles, un système politique qui a réduit leur espérance de vie, un système politique qui a enlevé tout espoir dans l’avenir, un système politique qui les a fagocité et qui a confisqué leur vie.

C’est là la tache majeure des Congolais au 21ème siècle. Personne d’autre ne l’accomplira à notre place. Il faut abolir ce système politique qui continue à détruire la vie des Congolais. Le plus tôt sera le mieux pour nous et pour nos petits enfants !

Rédaction CONGOPROFOND.NET

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Valentin Yves Mudimbe s’en est allé, mais sa parole demeure : l’Afrique orpheline d’un géant de la pensée

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Ce jour, la République Démocratique du Congo, l’Afrique et le monde intellectuel viennent de perdre un monument. Valentin Yves Mudimbe, philosophe, écrivain et penseur hors pair, s’est éteint aux États-Unis, laissant derrière lui une œuvre aussi dense que subversive, une parole aussi lucide qu’indomptable.

Né en 1941 à Jadotville (actuelle Likasi), en RDC, Valentin Yves Mudimbe fut l’un des intellectuels africains les plus influents du XXᵉ et du XXIᵉ siècle. Professeur émérite à l’Université Duke, anthropologue, linguiste et romancier, il a marqué les sciences humaines par sa critique radicale des épistémologies coloniales et sa déconstruction des discours dominants sur l’Afrique.

Son œuvre majeure, The Invention of Africa (1988), reste un texte fondateur des études postcoloniales. Mudimbe y démontre comment l’Afrique a été « inventée » par le regard occidental, à travers des catégories de savoir qui ont nié ses propres logiques de pensée. Pour lui, « l’Afrique n’existe pas en dehors des représentations qui la constituent », une thèse qui a révolutionné la manière d’appréhender le continent.

Yves Mudimbe n’était pas seulement un théoricien : c’était un penseur du soupçon, toujours en éveil face aux illusions des idéologies, qu’elles soient coloniales, nationalistes ou néolibérales. Dans L’Odeur du père (1982), il explore les contradictions des élites africaines post-indépendances, dénonçant leur aliénation mimétique. Son roman Entre les eaux (1973) questionne la tension entre engagement politique et spiritualité.

Il a révélé sa propre trajectoire de prêtre jésuite devenu philosophe laïc. Ses travaux sur Foucault, Derrida et les structuralistes européens en font un passeur exceptionnel entre les traditions intellectuelles africaines et occidentales. Pourtant, il refusait toute étiquette : « Je ne suis ni un afrocentriste, ni un occidentaliste. Je suis un penseur de la fracture, de l’entre-deux », disait-il.

Aujourd’hui, alors que l’Afrique est confrontée à de nouveaux défis – néocolonialismes économiques, crises démocratiques, guerres d’influence –, la pensée de Mudimbe reste d’une brûlante actualité. Son questionnement sur « les conditions de production du savoir africain » invite à repenser l’université, la recherche et les médias du continent. Il laisse derrière lui des disciples à travers le monde. Des chercheurs qui continuent de déconstruire les récits hégémoniques.

« Mudimbe nous a appris à douter, à interroger nos propres certitudes ». La RDC en deuil mais l’Afrique en héritage, conclut le polymathe, cet autre géant de la pensée post-coloniale. Le Congo pleure l’un de ses plus grands fils, mais son héritage est impérissable. Dans un pays souvent meurtri par l’amnésie historique, Yves Mudimbe rappelait que « la mémoire est un acte de résistance ».

Alors que les hommages affluent du monde entier – de Paris à Johannesburg, de Dakar à New York –, une certitude s’impose : Yves Mudimbe est mort, mais sa parole, elle, ne mourra jamais. « Les mots ne sont pas innocents. Ils portent en eux la violence de l’histoire. » — Valentin Yves Mudimbe

TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR

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