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Tribune: Esperer. Mais, à quelles conditions? ( par Camille Mukoso, SJ.)
Depuis plus d’une décennie, l’Afrique est gratifiée d’une bouffée de souffle aux allures quelque peu saugrenues. En effet, des colloques, des réunions internationales ne cessent de clamer l’espoir que porte le berceau de l’humanité. L’on entend dire, et parfois pompeusement, que le continent noir bouillonne d’énergies pour dessiner ses propres perspectives. Tout récemment, lors d’une conférence des ambassadeurs accrédités en France, le 29 août 2017, le Président français Emmanuel Macron déclarait : « C’est en Afrique que se joue largement l’avenir du monde ». Ces expectatives ne manquent pas de bonne volonté. Elles sont loin de s’ériger aux poncifs d’une logorrhée à mal de se contenir. D’ailleurs, les populations africaines semblent mordre à l’hameçon, et leurs élites plongent, tête baissée, à cette marée d’espoir dont le retentissement constipe la raison créatrice.
Mais, une vérité est irréfutable : l’Afrique se trouve entre l’enclume et le marteau. Il y a, d’une part, une misère épouvantable, et d’autre part, une mauvaise administration des rares ressources disponibles. Le résultat est sous nos yeux : famine sans précédent, guerres effroyables, pandémies ravageuses et d’autres maux qui témoignent de leur origine commune. Il suffit de voir à quel point la route de la Méditerranée est devenue un cimetière à ciel ouvert. Inutile de rappeler le nombre des morts délaissés à leur compte, expirant parfois dans le bain de leur propre sang, parce que simplement témoins gênants ou autochtones d’une ‘terre lingot d’or’.
Dans un tel contexte, continuer simplement et tranquillement à croire que nous sommes ‘l’espoir de demain’, c’est croire à la fable d’un Père Noël qui enchanterait l’imaginaire africain sans venir dans la réalité concrète pour libérer l’énergie créatrice pouvant endiguer notre descente aux enfers. Ne faudrait-il pas, dès lors, réapprendre un pessimisme de bon aloi ? Au lieu de continuer à croire à ces mythes de consolations aliénantes – alors que notre continent, asphyxié, s’étiole comme un pétiole –, ne devrions-nous pas trouver un ballon d’oxygène afin de juguler la crise socio-politique qui est la nôtre ?
La thèse que nous soutenons, et qui peut faire bondir de colère et d’indignation les esprits puérils, est la suivante : le cheval de Troie africain est, avant tout, l’Africain lui-même. En effet, il y a comme un plaisir à parler de nous comme des exploités et des dominés. D’ailleurs, l’on reproche souvent à l’intellectuel africain de n’avoir que la traite négrière et la colonisation comme champ à partir duquel il glane continuellement ses conversations et ses réflexions. De fait, il est curieux de remarquer que 50 ans après les indépendances, d’aucuns continuent à claironner notre ‘paupérisation anthropologique’ sans l’endiguer véritablement ; d’autres se considèrent encore comme ‘damnés de la terre’, sans trouver un ‘purgatoire’ où ils peuvent expier le péché d’avoir une quantité élevée de mélanine. Dans ce contexte où nous nous considérons comme des éternels vaincus, pour redonner l’espérance à l’Afrique, il faut, avant tout, sortir du carcan dans lequel nous nous sommes enfermés et briser notre ‘complexe du persécuté’. Il y a là un effort de déconstruction et de reconstruction qui s’impose à tout prix. Plus concrètement, il s’agit de rompre avec les discours inadéquats produits sur l’Africain qui est opiné du bonnet par les Africains eux-mêmes.
Un tel exercice n’est possible que grâce à l’usage de la raison comme condition première d’une « Afrique meurtrière et recréatrice », pour citer Mudimbe. En fait, la conviction que nous partageons, et qui s’allie aux Lumières, est que rien au monde ne peut être transformé, que l’histoire ne peut connaître un véritable tournant (au sens du mot allemand kehre), sans la mise en œuvre de la raison. C’est par l’exercice de la pensée réflexive et critique qu’il nous faut, en premier lieu, dépister les lieux de notre dépendance dont certains sont ancrés dans notre subconscient. Une telle tâche exige un travail de titan et un labeur assidu des moines. Parce qu’en réalité, il est question d’élaborer un système pouvant opérer une lecture critique du discours porté sur nous et que nous-mêmes portons allègrement sans esprit critique. Cet effort devrait nous pousser à chercher les voies et moyens pouvant permettre à l’Africain « d’être et de se faire par soi-même et pour soi-même selon un ordre qui exclut la violence »[1].
C’est ainsi qu’il nous faut, en second lieu, intérioriser ce que nous appelons «la mystique du travailler exponentiellement ». Avant d’appréhender ce que veut dire cette expression, il est important de révéler une méprise. Plusieurs analyses de la situation socio-politique africaine débouchent sur l’éducation comme voie royale pour sortir l’Afrique du bourbier dans lequel il patauge. Mais, il nous semble que l’épée de Damoclès guette à jamais l’éducation aussi longtemps que l’Afrique sera maintenue sous le joug de la tyrannie. Au fait, c’est réfléchir à partir d’une faille que de chercher à vivifier notre espérance en nous appuyant sur l’éducation. Car, tant que subsistera la pseudo-démocratie en Afrique, l’éducation – livresque – sera à jamais reléguée au second rang, elle restera le cadet des préoccupations de ceux qui gouvernent.
Pour nous en convaincre, il suffit de regarder le budget alloué au secteur de l’éducation dans plusieurs pays africains. L’on en conviendra que « l’imbécilisation »[2] collective est un atout pour nos dirigeants africains. Autrement, comment faut-il comprendre la multiplication des lieux de jouissance et de loisir dans nos rues et ruelles ou la religiosité exagérée charriée par des églises qui poussent aussi vite que les champignons. Ces supercheries balisent le chemin pour que la tyrannie poursuive son petit bonhomme de chemin sans faire obstruction aux questions fondamentales de l’homme.
Ainsi donc, plutôt que de décrier « l’école qui trahit », ou encore « l’école qui est trahie »[3], il nous faut redécouvrir le sens du travail. Car, on ne le dira jamais assez, le travail anoblit l’homme. Et, pour l’homme africain, il nous semble opportun de valoriser le travail de la terre. Face aux famines effroyables, à la réapparition de la maladie telle que le kwashiorkor et à d’autres maux qui témoignent de la précarité alimentaire, il va sans dire que le secteur agricole peut faire sortir le continent noir de la misère et de la disette pérennes, lesquelles nous extirpent les raisons d’espérer.
Que l’on se souvienne de la révolution dite verte de la Chine et de l’Inde. Point de doute que ces deux pays ont su éradiquer de façon spectaculaire, grâce à l’agriculture, l’insécurité alimentaire qui a failli décimer leur population. Entrée dans la nuit de temps, leur pénurie alimentaire d’hier est devenue, aujourd’hui, le souvenir d’un passé à jamais révolu. Et, puisque le mot révolution n’est pas une chasse gardée, encore moins un tabou, avec un peu de bonne volonté, nous sommes capables, nous aussi, de réaliser ce que d’autres ont réalisé sous d’autres cieux. Il nous faut, pour cela, penser aux infrastructures rurales qui permettront de relier les villages de l’hinterland, de désenclaver les zones rurales, en même temps que d’établir la connexion avec les villes. Ce sont les infrastructures qui détermineront, dans une large mesure, les coûts de commercialisation et, par conséquent, réduiront, sans forcer les choses, l’exode rural au profit de la sédentarisation des paysans.
Pour tout dire, notre situation actuelle n’est pas une fatalité. L’Afrique ne mourra pas ; elle vivra. Mais, pour que ce credo devienne une réalité palpable, il nous semble important de sortir de notre ‘complexe des persécutés’ et de travailler pour l’instauration d’une Afrique où il fait beau vivre. Ce n’est qu’en conjuguant simultanément ce binôme que nous pouvons espérer voir les balafres de la colonisation et de la traite négrière faire place au sillon d’un sourire guéri par le bien-être de se sentir chez soi. Nous en sommes fortement convaincus : quand l’Afrique se lèvera, le monde bougera, et la méditerranée ne saura plus engouffrer nos dépouilles mortelles ; car l’eldorado ne sera plus ailleurs, il élira domicile chez nous. Honnis soit qui mal y pense !
Camille Mukoso, Sj
[1] Fabien EBOUSSI BOULAGA, La crise du Muntu, Paris, Présence africaine, 1977, p. 229.
[2] Mot forgé par nous-mêmes.
[3] Nous reprenons ici le titre du livre du Père Martin EKWA, « L’école trahit ».
CONGOPROFOND.NET
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Campagne de civisme patriotique : Les élèves d’ASCITECH appelés à la conscience citoyenne
La sous-division Ngaliema 3 et la hiérarchie locale de l’éducation nationale ont organisé, le mercredi dernier, une campagne de civisme patriotique à l’Académie des Sciences et Technologies (ASCITECH). L’événement, placé sous le signe du patriotisme et du civisme conscient, a réuni élèves, enseignants et autorités éducatives autour d’un objectif commun : raviver la flamme patriotique dans le cœur des apprenants.
Un engagement fort pour la jeunesse
Dans un contexte où les valeurs citoyennes tendent parfois à s’éroder, cette initiative vise à renforcer le sentiment d’appartenance nationale chez les élèves. À travers une approche éducative et interactive, les organisateurs ont tenu à rappeler l’importance du civisme dans la construction d’une société harmonieuse et prospère.
Le directeur de la sous-division Ngaliema 3 a insisté sur la nécessité de sensibiliser la jeunesse aux responsabilités qui incombent à chaque citoyen. « Nous devons inculquer aux élèves l’amour de la patrie et le respect des institutions, car ils sont les piliers de la nation de demain », a-t-il déclaré.
Le serment du citoyen au cœur des échanges
Le moment clé de cette journée a été l’analyse approfondie du serment du citoyen. Ce texte, symbole d’engagement et de responsabilité, a été décortiqué phrase par phrase afin d’en extraire toute la portée et d’aider les élèves à en saisir le sens profond.
Les différents intervenants ont mis en lumière les principes fondamentaux du civisme : le respect des lois, la solidarité, la protection des biens publics et la participation active au développement du pays. « Être citoyen, ce n’est pas seulement bénéficier des droits, c’est aussi remplir ses devoirs avec conscience », a souligné un enseignant.
Un impact durable espéré
Les élèves présents ont vivement réagi aux discussions, posant des questions et partageant leurs propres réflexions sur le patriotisme. Certains ont exprimé leur désir d’appliquer ces principes au quotidien, notamment en respectant davantage les règles scolaires et en s’engageant dans des initiatives communautaires.
À la clôture de l’événement, les organisateurs ont appelé à une poursuite de ces sensibilisations dans toutes les écoles de la sous-division. « Ce n’est qu’un début, et nous comptons sur vous pour être des ambassadeurs du civisme dans vos établissements », a conclu un responsable de l’éducation nationale.
Avec cette campagne, la sous-division Ngaliema 3 et ASCITECH espèrent bâtir une jeunesse consciente, engagée et fière de son identité nationale. Une initiative qui, sans nul doute, marquera les esprits et contribuera à forger des citoyens responsables pour l’avenir du pays.
Patrick ONGWAL
Directeur secondaire et humanités/ASCITECH
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