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Tribune : Dix volte-faces pour Felix Tshisekedi (Une chronique du Pr. VOTO)

Alors que les caciques du FCC attendaient rentrer bientôt aux affaires, fort de leur majorité au parlement, ils doivent encore prendre leur mal en patience. Les négociations entre les membres de la coalition censée former le prochain gouvernement a échoppé sur les exigences du Cach qui réclame 45 pourcents des postes au lieu de 30 pourcents que refléteraient son poids politique.
Cette situation a amené le FCC à durcir également sa position en attaquant la dernière ordonnance présidentielle nommant des mandataires publics à la tête de la Gecamines et la SNCC et à quitter la table des négociations. Cette divergence entre les nouveaux alliés risque encore une fois de retarder la formation du gouvernement tant attendu, sinon, amener le pays dans une crise inutile.
Ce n’est pas la première fois que Félix Tshisekedi revienne sur des promesses qu’il fait à ses alliés ou aux Congolais . Pourtant, pour un Chef d’Etat, le respect de la parole donnée est fondamental. Les partenaires, que ce soit les pays étrangers, les investisseurs ou les institutions internationales risquent de douter des engagements que la République peut prendre vis-à-vis d’eux. La parole d’un Chef d’Etat a force de loi.
Acte 1 : Avant les élections, Félix Tshisekedi signe un accord avec ses amis de Lamuka. Au lendemain, il retire sa signature, par ce que la base l’y a contraint. Il va signer un autre accord avec Vital Kamerhe à qui il fait la promesse de soutenir à l’élection présidentielle de 2023 pour un partage du pouvoir par la coalition Cach sur dix ans. Il lui promet aussi des postes importants en attendant 2023.
Acte 2 : Mais au lendemain, il signe un autre accord avec Joseph Kabila dont le contenu n’a jamais été rendu public, Avec l’évolution du temps, il saute aux yeux que Félix Tshisekedi a promis protection et partage du pouvoir avec Joseph Kabila, avec une possibilité d’un come-back de l’homme de Kingakati aux affaires en 2023. En signant un autre accord avec Joseph Kabila, Thsisekedi renonce implicitement à la promesse faite de soutenir Vital Kamerhe en 2023, par ce qu’il ne peut préparer deux candidats à la fois. Il n’est pas non plus exclu qu’il travaille pour lui-même pour 2023. Quant aux postes, il les partage désormais avec Kabila et non avec Vital Kamere.
Acte 3 : Au lendemain de l’accord avec Joseph Kabila, les Américains montent au créneau et lui demandent de prendre distance de son nouvel allié. Ils l’invitent aux Etats Unis et lui expliquent les enjeux. Dopé par toutes les promesses des Américains, Tshisekedi annonce à partir des Etats Unis les couleurs de sa nouvelle politique : ‘’ le déboulonnage du système Kabila’’.
Acte 4 : La réaction des Kabilistes ne se fait pas attendre. Ils expriment leur protestation pour ce revirement qui risque de mettre en péril les accords FCC-CACH. Tshisekedi est obligé de revenir sur les ondes par deux fois, en Lingala et en Français pour nuancer ses propos et s’expliquer sur sa déclaration qui aurait été mal comprise. Effectivement, depuis, le début du déboulonnage se fait attendre.
Acte 5 : Au lendemain de l’élection des sénateurs, des dénonciations de fraude se multiplient. Devant la pression des combattants qui jugent inadmissible que l’UDPS qui compte douze députés provinciaux ne puisse avoir des sénateurs à Kinshasa, Félix Tshisekedi convoque une réunion interinstitutionnelle et suspend l’installation du sénat, en attendant les résultats des enquêtes. L’on crie à la violation de la constitution et le Président risque d’être mis en accusation si le Sénat n’est pas installé dans le délai. Par une gymnastique abracadabrante, la suspension de l’installation du sénat est levée sous prétexte que les enquêtes sont très avancées. Jusqu’à ce jour, personne n’a été interpellée pour corruption, encore moins, les résultats des enquêtes n’ont jamais été rendus publics.
Acte 6 : Répondant aux questions des journalistes à Windhoek au mois de Février sur l’installation du gouvernement, Félix Tshisekedi promet de nommer un informateur dès son retour au pays. Le Fcc rectifie pour dire qu’il existe déjà une majorité qui est dégagée. Il n’est pas question de nommer un informateur. Même si tout analyste sérieux sait qu’aucun parti politique n’a la majorité absolu au parlement, Félix Tshisekedi ne parle plus d’informateur. Par contre, le FCC voudrait lui imposer Albert Yuma comme Premier Ministre. Mais les Américains contestent la nomination de Yuma à la Primature. Félix finit par nommer un Premier Ministre sans désigner au préalable un informateur.
Acte 7 : Après le retour fracassant de Martin Fayulu de sa tournée euro-américaine et dont la popularité ne tarit pas malgré le temps qui passe, une plainte a été déposée contre lui pour incitation à la haine tribale et génocide contre les Baluba, tribu à laquelle appartient le Chef de l’Etat. Martin Fayulu est invité et doit se présenter devant l’inspecteur de police judiciaire le lundi 06 Mai. Mais à la veille, la tension commence à monter à la Tshangu à Kinshasa, fief inconditionnel de Fayulu où ses partisans se promettent de l’accompagner à cette convocation. A Béni un sit-in est annoncé par les partisans de Lamuka devant le parquet jusqu’à ce que Fayulu quitte le bureau de l’inspecteur à Kinshasa. La police sent que ce ne sera pas facile. Devant cette pression, le porte-parole de la police passe sur les médias pour annoncer que l’audition de Fayulu est renvoyée à plus tard. L’audition n’aura jamais lieu.
Acte 8: Depuis que Félix Tshisekedi est rentré de sa tournée américaine, les congolais attendent toujours le début du déboulonnage annoncé avec fracas. Ils seront surpris que les personnes qui devraient faire l’objet du déboulonnage commencent à revenir aux affaires, notamment Albert Yuma, confirmé Président du conseil d’administration de la Gecamines ainsi des généraux reconduits à leurs postes.
Actes 9: Le 03 Juin dernier, le porte-parole du Président passe sur la télévision nationale pour lire deux ordonnances nommant des mandataires publics, contresignées par son Directeur de cabinet. L’opinion réagit tout de suite à la violation de la constitution. Tentant de corriger la faute, le cabinet du Chef de l’État fait publier dans les réseaux sociaux une autre ordonnance contresignée par le Premier Ministre démissionnaire, Bruno Tshibala. Mais le problème reste entier par ce qu’il n’y a pas eu conseil de Ministres. Le FCC qui voit son allié prendre d’autres tengentes monte au créneau et dénonce cette ordonnance. La question est inscrite au débat à l’Assemblée nationale, alors que le Président de la République n’est pas responsable devant le parlement. Le président de la chambre basse demande que le Ministre du portefeuille ne puisse exécuter cette ordonnance. Les scientifiques et les politiques s’en mêlent. Une cacophonie qui risque de déboucher sur une crise institutionnelle.
Acte 10: Alors que les négociations entre les deux alliés pour la formation du gouvernement étaient très avancées, avec une clé de répartition qui reflète le poids politique de chaque composante, soit 60 pourcents pour le FCC, 20 pourcents pour le Cach, 10 pourcents pour l’autorité morale de Kingakati et 10 pourcents pour le Président de la République. Du jour au lendemain, les négociateurs du Cach remettent tout en question et réclament 45 pourcents des postes au gouvernement, sur base des mérites qu’eux seuls connaissent. Le FCC se sert alors de la contestation de l’ordonnance nommant les mandataires comme prétexte pour ne pas poursuivre la négociation sur le gouvernement, sentant déjà la mauvaise foi du partenaire.
Plusieurs se posent des questions sur ces nombreux revirements qui risquent de décrédibiliser le Chef de l’Etat. Serait ce une seconde nature de l’homme ou l’influence de son non moins versatile allié, Vital Kamere. Le Chef de l’État risque d’être perçu par ses partenaires et ses alliés comme quelqu’un qui ne tient pas parole et c’est à la République d’en payer le prix.
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Ouganda-RDC : Muhoozi aligne Kampala derrière Tshisekedi

Le chef des forces armées ougandaises, le général Muhoozi Kainerugaba, a pris une position remarquablement directe sur l’avenir politique de la République démocratique du Congo (RDC). Dans une série de tweets percutants publiés vendredi, il a déclaré que l’ancien président Joseph Kabila ne devait en aucun cas revenir au pouvoir, tout en exprimant un soutien clair au président Félix Tshisekedi.
« Je ne laisserai pas Joseph Kabila redevenir président de la RDC ! Oubliez cette idée », a tweeté le général Muhoozi. Il a critiqué Kabila pour avoir permis aux Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe rebelle d’origine ougandaise, de s’installer dans l’est du Congo pendant près de deux décennies. « Kabila a laissé les ADF prospérer dans l’est de la RDC pendant 17 ans. Il ne nous a jamais autorisés à agir contre eux. Son Excellence Tshisekedi est bien meilleur à cet égard », a-t-il ajouté, avant de conclure : « Mon grand frère, Son Excellence Félix Tshisekedi, est le président de la RDC, et je le soutiendrai autant que possible. »
Ces déclarations sont intervenues à un moment clé, quelques heures après la signature, à Washington, d’une Déclaration de principes pour la paix entre le Rwanda et la RDC, sous l’égide des États-Unis et en présence du secrétaire d’État Marco Rubio. Cet accord engage les deux pays à respecter leur souveraineté respective, à promouvoir l’intégration régionale et à démanteler les groupes armés opérant le long de leurs frontières communes.
Les relations Ouganda-RDC : un enjeu économique majeur
Les liens entre l’Ouganda et la RDC se sont considérablement renforcés au cours de la dernière décennie. Selon la Banque de l’Ouganda, la RDC est désormais la deuxième destination des exportations ougandaises, après le Kenya. En 2023, les exportations officielles vers la RDC ont dépassé 500 millions de dollars, auxquelles s’ajoutent environ 200 millions de dollars via le commerce transfrontalier informel. Les principaux produits exportés incluent le ciment, l’acier, les denrées alimentaires et les produits pétroliers.
L’intégration de la RDC dans la Communauté est-africaine (EAC) en 2022 a encore accéléré ces échanges, soutenue par des investissements dans les infrastructures, comme le poste frontalier de Mpondwe et les routes reliant l’Ouganda aux villes de l’est congolais. Maintenir la paix et renforcer les relations avec Kinshasa est donc crucial pour la croissance économique de l’Ouganda.
Une coopération sécuritaire renforcée sous Tshisekedi
Contrairement à l’administration de Kabila, qui bloquait les initiatives ougandaises sous prétexte de souveraineté, Tshisekedi a permis une coopération militaire accrue. L’opération conjointe « Shujaa », lancée par l’Ouganda et les forces congolaises, vise à neutraliser les ADF dans l’est du Congo. Par ailleurs, des rapports de l’ONU et des services de renseignement congolais accusent des réseaux proches de Kabila de soutenir des groupes armés comme le M23 et l’Alliance Fleuve Congo (AFC), qui déstabilisent l’est du pays et menacent les corridors commerciaux ougandais.
Tshisekedi a lui-même accusé Kabila d’être le « véritable leader » de l’AFC, qui s’est alliée au M23 pour combattre son gouvernement. Lors d’une récente visite à Goma, ville contrôlée par l’AFC/M23, Kabila a déclaré s’y sentir « plus en sécurité » qu’ailleurs en RDC, laissant entendre des liens étroits avec ces mouvements rebelles.
Les risques d’un retour de Kabila
Un retour de Kabila au pouvoir pourrait raviver l’insécurité le long des frontières ougandaises, compromettre le commerce et annuler les progrès sécuritaires obtenus. En dénonçant publiquement Kabila et en soutenant Tshisekedi, Muhoozi aligne l’Ouganda sur un agenda de stabilité régionale, alors que les voisins du Congo et les acteurs internationaux, notamment les États-Unis, œuvrent pour des accords de paix durables. Ses propos rassurent également Kinshasa de la loyauté de l’Ouganda, dans un contexte où des intérêts régionaux concurrents menacent les alliances.
Un marché stratégique pour l’Ouganda
Au-delà de la sécurité, l’est du Congo représente un marché inexploité pour les produits ougandais, avec des opportunités d’investissement dans l’agriculture, l’énergie, la construction et la logistique. Soutenir Tshisekedi permet à l’Ouganda de sécuriser ces intérêts économiques et de renforcer son rôle dans l’intégration régionale.
Les tweets de Muhoozi, bien que d’une franchise inhabituelle pour un haut responsable militaire, traduisent une stratégie calculée : l’avenir de l’Ouganda passe par un partenariat renforcé avec un leadership légitime et stable en RDC. Ils envoient un message clair : Kampala soutient les alliés de la stabilité, de la coopération économique et des efforts de paix internationaux, tout en se distanciant des acteurs accusés d’alimenter les conflits dans l’une des régions les plus riches mais les plus instables d’Afrique.
Alors que la RDC se prépare à sa prochaine transition politique, la bataille pour son futur leadership aura des répercussions majeures, non seulement pour les Congolais, mais aussi pour toute l’Afrique de l’Est.
FNK