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Répression contre la cybercriminalité en RDC : une autre maladresse dont on aurait pu se passer ( Tribune de Francky Lukanda, Avocat au Barreau de Kinshasa-Gombe, Chercheur en droit du développement)

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COMMUNIQUE DE PRESSE DU MINISTRE DE LA JUSTICE INSTRUISANT LE PARQUET A REPRIMER LA CYBERCRIMINALITE : UNE MALADRESSE DONT ON AURAIT PU SE PASSER

 

Le communiqué de presse du Ministère de la Justice instruisant le Parquet à s’activer dans la répression de la cybercriminalité soulève des questions de droit et de procédure importantes qui devraient inquiéter la population congolaise, en général, et les professionnels du droit, en particulier.

Sur le plan de la gouvernance, cette intervention du Vice-Premier Ministre, Ministre de la Justice et Garde des Sceaux (ci-après le Ministre) ne semble pas tenir compte des libertés fondamentales garanties par la constitution (voir notamment les Article 17 al. 2 et 3, Articles 23 et 24 de la Constitution) et les instruments internationaux auxquels le pays a adhéré. Elle ne reflète pas non plus un engagement sérieux de la part du gouvernement à faire respecter l’état de droit.

Ceux qui ont un accès facile au Ministre doivent l’aider à comprendre que ni la constitution, ni la loi ne lui confère le pouvoir de créer des nouvelles infractions en république démocratique du Congo et d’en faire ordonner les poursuites par le Parquet.

Au Congo, comme dans le reste du monde d’ailleurs, le Parquet n’est pas habilité à poursuivre des faits qui, au regard de la loi, ne constituaient pas un crime avant leur commission. Si un fait n’est pas reconnu comme une infraction par la loi, ni le Ministre, ni le Parquet n’a le pouvoir de l’ériger en infraction (voir Article 1er Code pénal congolais et 17 de la Constitution).

La cybercriminalité n’est pas une infraction en droit congolais. Le Parquet n’a aucun pouvoir de poursuite pour des faits qui ne sont pas érigés en infractions, n’en déplaise au Ministre. Le fait que certaines publications, auxquels le Ministre fait référence en parlant de cybercriminalité, ne présentent pas le gouvernement sous un jour flatteur n’est pas un motif de poursuite criminelle en droit congolais.

Par contre, il en est tout autrement de la menace et de l’intimidation qui constituent des infractions en droit congolais (voir Articles 159, 160 et 48 bis du Code pénal congolais). A ceux-là, il faut ajouter l’abus de pouvoir qui peut être constitutive d’une faute administrative. Le communiqué officiel du ministre de la justice flirte dangereusement avec ces trois notions : à savoir la menace, l’intimidation et l’abus de pouvoir. Ce communiqué passe sous silence les droits garanties aux particuliers et les libertés publiques qui pourtant font partie des éléments fondamentaux de l’état de droit.

À l’instar de la cybercriminalité, la divulgation des documents administratifs ne constitue pas une infraction en droit congolais. À la limite, elle peut être constitutive d’une faute administrative dans le chef de l’agent qui a divulgué un document revêtu du caractère « confidentielle » ou du « secret administratif ». Mais, en aucun cas, la divulgation d’un document administratif ne peut constituer une infraction dans le chef d’un tiers qui partagerait un tel document ou l’information qui en découle par voie de presse ou encore en utilisant les nouvelles technologies de communication et de l’information (NTCI).

D’ailleurs, il n’existe pas une obligation générale de confidentialité ou de secret administratif dans le sens utilisé par le Ministre. La notion même de confidentialité ou de secret administratif n’est pas régit en droit administratif congolais. La tendance dans ce domaine est plutôt d’affirmer le principe d’accès libre et gratuit à l’information. Cette tendance semble aussi prôner le principe de la diffusion proactive de l’information. C’est le cas notamment des contrats dans le domaine des ressources naturelles. La RDC a fait quelque progrès dans ce domaine en rendant public plusieurs contrats, conclus avec des partenaires économiques, qui contenaient pourtant une clause de confidentialité.

Si le Ministre est intéressé à criminaliser les infractions commises par le biais des NTCI, il devrait plutôt prendre langue avec le Parlement qui examine le projet de loi sur la cybercriminalité. Il pourrait lui apporter son soutien afin que ce projet soit finalisé dans le meilleur délai. Cela reflèterait le caractère professionnel et mâture des institutions de la république qui, en dépit de leurs divergences politiques, sont en mesure de travailler en synergie afin d’offrir à la population congolaise et aux observateurs extérieurs une législation moderne sur la cybercriminalité.

Ce qui a été dit pour la cybercriminalité s’applique également à la tentative du Ministre de limitater l’accès au public à certaines informations émanant de l’administration. Ici aussi, il existe un projet de loi sur l’accès à l’information au Sénat. Ce projet a besoin d’un toilettage substantiel. Certaines dispositions de ce projet ne sont pas compatibles à la notion de transparence et aux engagements de la RDC avec les bailleurs de fonds dans le cadre de l’ITIE : notamment la question de l’accès aux informations financières et économiques (voir la notion du bénéficiaire réel et celle de personne politiquement exposée). L’appuis du Ministère de la Justice pourrait faciliter la finalisation de cette loi.

Tout cela est conforme aux exigences de bonne gouvernance et de transparence de l’administration au 21ème siècle. Les institutions de la république ne devraient pas fonctionner en silo. Le pouvoir exécutif doit apprendre à collaborer de manière efficiente avec le pouvoir législatif et avec le pouvoir judiciaire. Récemment le Ministre a, tant bien que mal, tenter de convaincre l’opinion sur ses intentions de développer une telle coopération avec les magistrats du Parquet afin de favoriser l’état de droit. Si certains critiques avaient douté de la bonne foi de cette intervention, cet incident a démontré la nécessité pour les différents organes du pouvoir de développer des rapports de collaboration plus harmonieuses. Voici une autre opportunité qui s’offre au Ministre de matérialiser cette collaboration à lui afin de favoriser l’état de droit. L’arsenal juridique congolais manifeste beaucoup de lacunes. Le Ministère de la Justice devrait saisir cette opportunité pour collaborer avec les deux chambres du Parlement afin de combler ces lacunes. En procédant de la sorte, le Ministre marquera positivement l’opinion publique et contribuera substantiellement à la progression du pays vers un état de droit.

Il est vrai que le pouvoir peut faire naître la tentation de contrôler et de réprimer toutes information négative à son encontre. Mais, quelle que soit la tentation, toute personne détentrice d’une parcelle de pouvoir (public) devrait faire preuve de courage et de retenu pour ne pas tomber dans l’abus de pouvoir ou, pire encore, dans la dictature. L’action ou l’inaction de toute personne détentrice d’une parcelle du pouvoir (public) déterminera la progression de la RDC vers l’état de droit et vers une société réellement démocratique.

Au lieu de se lancer dans une chasse aux sorcières sur une base juridique inexistante ou à la limite douteuse, le Ministre devrait concentrer son énergie à développer une coopération efficiente avec le Parlement afin de s’assurer que les projets de loi en préparation (sur la cybercriminalité, l’accès à l’information et bien d’autres encore) soient finalisés dans les meilleurs délais et que les limitations qu’il voudrait faire imposer aux tiers soient inscrites dans ces lois.

En définitive, le Ministre devrait veiller à ce que son action soit principalement dicté par la satisfaction de l’intérêt de toute la population et non du groupement politique ou économique ou particulier. Par ailleurs, ses interventions publiques devraient être cohérentes et reflèter l’état du droit applicable ainsi que les aspirations de la population à l’état de droit. Une succession d’interventions maladroites de sa part ne donnerait pas une bonne image de son ministère et du gouvernement dans son ensemble.

Si le Ministre a des doutes sur le droit applicable par rapport à une question particulière ou encore s’il n’a pas un personnel à mesure de le conseiller efficacement soit sur la substance du droit applicable, soit dans les matières où ce droit aurait des lacunes, soit encore sur la substance des bonnes pratiques internationales en matière de gouvernance et de transparence, il [le Ministre] devrait recruter un ou plusieurs consultant(s) pour se faire assister sur ces questions techniques.

J’ose croire que cette petite contribution apportera des clarifications aux questions de droit que soulève le communiqué de presse du Ministère de la Justice et encouragera les professionnels du droit à intervenir davantage sur cette question d’intérêt national afin de faire avancer notre discipline.

 

Me. Francky Lukanda

Avocat au Barreau de Kinshasa-Gombe

Chercheur en droit du développement

Email : lukanda2000@yahoo.fr

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Suspension de gratuité de la maternité à Monkole : Hermione Bolumbe tire la sonnette d’alarme et interpelle Roger Kamba

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La nouvelle est tombée comme un coup de massue : le Centre hospitalier Monkole a suspendu la prise en charge gratuite de la maternité, faute de paiement du Fonds de Solidarité Santé. Une décision lourde de conséquences pour les femmes enceintes issues de milieux précaires, et qui n’a pas laissé indifférente la députée nationale Hermione Bolumbe, l’une des voix les plus engagées en matière de santé publique à l’Assemblée nationale.

Médecin de formation et à l’hôpital de Ngaliema, Bolumbe Hermione n’a cessé d’alerter sur la mauvaise gestion de la politique de gratuité de la maternité par le ministre de la Santé, Roger Kamba. Déjà en mai dernier, elle l’avait vivement interpellé lors d’une plénière parlementaire, dénonçant les failles criantes de mise en œuvre du programme pourtant lancé avec faste par le président Félix Tshisekedi en septembre 2023.

« Une politique non financée est une promesse vide. Derrière chaque facture impayée, il y a une mère, un enfant, une vie », a-t-elle lancé, visiblement émue, depuis les bancs du Palais du peuple.

Très impliquée dans les questions de santé maternelle, la députée Bolumbe avait alors dressé un tableau inquiétant : des femmes contraintes d’accoucher sans examens prénataux, des hôpitaux comme la clinique Ngaliema dépourvus de scanner, et une mortalité maternelle toujours aussi élevée, y compris dans des établissements de référence. « Même des épouses de députés, des filles de médecins meurent en accouchant », avait-elle dénoncé.

À la suite de la suspension officielle de la gratuité à l’hôpital Monkole en juin, sa réaction a été immédiate. Elle s’est insurgée contre l’inaction gouvernementale et le silence autour des engagements non tenus.

« Il n’y a pas de bon accouchement sans consultation prénatale normale. Et comment parler de gratuité quand des femmes paient encore l’échographie ? », a-t-elle martelé.

Plus qu’une élue, Hermione Bolumbe se positionne comme la voix des sans-voix. Elle réclame avec insistance les données chiffrées du ministère de la Santé sur la gestion réelle du programme et exige la transparence dans l’allocation des ressources publiques.

Dans un contexte où l’objectif de développement durable (ODD) vise moins de 100 décès pour 1 000 naissances vivantes à l’horizon 2030, sa position est claire : la santé maternelle doit redevenir une priorité nationale, non une ligne budgétaire sacrifiée.

Dorcas Mwavita/Congoprofond.net

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