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Règlement du différend de délimitation des espaces maritimes entre la RDC et l’Angola: plaidoyer pour un règlement judiciaire(Tribune de Kambale Isemughole Darwin, doctorant et chercheur)
Depuis l’inattendue évasion de la mer de son carcan originaire, selon l’heureuse expression de Pierre Marie Dupuy 1, de « support plane des communications » pour revêtir son nouveau manteau de « réservoir des richesses » tant à la faveur du prodigieux progrès de l’industrie de la pêche qu’a inauguré le XXème siècle précédent (réperage des bacs par radar et satellite, mécanisation,
agrandissement de la taille des bateaux et des filets , navires-usines permettant une transformation des poissons, l’accès pour un plus grand nombre de consommateurs aux techniques de conservation par la chaîne du froid etc…) qu’à celle de la merveilleuse découverte des ressources minérales nodulaires ( le sel, le diamant, les terres rares ect…) et énergétiques (pétrole et gaz), la mer aiguise les appétits, les convoitises des Etats2
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Qui plus est, l’importance stratégique de la mer en tant que voie de navigation s’est accrue considérablement au point de représenter, de nos jours, plus de 80 % dans les échanges mondiaux des marchandises, à laquelle est venu se greffer un usage militaire notamment dans la dissuasion nucléaire d’importance jusqu’alors insoupçonnée. Prenant en ligne de compte cette évolution qui marque une forte attraction étatique sur la mer3, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, véritable « charte des mers » et compromis historique entre deux logiques contradictoires (liberté et appropriation), consacre une
notable extension de la juridiction des Etats en mer en procédant à une « territorialisation » des espaces jadis teintés du seau de l’ international au travers d’un « zonage juridique » de la mer aboutissant ainsi à une double subdivision en espaces maritimes sous juridiction nationale (eaux intérieures, mer territoriale, zone contigüe, zone économique exclusive, et plateau continental) et ceux
internationalisés (haute mer et zone)4
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Aujourd’hui plus qu’hier, une prédiction de Jacques Bernier lorsqu’il écrit « qu’on le veille ou non, il semble bien que l’extension de la souveraineté des Etats sur les espaces maritimes est déjà bien
1. Pierre-Marie DUPUY, Le droit international public, Paris, Dalloz, 9ème éd., 2009, p. 598.
2. Gilles CHOURAQUI, La mer confisquée : Un nouvel ordre océanique favorable aux riches, Paris, Seuil éditions, 1979, pp. 1-10.
3 Le Professeur Auguste Mampuya Kanunk’a-Tshiabo rend également de cette attraction étatique sur la mer que consacre la Convention de Montego Bay in A., MAMPUYA KANUNK’A-TSHIABO, Traité de droit international public, Kinshasa, Médiaspaul, 2016, p. 985.
4. Georges LABRECQUE, Les frontières maritimes internationales : Géopolitique de la délimitation en mer, Paris, L’Harmattan, 2009, p.20. 2 engagée et qu’elle va se poursuivre et ainsi les problèmes de leur partage vont-ils demeurer d’une grande actualité »
5. Cette emprise de la souveraineté étatique sur la mer pose avec acuité l’épineuse question de la délimitation des frontières maritimes entre Etats laquelle est source de tension entre Etats au vu des enjeux tant politique, économique que stratégique que la mer représente pour ces derniers.
Pour des raisons évidentes de paix et de stabilité du système international, en droit clairvoyant, « intelligent » si l’on préfère à la première épithète celle du Professeur Grégoire Bakandeja
6. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, née dans un contexte mondial de répudiation générale du recours à la force armée, impose à ses Etats parties aux termes de son article 279 le recours à des mécanismes pacifiques de règlement des différends en faisant référence à ceux juridictionnels et non-juridictionnels prévus par l’article 33 paragraphe 1 de la Charte des Nations Unies7
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C’est donc sur fondement de cette disposition conventionnelle que la République démocratique du Congo et l’Angola, Etats parties à la Convention de Montego Bay, ont jusqu’ici fait le choix d’un règlement bilatéral de leur différend.
Mais le déséquilibre des rapports de force entre la République démocratique du Congo et l’Angola annihile tout espoir d’un règlement équitable de ce différend de délimitation des frontières maritimes entre les deux Etats sur la côte Atlantique tant il est vrai8 , comme l’affirme une doctrine dominante des relations internationales, que l’issue d’un processus de négociation est toujours la traduction d’un rapport de force entre différents protagonistes9 . Aussi proposons-nous, dans ces quelques lignes, de poser la question de la pertinence d’un règlement négocié comme mode de résolution des conflits pouvant permettre de parvenir à une solution équitable prenant en compte les droits légitimes de la République démocratique du Congo à étendre sa juridiction en mer.
5 Jacques BERNIER, Préface à l’ouvrage de Georges LABRECQUE précédemment cité, p. 2.
6 Cfr. Intervention du Professeur Grégoire BAKANDEJA lors des journées scientifiques organisées par la Faculté de Droit et des Sciences Politiques de l’Université Catholique du Congo autour de la problématique de la décentralisation en République Démocratique du Congo du 22 au 24 mars 2014. 7 Article 279 de la Convention des Nations Unies sur le droit de mer de 1982 in P.M., DUPUY, Les grands textes du droit international public, Paris, Dalloz, 2008, p. 571. 8 Olivier LANOTTE, République Démocratique du Congo : Guerre sans frontières. De Joseph-Désiré Mobutu à Joseph Kabila, Bruxelles, Editions Complexe, 2003, pp. 51-52. 9 Lasay Abar LABANA, Le conflit. Stratégies, prévention, gestion et modes de résolution, Kinshasa, Chaire UNESCO, 2007, p. 25.
3 A. ARRIERE-FOND HISTORIQUE DU DIFFEREND
La délimitation des frontières maritimes entre la RDC et l’Angola, comme toute délimitation des frontières entre Etats constitués sur d’anciens territoires sous occupation coloniale, nécessite le recours à d’importantes ressources historiques notamment les traités de délimitation des frontières passés entre l’Association Internationale du Congo et les anciennes puissances coloniales (France et Portugal à l’occurrence).
I. Les traités territoriaux coloniaux et leur incidence sur la délimitation des espaces maritimes entre la RDC et l’Angola
1. Du Traité du 23 avril 1884 au Traité du 5 février 1885 entre la France et l’AIC Pour réaliser ses ambitions d’acquisition territoriale, le roi Léopold II devait affronter les prétentions territoriales françaises10
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En effet, la France prétendait être l’heureux acquéreur de deux rives du fleuve, dans les parages de Stanley-Pool sur fondement du Traité que l’explorateur français, Savorgna de Brazza avait passé avec le chef indigène Makoko11. Admettre une telle prétention était soumettre la prospérité de l’œuvre de Léopold II aux caprices des agents français et ce, d’autant plus que, Paris réclamait à l’Association Internationale du Congo la Vallée du Niari-Kwilou dont la conquête a été décidée en prévision de la
reconnaissance éventuelle des prétentions portugaises pour assurer au futur Etat Indépendant du Congo un débouché vers l’océan12
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Au vu des rapports de force en déséquilibre entre la France et une association dépourvue d’une armée, le roi ne pouvait risquer une confrontation armée pour défendre ses prétentions territoriales13. Il fît donc le choix de jouer sur le registre de la négociation14. Dans un contexte d’indifférence et même d’hostilité générale contre son œuvre coloniale en Belgique, le roi n’a eu d’autres choix que de dépêcher à Paris un des rares sympathisants de son aventure africaine, Auguste Couvreur alors viceprésident de la Chambre des députés. Mais, déjà en ses débuts, l’offensive diplomatique léopoldienne bute à un obstacle juridique de taille. En effet, pour le Ministre des affaires étrangères français de l’époque, Channel La cour, interlocuteur attitré, selon les usages dans les relations internationales, de l’envoyé royal « tout arrangement avec la société internationale lui paraissait présenter une difficulté de forme insurmontable : L’Etat français ne pouvait traiter de prince à prince avec une société privée ». De son côté, sans changer d’une seule virgule la position française s’agissant de l’incapacité juridique d’une association marchande à contracter avec des Etats souverains, celui qui assurait alors la présidence du Conseil français, Jules Ferry estimait que « le Comité d’Etudes du Haut Congo n’est et ne sera jamais qu’une association privée, il n’est ni la Belgique ni le roi des belges, il ne peut avoir ni pavillon reconnu, ni forces régulières, ni droit souverain d’aucune sorte ». Et d’ajouter «si le drapeau belge …flottait sur les
10 Manjumba MWANYIMI, Chronique générale de l’histoire du Zaïre (des origines à 1988), Kinshasa, CRP, 1980, pp. 75-78.
11Jean-Marie MUTAMBA, Histoire du Congo par les textes. Tome I : Des origines à 1884, Kinshasa, Editions Universitaires Africaines, 2006, pp. 25-34. 12Robert CORNEVIN, Histoire du Congo-Léopoldville-Kinshasa : Des origines préhistoriques à la République Démocratique du Congo, Bruxelles, H. Dessain, 1892, pp. 25-31. 13 Isidore NDAYWEL, Histoire générale du Congo. De l’héritage ancien à la république démocratique, Louvain-la-Neuve-Kinshasa, Duculot-Afrique éditions, 1998, pp. 45-60.
14 Cfr. Jules MARCHAL, L’Etat libre du Congo : Paradis perdu, Bruxelles, Duculot, 1994, p. 25.
4 stations de l’association, je devrais reconnaitre la validité de ses prises de possessions mais le drapeau bleu n’est que l’emblème d’une société commerciale » 15
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Pour contourner cette objection d’ordre juridique, le roi va faire la commande d’une consultation juridique auprès du professeur M., Arntz de l’Université Libre de Bruxelles lequel procédera à la rédaction d’un ouvrage au titre révélateur: « De la cession des droits de souveraineté par les chefs de tribus sauvages » où il tentait de démontrer, sans fléchir la position française, la validité juridique des cessions territoriales effectuées par des chefs des tribus.
Toutefois, c’est le rapprochement entre le Portugal et l’Angleterre au-travers la signature du traité anglo-portugais reconnaissant au Portugal la souveraineté sur les deux rives du Congo et l’embouchure du Congo, qui va relancer les négociations entre Paris et l’AIC dans la mesure où il était dirigé dans son principe même non seulement contre l’AIC en ce qu’il lui « enlevait l’accès des
bouches du Congo » mais aussi constituait une menace contre l’expansion coloniale des autres puissances telles la France et l’Allemagne. Profitant de l’opposition de Paris à ce traité anglo-portugais, le roi va arracher de la France un accord le 15 novembre 1884 par lequel cette dernière reconnaissait le drapeau d’azur étoilé d’or de l’Association Internationale du Congo. A contre partie, l’AIC reconnaissait à la France un droit de préemption. Peu après interviendra l’accord du 26 février 1885 portant délimitation des frontières entre le domaine colonial français et le territoire de l’AIC par lequel le roi consentait à des douloureuses concessions cédant à la France la vallée du Niari-kwilou et la rive droite du Congo16
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2. Du Traité anglo-portugais du 26 février 1884 à la Convention du 25 mai 1891 entre l’EIC et le Portugal. Outre les prétentions territoriales françaises, l’AIC devait affronter aussi une expansion coloniale portugaise aussi menaçante que celle de Paris17
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Le texte de base de la négociation engagée entre l’Association Internationale du Congo et le Portugal reconnaissait la souveraineté de l’Association sur la rive droite du fleuve Congo. Au Portugal devait revenir la rive gauche jusqu’en face de Boma, ensuite le 6ème parallèle jusqu’au Kwango. Mais, le Cabinet de Lisbonne, revendiquant des « droits historiques » sur le bassin du Congo, ne pouvait se satisfaire d’un tel arrangement. Désormais, le Portugal exigeait comme minimum acceptable Cabinda, Molembo, Landana et Banana. Sur la rive gauche, c’est la rivière Mpozo débouchant en face de Vivi qui était désormais exigé comme limite avec le domaine territorial de l’Association. Ce qui avait pour conséquence d’assurer aux portugais une mainmise sur l’embouchure du gigantesque fleuve Congo. Une telle perspective compromettait gravement l’aventure coloniale léopoldienne.
Finalement, le 15 février 1885, les parties purent accorder leur violent sur un texte impliquant des douloureuses concessions pour l’Association Internationale du Congo.
En effet, la société fictive pompeusement baptisée « Association Internationale du Congo » due se résoudre à abandonner, le long du littoral, une enclave comprenant le Landana dont l’occupation par le Portugal était, au moment de la signature de l’accord, effective, Cabinda et Molembo inscrits, dans
15 François BONTINCK, « L’entente entre la France et l’Association Internationale du Congo à la lumière des premières négociations », in
Etudes d’histoire africaine, (mars 1971), n°29-81, pp. 28-78.
16Cfr. Emile VANDEWOUDE, Inventaire des archives relatives au développement extérieur de la Belgique sous le règne de Léopold II,
Paris, Hachette, 1965, pp. 789-795.
17Jacques DEPELCHIN, De l’Etat indépendant du Congo au Zaïre contemporain, Paris, Hachette, 1996, pp. 456-465.
5 un contexte de conquête coloniale, en lettre d’or sur le marbre constitutionnel portugais comme faisant partie du domaine de la couronne. Sur la rive gauche, la limite avec le territoire de l’Association Internationale du Congo reculait jusqu’à Nokki, avec le parallèle de ce point jusqu’au Kwango (article 3 de la Convention du 14 février 1885)18
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Toutefois, l’Association Internationale du Congo obtint de conserver Banana, Ponta de Lenha et Boma avec une vingtaine de kilomètres de côtes. Devant un accord aussi léonin satisfaisant largement l’orgueil colonial portugais, le roi Léopold II a tenté, en vain, d’obtenir un soutien allemand en écrivant au Prince Bismarck l’avertissant que si le territoire de l’Association Internationale du Congo était coupé de la mer, il envisageait bien d’abandonner l’entreprise. Plus tard, le 25 mai 1891, un autre traité fut signé entre les deux parties à Bruxelles lequel abrogeait notamment les dispositions ci-dessus en ces termes : « la délimitation partielle de frontières posée au 6ème alinéa de l’article 3 de la Convention du 14 février 1885 est interprétée, précisée et rectifiée dans
les termes suivants : dans le fleuve Congo…et depuis son embouchure jusqu’au parallèle passant … à Nokki, la ligne séparatrice des eaux appartenant respectivement aux deux Etats sera la ligne moyenne du chenal de navigation généralement suivi par les bâtiments de grand tirant d’eau… » 19
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Une fois de plus, le caractère déséquilibré du traité du 15 février 1885 puis celui rectificatif du 25 mai 1891, comme des autres traités passés entre l’Association Internationale du Congo et la France dont il a été question précédemment, trouve explication dans l’inégalité des rapports de force entre un groupement associatif marchand, l’AIC dépourvue d’une armée structurée, instrument par excellence de la souveraineté et de l’affirmation des prétentions étatiques dans les relations internationales et
l’ancienne grande puissance en expansion colonial, le Portugal. De plus, le roi Léopold II, chef d’Etat d’une Belgique jusqu’alors très attachée à sa neutralité dans un contexte de rivalité entre puissances, sur fond des conquêtes coloniales, ne pouvait s’affronter au Portugal sans risquer une levée de bouclier de l’opinion publique belge. Autant souligner d’ailleurs que l’idée d’un complément territorial d’outre-mer à la Belgique est une aventure personnelle du roi20
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Qu’il s’agisse de l’opinion publique dont la note dominante face au projet royal était soit l’indifférence soit l’ironie ou qu’il s’agisse des milieux d’affaires qui, en 1878, lorsque se constitue le Comité d’Etudes du Haut-Congo, ne s’étaient vraiment pas bousculés comme potentiels souscripteurs pour financer l’entreprise royale, à quelques exceptions près, ou même qu’il s’agisse de son entourage direct redoutant que le roi ne se ruine financièrement et que sa situation au plan de la politique interne se dégrade, ou, en fin, qu’il s’agisse de la classe politique belge, toutes tendances confondues, qui ne semblait encore avoir adhérer à la thèse de Léopold II selon laquelle le redressement économique de la Belgique était conditionné par l’acquisition d’une colonie, personne ne trouvait alors le moindre intérêt à soutenir une initiative qui, pensait-on, à l’époque, ne correspondait nullement aux intérêts nationaux de la Belgique.
Comme on peut s’en rendre compte, l’histoire de la délimitation des frontières de la République Démocratique du Congo a eu des conséquences absolument fâcheuses susceptibles de resurgir sur les
18 Emile BANNING, Le partage politique de l’Afrique, Bruxelles, IRCB, 1888, pp. 114-125. 19 Pour approfondir cette question de l’histoire de la délimitation des frontières de la RDC, il ne serait pas sans intérêt de lire Jean STENGERS, Congo : Mythes et réalités. 100 ans d’histoire, Bruxelles, Bruyant, 2002, pp. 451-461 ; Joseph BLANC, « Le droit de préférence de la France sur le Congo belge », in Etudes africaines, (juin-septembre 1921), n° 45, pp. 45-60 ; Alexis-Marie GOCHET, Le Congo belge illustré ou l’EIC sous la souveraineté de Léopold II, Paris, Seuil, 1991, pp. 89-96 ; Alphonse-Jules, WAUTERS, L’Etat Indépendant du Congo, Paris, Seuil, 1899, pp. 56-69.
20 Après la reconnaissance de l’Etat Indépendant du Congo par les grandes puissances représentées à la conférence de Berlin, Léopold II va, par une lettre datant du 15 avril 1885, prier ses ministres de formuler une demande auprès du Parlement pour qu’il obtienne de ce dernier, l’autorisation de devenir souverain du futur Etat. Cette autorisation parlementaire lui fut accordée respectivement le 28 et 30 par la chambre des députés et le Sénat belge et ce, conformément à l’article 62 de la Constitution belge de l’époque. 6 différends terrestres ou maritimes avec des Etats limitrophes notamment l’Angola au sujet de l’épineux dossier de la délimitation des frontières maritimes de deux Etats sur la côte Atlantique dont il est question dans la présente étude.
En effet, souvent célébré dans des livres d’histoire comme un génie politique pour avoir mise en œuvre un vieux rêve d’acquisition territoriale dans un contexte de conquête coloniale par les grandes puissances plutôt défavorable, Léopold II, obligé de donner son accord aux traités ayant présidé à la délimitation des frontières de son Etat Indépendant du Congo, avait, loin s’en faut, subi un camouflet diplomatique retentissent, le Portugal de Diego-Cao s’étend tailler la part du lion lors de l’occupation
coloniale de l’Afrique centrale et la France, en pleine expansion coloniale, ayant procéder au déguerpissement de l’Association, sous couvert du traité du 26 février 1885, de la vallée du NiariKwilou et de la côte. D’où la configuration assez particulière de la côte de la RDC sur son flan atlantique dont la longueur ne représente que 40 km alors que la côte angolaise représente plus de
2000 km. Ce qui, à l’évidence, influe négativement sur l’étendue du droit d’extension en mer de la RDC, la projection devant se faire sur base de la longueur de sa côte21
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II. Problème d’efficacité juridique des traités territoriaux conclus entre l’AIC et les puissances coloniales sur la RDC et la théorie de la succession d’Etats
1. Réponse du droit international général Pour garantir la paix et la sécurité internationales, les Etats parties à la Convention de Vienne du 22 août 1978 sur la succession en matière des traités ont retenu la règle, bien à contre sens du principe général de l’intransmissibilité de l’ordre conventionnel, de la transmissibilité des traités portant régimes des frontières de l’Etat prédécesseur à l’Etat successeur (article 11 de la Convention), même si ce dernier n’en devient pas partie mais doit simplement en prendre acte. C’est ce qu’exprimait en ses propres mots, dans son « droit international public », Serge Sur affirmant qu’un Etat nouveau «… ne
succède pas à un traité, au regard duquel il est tiers, mais à un régime, dont l’origine conventionnelle ou autre est sans pertinence : seul importe le fait qu’il ait été posé par les Etats qui avaient compétence pour le faire au moment où le régime a été établi ; la compétence ne se transmet pas, c’est vrai, mais il n’en va pas de même pour le titre territorial, dont la cession est l’occasion de la succession d’Etats ; il n’y a donc rien d’anormal dans le fait qu’il soit transmis dans l’état où l’a laissé le prédécesseur »
22
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Au plan jurisprudentiel, la Cour Internationale de Justice, dans son arrêt du 22 décembre 1986 relatif à l’affaire du différend frontalier entre le Burkina Faso et la République du Mali, estimait déjà que « […] l’obligation de respecter les frontières internationales préexistantes en cas de succession d’Etats découle sans aucun doute d’une règle générale de droit international, qu’elle trouve ou non son expression dans la formule uti possidetis » 23
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21 Cfr. Commission Nationale d’Etudes sur le Plateau Continental de la République Démocratique du Congo, Information préliminaire à la Commission des limites du plateau continental conformément à l’article 76 paragraphe 8 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, concernant la région du Golfe de Guinée. Requête de la République Démocratique du Congo sur l’extension de son plateau continental à plus de 200 milles marins, 25 janvier 2013. [En ligne]. http://www.un.org/deps/los/legislations (Consulté le 25 mars 2014). 22 Serge SUR, Droit international public, Paris, Dalloz, 9ème éd., 2005, pp. 458-460. 23 CIJ, arrêt du 22 décembre 1986, affaire du différend frontalier entre le Burkina Faso et la République du Mali (Burkina Faso c. République du Mali), Recueil 1986, par. 24, p. 16. [En ligne]. http://www.icj-icj.org/fr/affaire/69. (Consulté le 16 janvier 2018).n 7
2. L’Afrique et la question de la succession aux traités de nature territoriale Dans le contexte africain, les pères fondateurs de l’Organisation de l’Unité africaine ont adopté, au sommet du Caire du 21 juillet 1964, une résolution dans laquelle l’organisation panafricaine « déclare solennellement que tous les Etats membres s’engagent à respecter les frontières existant au moment où
ils ont accédé à l’indépendance » 24. Rien de tel ne pourrait autant valoir consécration solennelle du principe de l’intangibilité des frontières reprise d’ailleurs plus tard par l’article 4 du traité instituant l’actuelle Union Africaine parmi les principes structuraux de la nouvelle organisation. Traduction africaine du principe de l’Uti possidetis forgé en Amérique latine au XIXème siècle, le principe de l’intangibilité des frontières adjoint les Etats au respect du statu quo territorial colonial 25
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De ce qui précède, l’opposabilité des traités territoriaux passés entre l’Association Internationale du Congo et certaines puissances coloniales lors de l’occupation de l’Afrique centrale relève de l’évidence.
B. INCLINAISON DES PROTAGONISTES AU RÈGLEMENT NÉGOCIE DU DIFFÉREND : DU FONDEMENT JURIDIQUE A L’IMPERTINENCE PRATIQUE DU PROCÉDÉ
I. Fondement juridique de l’obligation à négocier Degré minimum de l’obligation posée par l’article 2, §3 de la Charte des Nations Unies de régler pacifiquement les différends internationaux, la négociation bilatérale a une racine coutumière jusqu’ici incontestée en droit international26 . Ce caractère préalable de la négociation est consacré, sur le plan conventionnel, par l’article 84 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer réglant la question de la délimitation du plateau continental entre les Etats dont les côtes sont adjacentes ou se font face qui est ainsi libellé : « La délimitation du plateau continental entre les Etats dont les côtes sont adjacentes ou se font face est effectuée par voie d’accord conformément au droit international tel qu’il est visé à l’article 38 du Statut de la Cour Internationale de Justice, afin d’aboutir à une solution équitable. S’ils ne parviennent pas à un accord dans un délai raisonnable, les Etats concernés ont recours aux procédures prévues à la partie XV » 27 . De la lecture attentive de cette disposition, il ressort de manière évidente qu’au sens des rédacteurs de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, l’obligation de négocier en tant que niveau minimal dans le processus de règlement pacifique des différends, consiste simplement en une obligation faite aux parties à un différend de recourir préalablement à la négociation bilatérale au travers des contacts directs tout en affichant des attitudes constructives permettant raisonnablement d’envisager l’aboutissement d’un accord entre parties28
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Au plan doctrinal, Alain Pellet et Patrick Daillier notent dans leur « Droit international public », qu’ils affirment avoir rédigé dans le souvenir de leur regretté maître, Nguyen Quoc Dinh nourrissant ainsi le noble espoir de « contribuer à éviter que ne meure le grain qu’il a semé » que, « l’obligation de négocier s’impose d’abord en soi dès que deux sujets de droit international sont en litige, parce qu’elle constitue le minimum de ce qui est attendu d’eux pour régler pacifiquement tout différend. A ce titre,
24 Cfr. Résolution du 21 juillet 1964 de l’Organisation de l’Unité Africaine consacrant, à titre de précision apportée à l’article 3 §3 de la Charte, le principe de l’intangibilité des frontières.
25 Cfr. Abdelmoughit BENMESSAOUD, Intangibilité des frontières coloniales et espace étatique en Afrique, Paris, LGDJ, 1989, p. 79 ;
Jean-Philippe MONIER, « La succession d’Etats en matière de responsabilité internationale », in AFDI, (août-octobre 2008), n°9874, pp. 87-
91 et Marco MARCOFF, Accession à l’indépendance et succession d’Etats aux traités internationaux, Paris, LGDJ, 1990, pp. 452-454.
26 Pierre-Marie DUPUY, Op.Cit., p. 456. 27 Article 84 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982. [En ligne]. https://www.un.org/…/convention…/unclos_f.pd… (Consulté le 27 mars 2019).
28 Jean COMBACAU et Serge SUR, Droit international public, Paris, Montchrestien, 6ème éd., 2006, p. 468. 8 la négociation directe entre Etats en conflit constitue la technique de droit commun : Elle trouve à s’appliquer en toutes circonstances, même sans texte »
29. Pour leur part, Serge Sur et Jean Combacau se proposent-ils de parler en termes d’une formule signifiant que « les deux parties doivent se comporter d’une façon qui rende l’éventualité de l’accord raisonnable, et nullement qu’elles soient tenues d’accepter des termes de règlement qu’elles jugeraient contraires à leurs intérêts » 30. Abordant dans le même sens, la Cour Permanente de Justice Internationale, dans son arrêt rendu le 19 août 1929 dans l’affaire des zones franches opposant la France à la Suisse, faisait opportunément l’observation suivant laquelle le règlement judiciaire « n’est qu’un succédané au règlement direct et amiable […] (des) conflits entre parties » consacrant ainsi le caractère préalable de la négociation dans le long processus de règlement des différends interétatiques31
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Par ailleurs, une abondante jurisprudence de la Cour Internationale de Justice tend à affirmer que la preuve d’un échec de la procédure de négociation ne constitue pas une condition sine qua non de la recevabilité d’une requête en vue d’un règlement judiciaire d’un différend opposant les Etats à moins qu’il ne s’agisse d’un engagement conventionnel entre parties au différend, au quel cas, le principe pacta sunt servanda sera de strict application. Aussi, la CIJ a-t-elle jugé qu’elle pouvait recevoir des
requêtes dans plusieurs affaires telles l’affaire du plateau continental de la mer Egée, l’affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua ayant opposé les Etats Unis au Nicaragua et celle de la délimitation des frontières terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria alors que des négociations engagées entre parties pour aboutir à un règlement amiable se poursuivaient toujours. Autant dire que rien ne peut s’opposer au recours à d’autres procédés de règlement des différends, à ce
compromis le règlement judiciaire tel qu’il ressort d’ailleurs de l’article 286 de la Convention du 10 décembre 1982 prévoyant le recours à la CIJ ou au Tribunal du droit de la mer en cas d’échec d’un règlement amiable.
II. Le déséquilibre des rapports de force et le jeu faussé de la négociation bilatérale Conçue comme choix délibéré ou forcé des protagonistes de s’affronter sur un terrain pacifique, la négociation reste fondamentalement un procédé de règlement de différend dont l’issue reste conditionnée, en termes de gain pour chacune des parties, par le rapport de force32
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La négociation engagée entre la RDC et l’Angola pour la délimitation bilatérale de leurs frontières maritimes met en présence deux Etats aux rapports de force déséquilibrés33 , l’Angola s’étant affirmer, « à l’occasion de ses interventions au Congo-Brazzaville (1997) et en République démocratique du Congo (1997 et 1998), dans le contexte de l’après-guerre froide […] comme une puissance structurante
29 Patrick DALLIER et Alain PELLET, Droit international public, Paris, LGDJ, 7ème éd., 2005, p. 1191.
30 Il convient d’indiquer que les mêmes auteurs soutiennent l’idée selon laquelle, en certaines rares hypothèses, l’obligation de parvenir à un accord, peut avoir un fondement conventionnel. Lorsque tel est le cas, on parle alors d’une négociation à caractère bloquée. A titre d’illustration, on peut citer le cas des traités de dévolution prévoyant souvent que le nouvel Etat prendra toutes les dispositions nécessaires lui permettant d’accéder aux conventions internationales le liant avant son accession à l’indépendance.
31 CIJ, Ordonnance du 19 août 1929, affaire des zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex (France c. Suisse), série A-N o 22,
Recueil 1929, p. 13. [En ligne]. https://www.icj-cij.org/…/01_zones_… (Consulté le 18 février 2018). 32William ZARTMAN, La résolution des conflits en Afrique, Paris, L’Harmattan, 1990, pp. 123-133. 33 Evariste MANA MBUMBA, « La coopération décentralisée entre la République d’Angola et la RD Congo. Cas des questions sécuritaires dans les provinces de Cabinda et du Kongo central », in Congo-Afrique, (Février 2018), n° 522, 58e Année, p. 154. 9
du complexe régional de sécurité » en Afrique centrale34, mettant ainsi en œuvre ce que Didier Péclard appelle sa « stratégie d’expansion régionale » 35
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Plus largement, la coopération bilatérale entre les deux Etats fait apparaitre l’Angola comme une pièce maîtresse. Dans ce sens, en vertu de l’accord de coopération du 05 août 1997 portant sur les domaines de la défense et de la sécurité, la RDC, lors de la visite officielle du président Joseph Kabila du 24 au 27 juillet 2007 à Luanda, avait soumis à l’appréciation de l’Angola son plan directeur général relatif à la réforme des Forces armées de la République Démocratique du Congo36
.
Par ailleurs, dans le contexte géopolitique de l’Afrique centrale37, l’Angola semble jouer un rôle de rempart protecteur de la RDC contre les velléités déstabilisatrice et conquérante de ses voisins de l’Est (Rwanda, Ouganda et Burundi)38. Autant rappeler d’ailleurs le rôle décisif jouer par les forces armées angolaises au côté des troupes congolaise, zimbabwéenne et namibienne dans l’arrêt de la progression de la coalition armée de ces Etats agresseurs vers la capitale Kinshasa en 1998 même si39
,
l’intervention de Luanda était, en réalité, d’abord dictée par des raisons de sa propre sécurité intérieure nécessitant la destruction des bases arrières de l’UNITA de Jonas Savimbi établies sur le territoire congolais40. Aussi, convient-il de rappeler également le soutien diplomatique de l’Angola au sein des instances sous-régionales contre les actions de déstabilisation de la RDC entreprises par le Rwanda et l’Ouganda à travers la pseudo rébellion du M23 allant jusqu’à la signature d’un accord tripartite de coopération militaire entre la RDC, l’Angola et l’Afrique du Sud prévoyant notamment la formation des forces de défense et de sécurité congolaises41
.
Dans ce contexte des rapports de force à ce point déséquilibrés, l’espoir d’aboutir à une solution équitable du différend au travers le procédé de la négociation parait chimérique ou, à tout le moins, bien mince. Le résultat d’un tel processus de négociation ne peut qu’être l’expression du diktat de l’Angola.
III. Effet du procédé unilatéral de délimitation de la RDC et l’Accord du 30 juillet 2007
1. Nature juridique de l’Accord L’Accord du 30 juillet 2007 signé entre l’Angola et la RDC stipule à son article 1èr :« Il est crée une zone d’intérêt commun, en sigle (ZIC), entre la République Démocratique du Congo et […] la République d’Angola. La ZIC est située dans la région maritime comprise entre le Nord du bloc 1, le sud du bloc 14, le Nord du bloc 15 et le Nord du bloc 35 des concessions pétrolières angolaises telle que définies en annexe au présent Protocole d’accord. Les parties envisagent également la création d’une ou plusieurs autres zones d’intérêt commun dans l’espace maritime »
42. Nonobstant la non-
34 Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), « Le Congo-Brazzaville et le Rwanda dans la nouvelle géopolitique angolaise entre hégémonie coopérative et équilibre des puissances », in Etude Prospective et Stratégique, Note n°20, 09 juillet 2015, p. 6. [En ligne]. https://www.grip.org/…20Afrique20E… (Consulté le 09 avril 2019).
35 Didier PECLARD, « Les chemins de la ‘‘reconversion autoritaire’’ en Angola », in Politique Africaine, n° 110, juin 2008, p. 14. [En ligne]. https://www.archive-ouverte.unige.ch/…/… (Consulté le 09 avril 2019).
36 Evariste MANA MBUMBA, « La coopération bilatérale entre la République d’Angola et la République Démocratique du Congo : De 1975
à 2013 », in Congo-Afrique, (mars-avril 2014), n°483-484, pp. 190-205.
37 Colette BRAECKMAN, Les nouveaux prédateurs. Politique des grandes puissances en Afrique centrale, Paris, fayard, 2006, p. 154.
38 Cfr. Jean-Paul KOBANDA, Les crimes économiques dans les grands lacs africains. 5 millions de morts pour enrichir : Les
multinationales occidentales, le Rwanda, l’Ouganda et leurs complices congolais, Paris, L’Harmattan, 2006, p.36.
39 Jean-Claude, WILLIAME, L’accord de Lusaka. Chronique d’une négociation internationale, Paris, L’Harmattan, 2002, pp. 135-140.
40 Pour comprendre les réelles motivations de l’intervention des troupes alliées (Angola, Zimbabwe et Namibie) au côté des forces armées de
la RDC lors de la deuxième guerre d’agression de 1998 contre la RDC, lire avec beaucoup d’intérêt Olivier LANOTTE, Op.Cit., pp. 51-52.
41 Philippe LE BILLON, Alex VINES et Assis MALAQUIAS, « Au-delà du pétro-militarisme : La stratégie extérieure angolaise d’après guerre », in Politique Africaine, 2008/2, n° 110, pp. 102-121.
42 Article 1èr du Protocole d’accord de Luanda du 30 juillet 2007 portant création d’une zone d’intérêt commun entre la République
Démocratique du Congo et l’Angola. [En ligne]. http://www.congotribune.com/deps/caps/pétrole (Consulté le 21 mars 2014).
10 référence, dans cet article ou même dans le préambule ou encore dans une quelconque disposition du traité, cet accord trouve fondement dans les articles 74 et 83, qui règlent respectivement la délimitation de la zone économique exclusive et du plateau continental et prévoyant, en termes identiques, en leur paragraphe 3 qu’ « en attendant la conclusion de l’accord visé au paragraphe 1, les Etats concernés, dans un esprit de compréhension et de coopération, font tout leur possible pour conclure des
arrangements provisoires de caractère pratique et pour ne pas compromettre ou entraver pendant cette période de transition la conclusion de l’accord définitif. Les arrangements provisoires sont sans préjudice de la délimitation finale » 43
.
De ce qui précède, cet accord n’a, d’un point de vue juridique, que valeur d’une simple entente plutôt provisoire, conservatoire des droits de deux parties en attente d’un accord définitif portant sur la délimitation de leurs frontières maritimes44. En conséquence, l’usage de l’expression « concessions angolaises » parait inapproprié. L’on ne peut parler, comme le suggère le Professeur Bula-Bula Sayeman, que des « gisements d’hydrocarbures actuellement en exploitation par l’Angola », l’accord n’ayant pour effet d’attribuer une quelconque zone à l’un ou l’autre Etat45
.
2. L’Accord du 30 juillet 2007 entre déséquilibre et violation du droit international La contrariété flagrante précédemment relevée entre les dispositions de l’Accord du 30 juillet 2007 et les articles 74 et 83 sur fondement des quels cet accord a été signé consacre une répartition inégalitaire particulièrement préjudiciable aux intérêts d’extension en mer d’un Etat côtier comme la RDC.
A cet égard, il n’est pas sans intérêt de souligner le caractère déséquilibré des règles de répartition de la zone d’intérêt commun issue de l’Accord du 30 juillet 2007 que tente d’imposer l’Angola lui attribuant les champs pétroliers les plus riches, ceux de N-gage et de Menongwe à l’ouest, réduisant le droit de la RDC en un simple droit de conclusion des contrats de service avec de tiers opérateurs sur le reste de la zone aux ressources plutôt insignifiantes46
. S’agissant du champ pétrolier de N-gage47, il convient d’indiquer que les grandes multinationales d’exploitation pétrolière y détiennent des droits sur base des contrats de partage de production signés avec l’Angola lesquels peuvent connaitre la
répartition suivante : Répartition des parts de l’exploitation du champ de N-GAGE Sociétés pétrolières exploitantes Part de chaque société
CHEVRON 31%
SONANGOL 20%
ENI 20 %
TOTAL 20 %
GALP 9 %
Source : Ministère des hydrocarbures de la République Démocratique du Congo.
43Articles 74 et 83, paragraphe 3 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. [En ligne].
https://www.un.org/…/convention…/unclos_f.pd… (Consulté le 27 mars 2019).
44 La « zone d’intérêt commun » angolo-congolaise rentre dans le cadre des « zones d’exploitation commune » dont l’institution est prévue par la Convention de Montego Bay de 1982. A titre d’exemple, il en existe entre le Sénégal et la Guinée-Bissau, entre l’Angola et la République du Congo, entre le Nigéria et Sao Tomé-et-Principe. 45Sayeman BULA-BULA, « La question de la délimitation maritime entre la RDC et l’Angola » [En ligne].
https://www.un.org/deps/los/legislations (Consulté le 25 mars 2014).
46Southern Africa Resource Watch, Pétrole de la République Démocratique du Congo. Rapport de l’Observatoire de Ressource pour l’Afrique Australe, Kinshasa, novembre 2010.
47Joseph CIHUNDA et alii, Etat des lieux sur les propositions de la société civile à la proposition de loi portant régime générale des hydrocarbures, Kinshasa, éditions CEPAS, 2014, pp. 1-10.
11
Pour l’Angola, prenant prétexte du respect de sa législation et de ne porter atteinte aux droits légalement octroyés aux tiers, la répartition à parts égales prévue par l’Accord du 30 juillet 2007 ne peut porter que sur les 20 % de part réservés à la SONANGOL, société de droit angolais d’exploitation pétrolière 48
.
Toutefois, il convient de noter qu’avec la délimitation unilatérale effectuée par la RDC de ses espaces maritimes sur la côte Atlantique au-travers la loi N° 09/002 du 07 mai 2009 portant délimitation des espaces maritimes de la RDC, l’Accord du 30 juillet 2007 se trouve frappé d’obsolescence du fait qu’il situe, bien aux antipodes des stipulations de cette loi, la zone d’intérêt commun dans le couloir maritime angolais49. Aussi, l’enjeu des négociations actuelles engagées avec l’Angola est-il d’obtenir
le départ des sociétés exploitant les champs pétroliers de cette zone.
C. ALTERNATIVE DU PROCEDE JUDICIAIRE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS : LE PARTI PRIS POUR UN RECOURS DEVANT LA CIJ
Il est vrai que le règlement judiciaire d’un différend de délimitation maritime peut relever également du Tribunal du droit de la mer (TIDM). « une création inutile » dans le paysage institutionnel des juridictions internationales selon Alain Pellet50, le Tribunal de Hambourg ne présente pas les avantages de « ‘‘noble(sse)’’ » et de garanties de mise en œuvre effective des arrêts qu’offre la CIJ51. Ce sont ces garanties qui fondent probablement l’importance de l’activité contentieuse de la Cour de La Haye, y
compris dans une Afrique originairement hostile à la CIJ pour un règlement durable de nombreux conflits frontaliers.
I. Importance de l’activité contentieuse de la Cour dans le règlement des conflits frontaliers en Afrique
Il sied d’indiquer dès l’abord que l’attitude de l’Afrique face à la CIJ a été, à l’origine52, celle d’une réticence à la lisière de l’hostilité tant non seulement les Etats africains considéraient la CIJ comme l’instance de mise en œuvre d’un droit international de nature coloniale conçu par les Etats occidentaux pour servir de soubassement juridique à leurs conquêtes coloniales mais aussi restaient plutôt réfractaires à tout procédé de règlement de différend aboutissant à des décisions obligatoires qu’ils considéraient comme particulièrement attentatoires à leur souveraineté53
.
Toutefois, la nécessité d’un dépassement de nombreuses situations conflictuelles opposant plusieurs Etats africains sur la délimitation de leur frontière va commander un recours plus fréquent à la CIJ. Lié également au besoin d’une consécration internationale des prétentions territoriales des Etats, ce revirement d’attitude a été à la base d’un regain d’intérêt pour le règlement juridictionnel devant la CIJ lequel a pu donner lieu à plusieurs arrêts. A titre d’exemple, on peut citer les cas des arrêts du 3 avril
1985 dans l’affaire du différend frontalier entre le Burkina Faso et le Mali, celui du 11 juin 1998 dans l’affaire de la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria, celui du 10 décembre
48 Selon le rapport de l’Observatoire de Ressource pour l’Afrique Australe (Southern Africa Resource Watch) publié en novembre 2010 sous le titre de « Pétrole de la République Démocratique du Congo », les blocs pétroliers 0, 1, 2, 15, 16, 31, 32 et l’ultra Deep bloc sont en grande partie sur l’espace maritime de la RDC. Paradoxalement, ces blocs sont sous exploitation angolaise, les trois derniers soit les blocs 31, 32 et l’ultra Deep bloc ayant même rapporté à l’Angola, un bonus de négociation de 3.000.000.000 USD. 49 José BAFALA ITUMBALA, L’industrie pétrolière en R.D.C. : Des réseaux d’intérêts croisés pour le profit d’aujourd’hui ou de demain, Kinshasa, PUK, 2ème éd., 2010, pp. 96-101.
50 Alain PELLET, « Le regard du Conseil sur le Tribunal international du droit de la mer », in G., LE FLOCH (dir.), Les 20 ans du Tribunal international du droit de la mer, Paris, Pedone, 2018, p. 384. [En ligne]. https://www.alainpellet.eu/bibliographie/articles/ (Consulté le 11 avril 2019).
51 Idem, p. 389. 52 Pour découvrir, de manière plus méthodique, les grands moments de l’évolution de l’attitude de l’Afrique vis-à-vis de la CIJ, lire Alain PELLET, « Remarques cursives sur les contentieux africains devant la CIJ », in L’Afrique et le droit international : Variations sur l’organisation internationale, Liber Amicorum Raymond Ranjeva, Paris, éd. Pedone, 2013, pp. 277-295. 53 Auguste MAMPUYA KANUNK, Emergence des Etats nouveaux et droit international, Kinshasa, PUK, 1998, pp. 14-25.
12 1985 portant sur une demande de révision et d’interprétation de l’arrêt du 24 février 1982 dans l’affaire du plateau continental entre la Tunisie et la Libye, celui du 12 novembre 1991 dans l’affaire de la frontière maritime entre le Sénégal et la Guinée Bissau ou encore celui portant sur le différendfrontalier ayant opposé ce dernier Etat à la Guinée Conakry, les affaires de la délimitation des frontières entre la Libye et le Tchad, entre le Botswana et la Namibie, entre l’Erythrée et l’Ethiopie, entre le Bénin et le Niger et entre le Gabon et la Guinée équatoriale. Les arrêts du 10 juillet 2002 dans l’affaire des activités armées sur le territoire du Congo entre le Rwanda et la République démocratique du Congo et du 29 novembre 2001 portant sur une demande reconventionnelle de l’Ouganda dans l’affaire des activités armées sur le territoire du Congo entre l’Ouganda et la République démocratique du Congo, sans porter directement sur une question de délimitation frontalière, témoignent, si besoin en est encore, de l’intérêt que les Etats africains manifestent vis-à-vis du règlement judiciaire devant la CIJ54
.
Aujourd’hui encore, alors que la question de la délimitation des frontières africaines semble plus que jamais inscrite en lettre d’or dans l’agenda de l’Union Africaine avec l’adoption le 7 juin 2007, à la première conférence des Ministres des Etats membres en charge des questions de frontières, du « programme-frontières » de l’UA (PFUA) dont l’objectif ultime était d’atteindre le parachèvement de la démarcation et de la délimitation des frontières interafricaines à l’horizon 2017, cet intérêt devrait aller grandissant55
.
Toutefois, la réalisation de cette double opération requiert la mobilisation d’importantes ressources tant financières que scientifiques (historiques, géographiques, géologiques, juridiques etc…) que peinent à trouver les Etats africains56. Même le « programme-frontières » de l’UA se trouve financer par les anciennes puissances tels la RFA, la France, le Royaume-Uni, le Portugal et l’Espagne. Rien de tel ne pourrait faire pencher la pente vers un accroissement plus accru de l’audience de la CIJ en
Afrique et ce, d’autant plus que depuis 1989, pour aider les Etats en développement saisissant la Cour par requête à faire face aux dépenses considérables entrainées par la procédure, le Secrétaire Général de l’ONU a établi un fonds d’affectation spéciale.
II. Garanties juridictionnelles d’équité offerte par la CIJ Aux aspects diversifiés, les garanties juridictionnelles de la CIJ comprennent notamment l’indépendance des juges57. Trait caractéristique du statut des juges de cet organe judiciaire principal
des Nations Unies, la garantie d’indépendance permettant une égalité de traitement des parties au procès prend, dans le cadre du règlement du différend entre la RDC et l’Angola, un relief particulier dans la mesure où elle permet de contourner l’effet du déséquilibre des rapports des forces qui, en cas d’un règlement politique du différend par le recours à la négociation bilatérale, aurait pour résultat l’adoption plus ou moins forcée de la position de la partie la plus dominante ou, à tout le moins, un
accord déséquilibré. Autant rappeler d’ailleurs que l’article 38 du Statut de la CIJ lui fait obligation de
54 Alain Pellet propose un tableau plus détaillé témoignant de l’attraction de la CIJ en Afrique dans une contribution citée précédemment, voir à ce sujet Alain PELLET, « Remarques cursives sur les contentieux africains devant la CIJ »…Op.Cit., pp. 284-285. 55Union Africaine, Unir et intégrer l’Afrique au-travers des frontières pacifiées, ouvertes et prospères. Allocution de l’ambassadeur Ramtane Lamamra, Commissaire à la paix et la sécurité l’UA pendant la célébration de la journée africaine des frontières. Addis-Abeba, 7 juin 2013, p. 5. 56Idem, p. 12.
57 Bien que leur élection soit assurée par un vote simultané de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité à la majorité absolue, les juges de la CIJ ne sont pas des agents gouvernementaux. Pour assurer leur indépendance, ils sont présentés non pas par des gouvernements mais par différents groupes nationaux de la CPA sur base d’une consultation préalable d’un certain nombre d’instances telles les cours et tribunaux nationaux et les facultés de droit. 13 ne statuer qu’en application du droit international, l’exigence de compétence notoire constituant alors un élément déterminant pour la mise en œuvre effective de cette disposition statutaire58
.
En outre, au plan des pouvoirs reconnus à la CIJ, la possibilité lui reconnu de fixer des mesures conservatoires par voie d’ordonnance, au besoin même d’office en cas d’extrême urgence constitue aussi une importante garantie dans la protection des intérêts des parties en cause. D’une formulation peu heureuse, l’article 41 prévoyant la possibilité de prise des mesures conservatoires se contente d’affirmer simplement que « la Cour a le pouvoir d’indiquer, si elle estime que les circonstances l’exigent, quelles mesures conservatoires du droit de chacun doivent être prises à titre provisoire »
59
.
D’où, la question de l’autorité de ces mesures par rapport aux parties. Répondant à cette question, la CIJ a affirmé, dans son arrêt du 27 juin 2001 dans l’affaire LaGrand qui opposait l’Allemagne aux Etats-Unis « que le pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires emporte le caractère obligatoire desdites mesures, dans la mesure où le pouvoir en question est fondé sur la
nécessité, lorsque les circonstances l’exigent, de sauvegarder les droits des parties, tels que déterminés par la Cour dans son arrêt définitif, et d’éviter qu’il y soit porté préjudice »
60
.
De ce qui précède, l’opportunité de telles mesures se juge à l’aune de l’imminence d’un préjudice irréparable et risquant d’aggraver le différend. Dans le cas du différend opposant la RDC à l’Angola, l’intérêt de la fixation des mesures conservatoires est évident pour la RDC dans la mesure où l’enjeux des tractations en cours avec l’Angola consiste à négocier le départ des sociétés exploitant, sur base des contrats de partage de production signés avec l’Angola, des blocs pétroliers (les blocs 14 et 15)
se situant dans le couloir maritime congolais lui permettant ainsi de faire des bénéfices plantureux tranchant radicalement avec la production de misère de la RDC se chiffrant à seulement 25000 barils par jour61. Le recours à la CIJ permet donc de mettre provisoirement fin, en entente d’une décision définitive, au pillage des ressources pétrolières de la RDC par l’Angola, la conditionnalité de l’imminence d’un préjudice irréparable et risquant d’aggraver le conflit étant réalisée dans la mesure
où l’Angola exploite à son profit une ressource fossile qui est épuisable. Ainsi, la RDC devrait-elle obtenir judiciairement ce qu’elle peine à obtenir depuis des années par la voie d’une démarche bilatérale déjà faussée par un déséquilibre des rapports des forces qui lui est très défavorable. Par ailleurs, institutions héritées des origines arbitrales de la justice internationale, l’institution des juges ad hoc et des chambres ad hoc permettant respectivement à tout Etat de voir son approche du problème être directement prise en compte et, d’une certaine manière, défendue par l’un des membres de l’organe du jugement et aux parties d’influer sur la composition de ce dernier, sont de nature à rassurer les deux parties62
.
En fin, à cette liste des garanties juridictionnelles, il est tout à fait indiqué de noter la force obligatoire attachée aux arrêts de la CIJ aux termes de l’article 59 de son Statut donnant aux parties non seulement la possibilité d’obtenir des solutions juridiques à leur différend mais aussi d’obtenir l’application de leur dispositif. En pratique, le constat qui s’impose est que dans la quasi-totalité des cas, les arrêts de la Cour sont effectivement mis en application par les parties. Seuls les arrêts de 1949 rendu dans l’affaire du détroit de Corfou, celui de 1980 rendu dans l’affaire du personnel diplomatique des Etats-
58 Article 38 du Statut de la Cour International de Justice. [En ligne]. https://www.un.org/fr/…/icjstatute/pdf/icjstatute… (Consulté le 10 avril
2019).
59 Article 41 du Statut de la Cour International de Justice. [En ligne]. https://www.un.org/fr/…/icjstatute/pdf/icjstatute… (Consulté le 10 avril
2019).
60 CIJ, arrêt du 27 juin 2001, affaire LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), Recueil 2001, par. 102, p. 41. [En ligne].
Https://www.icj-cij.org/fr/affaire/104. (Consulté le 10 avril 2019).
61 José BAFALA ITUMBALA, Op.Cit., p. 45.
62 Article 26, §2 du Statut de la Cour International de Justice. [En ligne]. https://www.un.org/fr/…/icjstatute/pdf/icjstatute… (Consulté le 10
avril 2019).
14
Unis à Téhéran et celui de 1986 sur les responsabilités des Etats-Unis dans les activités militaires contre le Nicaragua servent jusqu’ici d’uniques cas où les dispositifs des arrêts de la CIJ n’ont pas connu d’application63
.
Cette inclinaison des Etats à respecter les arrêts de la Cour est probablement liée au prestige dont elle jouit en tant qu’organe judiciaire principal des Nations Unies (article 92 de la Charte de l’ONU)64
.
Dans ce contexte, le renforcement juridique du caractère obligatoire des arrêts de la CIJ opéré par l’article 94 paragraphe 2 de la Charte des Nations Unies disposant que « le Conseil de Sécurité, s’il le juge nécessaire, peut faire des recommandations ou décider des mesures à prendre pour faire exécuter l’arrêt » n’a jamais connu la moindre application65
.
Si cet article est parfois présenté comme le soubassement d’un mécanisme d’exécution forcée en droit
international, il faut bien reconnaitre avec Alain Pellet que cette « garantie est fort illusoire »
66
.
D’ailleurs, « elle n’a guère été invoquée et, lorsqu’elle l’a été, cela n’a pas abouti »
67
. Ceci vaut tout de même mieux que l’instabilité des accords politiques relatifs au règlement des conflits frontaliers en Afrique parfois remise en cause sous l’effet des pesanteurs politiques nationaux notamment le changement de régime politique comme le démontre plusieurs études menées sur les conflits des frontières en Afrique notamment par le politologue Boutros-Boutros Ghali 68
.
63 Patrick DALLIER et Alain PELLET, Op.Cit., p. 1195.
64 Article 92 de la Charte des Nations Unies. [En ligne]. https://www.unesco.org/…/pdf/CHART_F.PDF. (Consulté le 10 avril 2019).
65 Article 94, §2 de la Charte des Nations Unies. [En ligne]. https://www.unesco.org/…/pdf/CHART_F.PDF. (Consulté le 10 avril 2019).
66 Alain PELLET, « Le regard du Conseil sur le Tribunal international du droit de la mer »… Op.Cit., p. 389.
67 Ibid., p. 389.
68 Article 59 du Statut de la Cour Internationale de Justice. [En ligne]. https://www.un.org/fr/…/icjstatute/pdf/icjstatute… (Consulté le 10 avril
2019).
15
CONCLUSION
Le retour historique, modeste soit-il, opéré dans ces quelques lignes nous a permis de déceler les incidences des accords de délimitation des frontières intervenus entre d’une part l’EIC et d’autre part certaines puissances coloniales (Portugal et France) sur le différend de délimitation des frontières maritimes opposant la RDC à l’Angola. Aux accents plutôt néfastes aux intérêts d’extension en mer de la RDC en raison de son effet de rétrécissement sur sa côte sur le flan atlantique à 40 km alors qu’à
l’opposé, la côte angolaise représente plus de 2000 km, leurs effets sur la configuration de la côte congolaise se trouve amoindri par un droit international fortement emprunt de l’idée d’équité permettant de pallier cette infortune de l’histoire en reconnaissant à tout Etat côtier, fut-ce t-il de la catégorie des Etats géographiquement désavantagés comme la RDC, un droit d’extension de sa
juridiction en mer.
Toutefois, cette brèche heureuse ouverte par le droit international ne peut être bénéfique à la RDC, Etat géographiquement désavantagé, qu’à la condition d’un choix judicieux du mode de règlement du différend. Aussi, pour contourner l’effet du déséquilibre des rapports de force entre les deux protagonistes, proposons-nous un règlement judiciaire de ce différend en profitant du prestige de la CIJ.
Enfin, il sied d’indiquer que l’obtention, par la RDC, d’un arrêt favorable à son approche juridique de ce problème de délimitation maritime avec l’Angola devrait consacrer une reconnaissance internationale de son titre territorial en mer. Dès lors, l’insécurité juridique qui s’en suivrait pour des sociétés pétrolières exploitant des champs pétroliers situés dans l’espace maritime congolais mais faisant jusqu’ici l’objet d’une occupation de fait par l’Angola chercheront, pour sécuriser leurs investissements, à contracter avec la RDC. Ainsi, la RDC se renforcera du soutien des Etats dont ces sociétés détiennent la nationalité, des grandes puissances occidentales qui, dans le cadre du capitalisme marchand, ont toujours cherché à créer des conditions propices pour assurer la prospérité de leurs entreprises partout dans le monde. De ce point de vu, le règlement judiciaire devant la CIJ est
susceptible de permettre un rééquilibre des rapports de force favorable à la prise en compte des intérêts de la RDC.
KAMBALE ISEMUGHOLE Darwin Doctorant en droit à l’Université de Kinshasa Chercheur en droit international Avocat à la Cour Ancien de l’Ecole Nationale d’Administration de la RDC (ENA/RDC) 16
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À la Une
Guerre du M23/Rwanda : Des milliers de personnes fuient les combats en direction de Goma et au-delà
Les violents affrontements autour de la localité de Sake, dans l’est de la RDC, qui opposent l’armée congolaise, appuyée par ses alliés locaux, et le M23, soutenu par le Rwanda, poussent des milliers d’habitants de la région à fuir les combats. Si la plupart vont chercher refuge à Goma, le chef-lieu de la province du Nord-Kivu situé à seulement une vingtaine de kilomètres de là, d’autres préfèrent aller au-delà et franchir la frontière avec le Rwanda. Reportage.
À Goma, en RDC, l’angoisse est palpable sur la route principale qui relie les quartiers de Ndosho et de Katindo. Des colonnes de déplacés circulent à pied, à moto ou en bus en direction du chef-lieu de la province du Nord-Kivu. Désespérées, Alice et Kanyere racontent leur calvaire. « Il y a de nombreuses détonations et des avions qui bombardent là d’où nous venons. Il y a aussi beaucoup de militaires sur la route. Tout le monde s’enfuit ! », confie la première. « Beaucoup de bombes explosent et les balles sifflent. Nous avons dû quitter les huttes de notre camp, témoigne la seconde, dépitée, avant de poursuivre : je n’ai pas de famille à Goma. Il faut que le gouvernement termine la guerre ! »
Âgé d’une trentaine d’années, Haguma Banga marche, lui, avec un matelas sur la tête. Après avoir fui Sake, il est toujours sans nouvelle de sa famille. « Je ne sais pas où sont ma femme et mes cinq enfants. Ce serait un miracle de les retrouver », se désole-t-il.
A l’hôpital CBCA Ndosho, le personnel soignant s’active pour recevoir les blessés qui affluent également en masse, comme Mariam Kashindi, 22 ans, qui a quitté Sake en urgence après avoir reçu un éclat d’obus dans le bras. « Nous avions commencé à fuir, nous étions devant le marché de Mubambiro quand ma fille a été touchée par une bombe dont les éclats m’ont atteint, raconte-t-elle avant de poursuivre : nous fuyons le M23. J’ai trois enfants. L’un a été blessé, quant à l’autre, je ne sais pas où il est ».
« Nous étions un groupe de femmes, plusieurs sont mortes sur le coup »
Un peu plus loin, Neema Jeannette pleure allongée sur un lit. Elle a été touchée par une explosion alors qu’elle se trouvait avec un groupe d’amies. « Une bombe est tombée sur nous. Nous étions un groupe de femmes, plusieurs sont mortes sur le coup. Moi, je suis la seule survivante. Je remercie le CICR de m’avoir prise en charge à l’hôpital », sanglote-t-elle.
Cheffe de la sous-délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Nord-Kivu, Miriam Favier explique que l’établissement a été contraint d’activer ses quatre blocs opératoires en raison de l’afflux de blessés. « Depuis ce matin, plus de 70 patients sont déjà arrivés et ce n’est pas fini. C’est assez inquiétant », déplore-t-elle.
Si, à Goma, les autorités militaires comme la société civile appellent au calme, des écoles et plusieurs boutiques ont toutefois fermé leurs portes, tout comme l’Institut français, qui a décidé de suspendre temporairement ses activités. Les billets de tous les spectacles annulés seront intégralement remboursés, explique la structure dans un communiqué.
« Même ici, on vient d’entendre un obus tomber »
Anticipant une nouvelle dégradation de la situation sécuritaire, certains habitants ont, quant à eux, décidé de prendre les devants et sont passés au Rwanda voisin, où ils ont trouvé refuge dans la ville frontalière de Rubavu pour la plupart. « Mon mari habite ici, il m’a dit de le rejoindre pour fuir la panique qui s’empare de la ville de Goma », déclare ainsi Amina, une valise à la main et accompagnée de ses deux enfants.
Innocent, lui, a trouvé une chambre dans un hôtel. « Il y avait foule au niveau de la douane, c’était plein à craquer, rapporte-t-il. Alors, quand on a des enfants en bas âge, on ne va pas attendre la dernière minute pour partir, car on ne sait pas vraiment ce qu’il va se passer, on n’est pas sur la ligne de front. Même ici, on vient d’entendre un obus tomber, alors imaginez : quand on est à Goma, c’est comme si l’explosion avait lieu dans la parcelle d’à côté. Voilà pourquoi on a décidé de partir » poursuit celui-ci.
Comme beaucoup d’autres habitants du chef-lieu du Nord-Kivu, Innocent prévoit de rester à Rubavu, le temps de voir comment évolue la situation, avec l’espoir de pouvoir rentrer chez lui le plus rapidement possible.
RFI
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