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RDC : Le pays où l’urbanisme n’existe pas !( Tribune d’Achil Mathe, Architecte)

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Les dernières pluies tombées dans la ville de Kinshasa à la fin du mois de Novembre ont une fois de plus occasionné des inondations et des dégâts matériels importants à travers plusieurs communes de la capitale. Le dégât le plus impressionnant est celui de l’avenue de l’Université dans la Commune de Lemba, où une érosion a emporté la route et des habitations, causant ainsi plusieurs morts. Dans la Commune de Limete par contre, précisément au quartier Kingabwa, depuis le début du mois de Décembre 2019, ce sont des inondations dues au débordement du Fleuve Congo qui obligent plusieurs familles à abandonner leurs domiciles et dormir à la belle étoile.

A l’Est du pays, la Ville de Bukavu connait régulièrement des épisodes dramatiques à cause des
éboulements et glissements des terrains suite aux pluies diluviennes. La dernière en date s’est produite dans la nuit du 11 au 12 décembre 2019, où selon le bilan donné par la société civile locale, 9 personnes ont perdu la vie dans des glissements des terrains qui ont englouti plusieurs maisons.
Comme déjà évoqué dans l’une de nos précédentes tribunes (Aménagement, Voirie et Drainage à
Kinshasa, un fiasco ! A qui la faute?
https://congoprofond.net/tribune-amenagement-voirie-et-drainage-a-
kinshasa-un-fiasco-a-qui-la-faute-par-achil-mathe-architecte/), les phénomènes d’inondations sont devenus récurrents à Kinshasa et en Provinces. Et avec le dérèglement climatique que connait actuellement la planète, le rythme de ces pluies diluviennes va s’accentuer et celles-ci causeront des dégâts encore plus
spectaculaires si des mesures sérieuses et courageuses ne sont pas prises par les autorités.

Du courage, il en faut, car l’une des mesures à prendre est tout simplement d’évacuer ou démolir toutes les constructions anarchiques qui ont été érigées sur des sites inappropriés.

La construction des maisons sur
ces sites « non ædificandi », c’est à dire ne pouvant recevoir un édifice, est la conséquence de l’absence d’une politique adéquate de logement et d’un manque de culture urbanistique de nos autorités gouvernementales. L’absence d’une politique de planification urbaine est la cause principale de toutes ces
catastrophes qui pouvaient être évitées. La dernière Cité planifiée d’envergure construite à Kinshasa est la Cité Maman Mobutu, construite en 1988, composée de 674 villas. 30 ans plus tard, alors que la population Kinoise a quasiment quadruplé, tous les gouvernements successifs n’ont jamais réussi à mettre en place une réelle politique de logement afin de garantir aux populations des logements décents dans un
environnement assaini.

Le Ministère de l’Urbanisme et Habitat qui a la mission d’assurer la planification des Villes, se contente du business des loyers des immeubles de l’Etat et de la taxe de bâtisse générée par l’octroi complaisant des
Autorisations de Bâtir. Ce Ministère, créé en 1988, n’a jamais joué véritablement son rôle. Cette situation se justifie par le peu d’intérêt et d’importance que les autorités politiques accordent à ce dernier. Pourtant, la problématique de logement décent est parmi les préoccupations majeures des Congolais après la Sécurité et la Santé.

Selon le « rapport National Habitat III » publié en 2015 par l’ONU HABITAT (http://habitat3.org/wp-
content/uploads/RD-Congo-Habitat-III_FINAL_OCT-015-Final_19.11.15.pdf), les Villes congolaises sont confrontées à un déficit criant en logement dont les besoins s’estimaient à 3 millions de logements par an pour l’ensemble du pays entre 2001 et 2015. Ce chiffre incroyable qui donne le tournis ne semble guère
préoccuper les dirigeants politiques de notre pays. Les prévisions budgétaires des dépenses du Ministère de
l’Urbanisme et Habitat en 2020 s’élèvent à 76.432.191.842 FC (environ 44 millions USD) et ne représente que 0,49% du budget global, une goutte d’eau dans l’océan ! Nous estimons que l’épineux problème de
logement devrait figurer parmi les priorités du gouvernement. Des actions courageuses et planifiées doivent être orientées dans la recherche des solutions pour y remédier.

Par ailleurs, les animateurs de ce Ministère constituent également un sujet de préoccupation sur le quelle il est nécessaire de s’appesantir. La plupart des responsables qui se sont succédé à la tête de ce Ministère
n’ont que des notions très limitées sur l’Urbanisme et n’ont jamais pris la mesure de son importance. Depuis
sa création, aucun professionnel du domaine de l’Urbanisme n’a été nommé à la tête de ce Ministère. S’il est logique de placer un médecin au Ministère de la Santé Publique, ou encore des Economistes aux Budget et Finances, il est tout aussi souhaitable que le Ministère de l’Urbanisme et Habitat, un secteur aussi important au vu des enjeux et des problèmes structurels de nos Villes, soit confié à des spécialistes qui maitrisent les enjeux de la planification urbaine dont ils ont la compétence et les connaissances techniques.

Ayons donc le courage de le dire : « Le Ministère de l’Urbanisme et Habitat doit être confié aux
professionnels de la planification urbaine, notamment les Urbanistes et/ou les Architectes ». Il en est de même en ce qui concerne le Ministère des Infrastructures etTravaux-Publics qui doit logiquement être
confié aux professionnels du secteur des BTP. Il est temps que cette situation change. D’éminents
Urbanistes, Architectes et Ingénieurs civils existent et disposent d’aptitudes et compétences indéniables.
L’Urbanisme est une discipline complexe, que l’on définit comme un ensemble des sciences, des techniques et des arts relatifs à l’organisation et à l’aménagement des espaces urbains, en vue d’assurer le bien-être des populations et d’améliorer les rapports sociaux en préservant l’environnement. C’est donc une discipline primordiale dans la création des Villes. La planification urbaine est une composante importante de
l’Urbanisme, car elle a pour but de coordonner le développement et la création des Villes, dans le respect du cadre de vie des habitants actuels et futurs. Le but est de trouver l’équilibre nécessaire entre population et équipements (espaces publics, espaces verts, réseaux d’eau potable et d’assainissement, éclairage public, électricité, réseaux de communication,…). En bref, l’Urbanisme permet de manière prospective de garantir
un cadre de vie meilleure aux populations en Ville.

L’extension permanente et incontrôlée des Villes par des constructions anarchiques sommaires, précaires et
qui progressent au rythme de la croissance démographique n’est que la conséquence d’un manque de planification urbaine en RDC. Ces extensions spontanées sont favorisées par les services du Cadastre et par des Chefs Coutumiers qui se sont substitués en service d’Urbanisme en procédant aux morcellements
et en élaborant des plans de lotissement qui ne respectent aucune norme urbanistique. Depuis plusieurs années, ce laisser-aller toléré par nos Autorités gouvernementales a fini par produire des bidonvilles où règnent une précarité et une promiscuité urbaine indescriptible et dangereuse.

Comble de l’ironie, le mardi 17 décembre 2019, les Chefs Coutumiers ont été reçus en audience officielle par le Ministre de l’Urbanisme et Habitat, Pius Muabilu. Au cours de cette audience, ils ont promis, pince-sans-rire, de mettre fin aux catastrophes naturelles, notamment les érosions, provoquées par les dernières pluies diluviennes sur la ville de Kinshasa et à l’intérieur du pays. D’après le représentant de ces Chefs traditionnelles, Emmanuel Lembalemba, ils vont communiquer avec la nature pour la conjurer : « La nature c’est nous, a-t-il dit, elle nous écoute, nous allons mettre fin à ces catastrophes » ! Et le Ministre les a remerciés pour cette initiative. Voilà où nous en sommes encore en plein 21ème siècle !

Bien que plusieurs documents de planification urbaine aient été produits, notamment le dernier pour la Ville de Kinshasa dénommé SOSAK (Schéma d’Orientation Stratégique de l’Agglomération de Kinshasa), financé par l’Agence Française de Développement en 2014 pour le compte de l’Hôtel de Ville de Kinshasa, il faut reconnaître qu’ils ont toujours été en retard par rapport aux réalités sur le terrain. Ce dernier document est
allé probablement accroitre le nombre des études et travaux de planifications urbaines antérieures, classés
sans suite dans les archives poussiéreuses del’Administration Publique.
Dans le récent Rapport National Habitat III, tous les enjeux, contraintes et défis liés à la planification urbaine
en République Démocratique du Congo ont été mis en exergue et analysés avec objectivité, appuyés par des données recueillies sur terrain. Ces éléments ont été mis à la disposition des Autorités
Gouvernementales. La suite est connue, classé une fois de plus sans suite dans les archives !
Sans volonté politique, toutes les initiatives, tous les plans d’actions, tous les schémas directeurs sont voués
à l’échec. Les hommes politiques doivent comprendre que toutes les actions urgentes entreprises sans y associer les professionnels et sans tenir compte de leurs avis seront voués à l’échec. Les fonds publics éjectés dans ces projets seront perdus inutilement.
La principale ville de la RDC, Kinshasa, est devenue invivable, reléguée au classement MERCER à la 42ème place sur 45 villes africaines et à la 228 ème sur 230 au niveau mondial selon la qualité de vie en 2019
(https://www.mercer.fr/newsroom/classement-2019-mercer-qualite-de-vie.html). Ce classement est établi sur
base de plusieurs critères notamment, les infrastructures publiques, les logements, l’environnement, le transport, etc. Si rien n’est fait, Kinshasa est voué à disparaitre, tout comme Kananga, Mbuji-Mayi et
Bukavu. Ces villes sont cernées par des érosions, avec une urbanisation chaotique et ne disposant que detrès peu ou quasiment pas d’infrastructures routières et d’assainissements. La démographie croissante suite
à l’exode rural pousse les nouveaux arrivants à occuper anarchiquement les terres disponibles sous le
regard impuissant des autorités urbaines.

Le Gouvernement devrait dès lors encourager les initiatives privées afin de booster les investissements dans le secteur de l’immobilier. La mise en place d’une banque de l’habitat est une nécessité impérieuse pour faciliter le financement des projets immobiliers d’envergures. En Septembre 2016, l’idée de la création d’une institution financière dédiée aux financements de l’habitat avait été évoquée lors de la première édition
du salon de construction dénommée « Expo-Béton 2016 ». Des membres du gouvernement, le gouverneur de la Banque centrale, le Directeur des opérations de la Banque mondiale ainsi que les responsables des banques commerciales locales et des certaines entreprises publiques avaient pris part à une mâtinée de réflexion organisée à ce sujet le 4 Mars 2017. Tous les participants à cette rencontre avaient reconnu l’importance et l’urgence de la mise en place de cette institution financière. Le Gouverneur de la Banque centrale avait recommandé la production d’une feuille de route ad hoc assorti d’un chronogramme
subséquent. Mais depuis lors, aucune action concrète n’a vu le jour.Nous invitons le Gouvernement à prendre ses responsabilités et à tirer les conséquences des drames et situations désastreuses que connaissent les grandes villes de la RDC suite à l’absence d’une planification urbaine sérieuse. Il convient de doter aux Ministères de l’Urbanisme et Habitat, des Infrastructures et Travaux-Publics, ainsi que celui de l’Aménagement du Territoire, des budgets conséquents, nécessaires à la résolution des problèmes liés aux logements et aux infrastructures d’assainissement.

Enfin, nous recommandons que le choix des animateurs de ces Ministères soit orienté vers les
professionnels des métiers concernés car il s’agit des domaines techniques spéciaux, qui exigent une certaine connaissance des notions fondamentales ainsi qu’une maitrise des normes de base qui régissent ces secteurs.

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La chute tragique d’un populiste enivré par l’illusion du pouvoir

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Constant Mutamba Tungunga, l’ancien ministre de la Justice de la RD Congo, incarne à merveille la parabole de l’hubris puni. Cet homme, qui se présentait comme le redresseur des torts, le pourfendeur des corrompus et le défenseur des « veufs et orphelins », se retrouve aujourd’hui devant les tribunaux, accusé de détournement de fonds publics.

Ironie du sort, celui qui promettait de « nettoyer » la justice congolaise est désormais son justiciable. Sa carrière politique, marquée par des postures grandiloquentes et des déclarations incendiaires, ressemble désormais à une farce tragique. Constant Mutamba était un maître dans l’art du spectacle politique et de l’arrogance, se croyant invincible. Il découvre que le pouvoir est une illusion.

Il avait fait de la lutte contre l’homosexualité un cheval de bataille pour « protéger les valeurs congolaises », se retrouve aujourd’hui à devoir justifier pourquoi 19 millions de dollars destinés à la construction d’une prison à Kisangani ont mystérieusement disparu. Arrivé au ministère de la Justice en mai 2024, il avait fait sensation en se présentant au travail avec un chien muselé en laisse.

Pour lui, c’était un symbole de sa prétendue détermination à « mordre » les corrompus. Les médias avaient salué son audace, certains le comparant même à Eliot Ness, le célèbre chasseur de mafieux américain. Mais derrière cette mise en scène se cachait une réalité bien moins glorieuse. Aujourd’hui, le voilà confronté à une justice qu’il pensait pouvoir manipuler.

Son mandat a été émaillé de déclarations incendiaires, notamment des menaces contre le Rwanda et des propos homophobes qui ont exacerbé les tensions diplomatiques et sociales . Pire encore, son projet de loi visant à criminaliser l’homosexualité, présenté comme un combat pour la « souveraineté culturelle », était en réalité une manœuvre populiste pour galvaniser une base conservatrice.

Le 17 juin 2025, il a été contraint de démissionner après que l’Assemblée nationale a levé son immunité parlementaire, ouvrant la voie à son procès. Le procès de Constant Mutamba est bien plus qu’une simple affaire judiciaire : c’est un test pour la crédibilité des institutions congolaises. Il a tenté de jouer la carte politique en accusant le procureur général Firmin Mvonde Mambu de partialité.

L’accusation contre Constant Mutamba est lourde : négligence dans le contrôle d’un contrat de 39 millions de dollars attribué à une entreprise fantôme, Zion Construction, dont personne ne semble pouvoir localiser les chantiers. Sa stratégie de défense qui a échoué, montre que même un ministre de la Justice ne peut échapper aux conséquences de ses actes quand la pression publique devient trop forte.

Il croyait être intouchable. Il avait construit son image sur un mélange de provocation, de rhétorique anti-élite et de promesses fracassantes. Mais comme tant d’autres avant lui, il a découvert que le pouvoir n’est qu’une illusion dès que les comptes doivent être rendus. Son cas rappelle une vérité universelle : ceux qui utilisent la justice comme un instrument de pouvoir finissent souvent par en devenir les victimes.

Aujourd’hui, Constant Mutamba n’a plus son populisme pour le protéger. Il n’a plus son arrogance pour intimider. Il n’a plus que la froide réalité d’un tribunal et le regard d’un peuple qui attend des comptes.
Quand on joue avec le feu de la corruption et du populisme, on finit toujours par se brûler. La justice finit toujours par rattraper ceux qui croient pouvoir la contourner.

TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR

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