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RDC : Kibali dépasse ses prévisions et affiche une autre année de record

La mine Kibali de Barrick Gold Corporation dépasse largement ses prévisions de production de 750 000 onces d’or pour 2019, produisant 814 027 onces au cours d’une autre année record.
Le président et directeur général de Barrick, Mark Bristow, a déclaré lors d’un point de presse que la performance exceptionnelle et continue de Kibali démontre clairement comment une mine d’or moderne de niveau 1 pouvait être développée et exploitée avec succès dans l’une des régions les plus reculées et les moins dotées en infrastructures au monde. Il a également noté que, conformément à la politique de Barrick d’employer, de former et de promouvoir la population locale, la mine est gérée par une équipe majoritairement congolaise, soutenue par un corps de superviseurs et de personnel majoritairement congolais.
Déjà l’une des mines d’or souterraines les plus automatisées au monde, Kibali poursuit son avancée technologique avec l’introduction des simulateurs de formation de forage et transport et l’intégration de systèmes de suivi de la sureté du personnel et du contrôle de la demande de ventilation. Les simulateurs seront également utilisés pour former les opérateurs des mines tanzaniennes de Barrick.
“La réalisation de l’étude de préfaisabilité de Kalimva Ikamva a donné naissance à un autre projet viable de mine à ciel ouvert qui contribuera à équilibrer le ratio d’alimentation des minerais entre mines à ciel ouvert et souterraine de Kibali et à améliorer l’extensibilité du plan de la mine. Le forage d’extension en profondeur à Gorumbwa a mis en évidence le potentiel souterrain futur et le forage de conversion en cours à la KCD permet de reconstituer les réserves. Dans l’ensemble, Kibali est en bonne voie non seulement pour atteindre ses objectifs de production sur dix ans, mais aussi pour les étendre au-delà de cette échéance,” a déclaré M. Bristow.
“Nous continuons à nous focaliser sur l’optimisation de la stabilisation de notre réseau électrique avec l’intégration de notre projet de stabilisateur de réseau, dont la mise en service est prévue pour le deuxième trimestre de 2020. Ce projet utilise une nouvelle technologie de batterie pour compenser la nécessité d’utilisation des générateurs diesel comme compensateur de puissance tournante, et garantira que nous maximisions l’utilisation de l’énergie hydraulique renouvelable. L’installation de trois nouvelles unités de chauffage diesel lors des élutions contribuera également à améliorer l’efficacité et à contrôler les coûts de l’électricité. Il convient de noter que notre stratégie en matière d’énergie propre permet non seulement d’obtenir des avantages en termes de coûts et d’efficacité, mais aussi de réduire une fois de plus l’empreinte écologique de Kibali.”
M. Bristow a déclaré que malgré le rythme de production, la taille et la complexité de la mine, Kibali maintenait ses solides performances en matière de sécurité au travail et d’environnement, certifiées par les accréditations ISO 45001 et ISO 14001. La mine demeure également engagée à l’amélioration des conditions de vie de la communauté et au développement économique local.
En 2019, elle a dépensé 158 millions de dollars auprès d’entrepreneurs et fournisseurs congolais et, en décembre, elle a commencé à travailler sur un tronçon d’essai pour une nouvelle route en béton entre Durba et le pont de Watsa.
Tchèques Bukasa/CONGOPROFOND.NET
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Valentin Yves Mudimbe s’en est allé, mais sa parole demeure : l’Afrique orpheline d’un géant de la pensée

Ce jour, la République Démocratique du Congo, l’Afrique et le monde intellectuel viennent de perdre un monument. Valentin Yves Mudimbe, philosophe, écrivain et penseur hors pair, s’est éteint aux États-Unis, laissant derrière lui une œuvre aussi dense que subversive, une parole aussi lucide qu’indomptable.
Né en 1941 à Jadotville (actuelle Likasi), en RDC, Valentin Yves Mudimbe fut l’un des intellectuels africains les plus influents du XXᵉ et du XXIᵉ siècle. Professeur émérite à l’Université Duke, anthropologue, linguiste et romancier, il a marqué les sciences humaines par sa critique radicale des épistémologies coloniales et sa déconstruction des discours dominants sur l’Afrique.
Son œuvre majeure, The Invention of Africa (1988), reste un texte fondateur des études postcoloniales. Mudimbe y démontre comment l’Afrique a été « inventée » par le regard occidental, à travers des catégories de savoir qui ont nié ses propres logiques de pensée. Pour lui, « l’Afrique n’existe pas en dehors des représentations qui la constituent », une thèse qui a révolutionné la manière d’appréhender le continent.
Yves Mudimbe n’était pas seulement un théoricien : c’était un penseur du soupçon, toujours en éveil face aux illusions des idéologies, qu’elles soient coloniales, nationalistes ou néolibérales. Dans L’Odeur du père (1982), il explore les contradictions des élites africaines post-indépendances, dénonçant leur aliénation mimétique. Son roman Entre les eaux (1973) questionne la tension entre engagement politique et spiritualité.
Il a révélé sa propre trajectoire de prêtre jésuite devenu philosophe laïc. Ses travaux sur Foucault, Derrida et les structuralistes européens en font un passeur exceptionnel entre les traditions intellectuelles africaines et occidentales. Pourtant, il refusait toute étiquette : « Je ne suis ni un afrocentriste, ni un occidentaliste. Je suis un penseur de la fracture, de l’entre-deux », disait-il.
Aujourd’hui, alors que l’Afrique est confrontée à de nouveaux défis – néocolonialismes économiques, crises démocratiques, guerres d’influence –, la pensée de Mudimbe reste d’une brûlante actualité. Son questionnement sur « les conditions de production du savoir africain » invite à repenser l’université, la recherche et les médias du continent. Il laisse derrière lui des disciples à travers le monde. Des chercheurs qui continuent de déconstruire les récits hégémoniques.
« Mudimbe nous a appris à douter, à interroger nos propres certitudes ». La RDC en deuil mais l’Afrique en héritage, conclut le polymathe, cet autre géant de la pensée post-coloniale. Le Congo pleure l’un de ses plus grands fils, mais son héritage est impérissable. Dans un pays souvent meurtri par l’amnésie historique, Yves Mudimbe rappelait que « la mémoire est un acte de résistance ».
Alors que les hommages affluent du monde entier – de Paris à Johannesburg, de Dakar à New York –, une certitude s’impose : Yves Mudimbe est mort, mais sa parole, elle, ne mourra jamais. « Les mots ne sont pas innocents. Ils portent en eux la violence de l’histoire. » — Valentin Yves Mudimbe
TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR