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RDC: Des femmes obtiennent difficilement justice lors des procès de divorce

En République Démocratique du Congo, plusieurs femmes ont peur de réclamer le divorce à leurs maris. Même si leur union est devenue insupportable et toxique dans leur vie. Les coutumes locales et le manque de connaissance de la loi en sont les principales causes.
Jeanne ( nom d’emprunt), 49 ans, fait partie de ces nombreuses femmes qui ont été déçues par la justice en instance de divorce en République démocratique du Congo. En mai dernier, après une période de conciliation d’un mois et une confrontation de deux semaines au tribunal qui n’ont abouti à rien, le juge du tribunal de paix de Ngaliema propose un arrangement à l’amiable au couple car, selon lui, Jeanne n’avait pas droit aux biens.
“ Tous les biens sont enregistrés au nom des enfants. Jeanne n’aura droit à rien, même pas la garde de ses propres enfants”, explique maître Alexandra Muleka, son avocate.
Pendant leurs 20 ans de mariage, Jeanne affirme pourtant avoir enduré la violence et l’infidélité. Mais, affirme-t-elle, la décision du juge sans procès ni jugement, l’a privé de tout. c’est ainsi qu’elle a refusé d’aller jusqu’au bout de l’affaire.
Mélanie ( Un autre nom d’emprunt), 33 ans, a aussi été découragée par un magistrat pendant qu’elle voulait entamer la procédure de divorce, il y a deux ans. « Il m’a dit clairement d’arrêter de perdre mon temps car je ne vais pas y arriver. Il m’a conseillé d’accepter tout ce que mon mari me donnera. J’étais en pleurs quand mon ex- mari m’a avoué que j’allais revenir en rampant vers lui. Surtout que je ne devais pas me comparer à lui car nous n’étions pas égaux. », a-t-elle déclaré.
Patience ( Toujours un nom d’emprunt), 35 ans, a aussi vécu la même situation après 11 ans de mariage. Après près de deux ans de procès, c’est le tribunal de paix d’Assossa de Kalamu qui a prononcé un jugement en faveur de son mari. Même son appel a été rejeté. ” Pendant le procès, le juge m’a demandé si j’étais capable de m’occuper des enfants, j’ai répondu que oui. Il a rétorqué: avec quels moyens? Puisque je ne travaillais pas à l’époque”, se rappelle-t-elle. Son mari a fini par avoir la garde exclusive de deux enfants sur les trois qu’avait le couple. Seule la cadette qui n’avait que deux ans lui a été laissée.
Blandine ( nom d’emprunt), aussi victime, fait partie des rares femmes qui ont obtenu justice après un long procès avec son mari dans les dernières années. Un homme riche, qui croyait qu’en demandant le divorce il en sortirait gagnant à cause de son influence à Kinshasa.
Régine n’a aucunement baissé la garde. Durant deux ans et demie de procédure, le jugement est enfin tombé. Le magistrat conclut que le couple devrait se partager tous les biens.
« Après le verdict, mon ex mari m’a sorti un argument comme quoi tous les biens étaient aux noms des enfants. J’ai refusé car nous avions acquis la majorité de ces biens avant l’arrivée des enfants. Les membres de sa famille, nos amies et connaissances m’ont critiquée car selon eux, je m’en allais en guerre contre mes propres enfants. Vous imaginez ! Mes enfants sont ce que j’ai de plus précieux. je ne peux pas leur faire du mal. Ces gens ont oublié toute la souffrance que j’ai enduré dans ce mariage. C’était un vrai soulagement pour moi après avoir entendu la décision du juge. Je me sens beaucoup mieux maintenant. C’est vrai qu’il a eu la garde exclusive des enfants, mais au moins pour les biens matériels justice m’a été rendue et mes enfants ne vont jamais m’oublier. j’encourage les autres femmes en instance de divorce de ne pas abandonner », nous confie t-elle.
La peur de tout perdre
En République démocratique du Congo, des milliers de femmes ont peur de saisir la justice pour demander divorce par peur de tout perdre, estime Me Alexandre Muleka, présidente de l’ONG “Elles pour elles”. “Les femmes ne se sentent pas très protégées en matière de divorce. Puisqu’il y a derrière elle des traditions et tous les poids sociaux. Si elle veut divorcer pour une raison ou une autre, elle n’est pas soutenue par sa famille. D’ailleurs il y a certaines cultures qui ne tolèrent pas les divorces”, indique-t-elle.
Pourtant, l’article 549 du code de la famille autorise chacun des époux d’ agir en justice ”en fondant son action sur la destruction irrémédiable de l’union conjugale”. “Le divorce dissout le mariage et met fin aux devoirs réciproques des époux et à leur régime matrimonial”, ajoute l’article 578 de la même loi. “Ce qui suppose aussi le partage des biens”, indique un magistrat au tribunal de grande instance à Kinshasa.
Il invite plutôt les femmes à privilégier l’enregistrement de leurs mariages à l’État civil pour bénéficier de plus de protection.
“Quand on se marie coutumièrement et qu’on n’a pas célébré un mariage à l’Etat civil, on n’a pas choisi un régime matrimonial, c’est la femme qui est en difficulté en cas de divorce. Comment va-t-elle réclamer les biens? Voilà pourquoi il faut encourager les femmes à célébrer le mariage devant l’officier de l’état civil”, conseille-t-elle.
Elle encourage les femmes en difficultés dans leurs foyers à saisir la justice pour obtenir justice si elles le jugent utile. “Les hommes ne sont pas privilégiés par rapport aux femmes. La Loi ne tient pas compte des sexes”, confie-t-elle.
Elda Along/ Congoprofond.net
Cet article a été produit en collaboration avec Journalistes pour les droits humains, JDH/JHR avec l’appui d’Affaires mondiales Canada.
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Katanda : Quand le pacte de paix révèle son pouvoir mystique

La localité de Katanda est le théâtre d’événements pour le moins insolites depuis la signature d’un pacte de paix et de vivre-ensemble historique entre les communautés Bena Muembia, Bena Kapuya et Bena Nshimba. Cet accord, fruit de longues négociations et de la médiation des grands chefs coutumiers de la région, visait à mettre un terme aux tensions et aux conflits intercommunautaires qui ont, par le passé, assombri la vie de ces populations.
Si le pacte a engendré une atmosphère d’harmonie et de fraternisation inédite, des incidents récents ont suscité l’étonnement et l’interprétation au sein de la communauté, certains y voyant la manifestation d’un pouvoir mystique inhérent à cet engagement solennel.
Les faits rapportés, bien que distincts, ont en commun leur caractère singulier et leur survenance dans la période consécutive à la signature du pacte de paix. Le premier incident concerne une femme de la communauté Bena Nshimba qui s’était rendue à Katabua, une localité voisine, dans le but de collecter du bois mort. Selon les témoignages recueillis sur place, alors qu’elle déterrait des maniocs dans un champ qui ne lui appartenait pas, elle a été victime de la morsure simultanée de trois serpents.
Le second incident, tout aussi étrange, s’est déroulé à Dipumba. Un jeune homme, dont l’appartenance communautaire n’a pas été officiellement précisée mais qui, selon certaines sources locales, serait lié à l’une des communautés autrefois en conflit, se serait accidentellement tiré dessus en manipulant une arme à feu. L’arme en question aurait été initialement apportée dans le but d’une attaque, vestige des anciennes animosités intercommunautaires.
Ces deux incidents, survenus dans un laps de temps relativement court après la signature du pacte de paix, sont perçus par une partie significative de la population locale comme étant plus que de simples coïncidences. Certains habitants y voient une manifestation tangible du pouvoir mystique qui sous-tend l’accord de paix et de vivre-ensemble, auquel ont participé les plus hauts dignitaires coutumiers de la région. L’interprétation dominante suggère que ces événements pourraient être des avertissements ou des conséquences liés au non-respect des termes tacites ou explicites du pacte, ou encore des manifestations de forces spirituelles veillant au maintien de la nouvelle harmonie.
Mike Tyson Mukendi / CONGOPROFOND.NET