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RDC -Décrispation politique: Thambwe Mwamba rend effective la liberté de Diomi Ndongala

C’est désormais officiel. Après 7 ans passés à la prison centrale de Makala, le Président de la Démocratie Chrétienne, Eugène Diomi Ndongala, va recouvrer, enfin, la liberté.
C’est ce qui ressort de l’arrêté ministériel signé ce mercredi 20 mars 2019 par le ministre de la Justice et garde des sceaux, Alexis Thambwe Mwamba.
À cette occasion, le ministre précise que la libération conditionnelle est accordée à charge pour le libéré notamment ne pas encourir une peine privative de liberté entre la période s’étendant de la date du présent arrêté au 08 avril 2023; ne pas causer du scandale par sa conduite; ne pas se livrer à des déclarations et activités politiques de manière à troubler l’ordre public et le bon fonctionnement des institutions étatiques; ne pas sortir du territoire national sans l’autorisation préalable du procureur général près de la Cour de cassation; ne pas se retrouver dans un périmètre de 500 mètres d’une école des filles pendant les heures des cours; se présenter chaque lundi devant le président de la Cour de cassation.
En outre, Il souligne que « cette libération sera acquise à l’intéressé si la révocation n’est pas intervenue avant la date du 08 avril 2023 ».
Il sied de signaler que cette libération fait suite aux mesures promises par Félix Antoine Tshisekedi dans le cadre de ses 100 premiers jours, dans son volet politique.
Rappelons-le, Eugène Diomi Ndongala figurait parmi les cas emblématiques convenus de libérer lors de la signature de l’accord de la Saint-Sylvestre. Mais sa libération n’était pas effective suite au blocage du régime Kabila qui ne le considérait pas comme un prisonnier politique.
MUAKAMU/CONGOPROFOND.NET
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Valentin Yves Mudimbe s’en est allé, mais sa parole demeure : l’Afrique orpheline d’un géant de la pensée

Ce jour, la République Démocratique du Congo, l’Afrique et le monde intellectuel viennent de perdre un monument. Valentin Yves Mudimbe, philosophe, écrivain et penseur hors pair, s’est éteint aux États-Unis, laissant derrière lui une œuvre aussi dense que subversive, une parole aussi lucide qu’indomptable.
Né en 1941 à Jadotville (actuelle Likasi), en RDC, Valentin Yves Mudimbe fut l’un des intellectuels africains les plus influents du XXᵉ et du XXIᵉ siècle. Professeur émérite à l’Université Duke, anthropologue, linguiste et romancier, il a marqué les sciences humaines par sa critique radicale des épistémologies coloniales et sa déconstruction des discours dominants sur l’Afrique.
Son œuvre majeure, The Invention of Africa (1988), reste un texte fondateur des études postcoloniales. Mudimbe y démontre comment l’Afrique a été « inventée » par le regard occidental, à travers des catégories de savoir qui ont nié ses propres logiques de pensée. Pour lui, « l’Afrique n’existe pas en dehors des représentations qui la constituent », une thèse qui a révolutionné la manière d’appréhender le continent.
Yves Mudimbe n’était pas seulement un théoricien : c’était un penseur du soupçon, toujours en éveil face aux illusions des idéologies, qu’elles soient coloniales, nationalistes ou néolibérales. Dans L’Odeur du père (1982), il explore les contradictions des élites africaines post-indépendances, dénonçant leur aliénation mimétique. Son roman Entre les eaux (1973) questionne la tension entre engagement politique et spiritualité.
Il a révélé sa propre trajectoire de prêtre jésuite devenu philosophe laïc. Ses travaux sur Foucault, Derrida et les structuralistes européens en font un passeur exceptionnel entre les traditions intellectuelles africaines et occidentales. Pourtant, il refusait toute étiquette : « Je ne suis ni un afrocentriste, ni un occidentaliste. Je suis un penseur de la fracture, de l’entre-deux », disait-il.
Aujourd’hui, alors que l’Afrique est confrontée à de nouveaux défis – néocolonialismes économiques, crises démocratiques, guerres d’influence –, la pensée de Mudimbe reste d’une brûlante actualité. Son questionnement sur « les conditions de production du savoir africain » invite à repenser l’université, la recherche et les médias du continent. Il laisse derrière lui des disciples à travers le monde. Des chercheurs qui continuent de déconstruire les récits hégémoniques.
« Mudimbe nous a appris à douter, à interroger nos propres certitudes ». La RDC en deuil mais l’Afrique en héritage, conclut le polymathe, cet autre géant de la pensée post-coloniale. Le Congo pleure l’un de ses plus grands fils, mais son héritage est impérissable. Dans un pays souvent meurtri par l’amnésie historique, Yves Mudimbe rappelait que « la mémoire est un acte de résistance ».
Alors que les hommages affluent du monde entier – de Paris à Johannesburg, de Dakar à New York –, une certitude s’impose : Yves Mudimbe est mort, mais sa parole, elle, ne mourra jamais. « Les mots ne sont pas innocents. Ils portent en eux la violence de l’histoire. » — Valentin Yves Mudimbe
TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR