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Pharmacien Batangu Mpesa: toute une vie entre « Santé » et  « Politique »

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Le décès du célèbre pharmacien Batangu Mpesa Etienne-Flaubert laisse un vide dans le monde scientifique congolais.

Une perte immense, pour ceux qui l’ont connu et côtoyé. Pour les personnes qu’il a formées, Batangu Mpesa est une valeur pour le pays et une icône du secteur de la pharmacie en RDC.

Ce pharmacien est surtout connu comme politique. Il fait la politique dès le lendemain de sa sortie de l’Université. Selon son propre témoignage donné à des sources dignes de foi, il avait dès le bas âge le goût pour la direction de la chose publique. Mais étudiant, il a déchanté à la fermeture des universités par le président Mobutu, qui envoie les étudiants dans une formation militaire. Mais Batangu Mpesa, quoique bien rodé aux tactiques militaires, refuse de continuer à faire l’homme de la troupe. Ses proches retiennent de sa formation militaire sa bravoure, son esprit d’anticipation dans les évènements et sa discipline personnelle.

Dès les premières élections en 1987, Batangu Mpesa est candidat député. Il est élu dans son territoire de Luozi. Il gardera le cap. Sous le régime « 1+4 ». Il est désigné par les pairs président du Groupe parlementaire Kongo (GPK). Durant sa mandature, il propose une loi qui devrait règlementer le secteur de l’habitat en RDC. Il se dit préoccupé par la qualité de l’habitat des Congolais. Il prône un logement décent pour tout Congolais. Il est convaincu que cela serait l’un des dons que l’Etat devrait faire à sa population, en vertu des potentialités et les opportunités qu’offre le pays. Il a découvert qu’avec un minimum des moyens, tout Congolais peut s’offrir un habitat digne et durable. Grâce à la présence de l’argile, qu’il a présentée comme le matériau le plus sûr pour la construction des maisons. Il est inspiré par l’habitat d’une zone, le Sankuru, où l’homme a passé quelques temps. Pour le démontrer, il a exhibé des constructions dans un quartier de Kimbwala à Kinshasa, où le député a lui-même sensibilisé les gens. Il a construit de belles maisons dans son village Kilanda, dans le secteur de Mongo-Lwala. Sa maison de Mutombo-Yenge, construite à 100% avec l’argile, aurait même servi de résidence à l’ancien président Mobutu, alors en séjour dans le coin.

En 2005, il a créé un parti politique, l’Alliance des républicains libéraux(AREL).

Batangu Mpesa s’est montré un véritable défenseur de la culture et de la linguistique congolaise. Il soutenait que les langues congolaises sont une richesse pour le pays. Il présentait sa langue, le Manianga (un patois du Kikongo) comme un élément identitaire. Fier de sa langue, il la manipulait avec aisance et la défendait. Il ne s’est pas attardé dans les théories ; il en a fait preuve en écrivant dans cette langue même des textes officiels. Le document de la présentation du groupe parlementaire Kongo dont il était président, est écrit en Manianga. Les noms de ses produits pharmaceutiques sont également en manianga.

A Kinshasa comme au village, il parlait Manianga sans le moindre gêne et encourageait les jeunes à manipuler leur langue.

Pharmacien de renom, il a créé le Centre de Recherches Pharmaceutiques de Luozi (CRPL). Cette industrie, dont la production est basée à Luozi dans la province du Kongo-Central, a mis sur le marché des produits pharmaceutiques (Manadiar, Manalaria, Eva, etc). Le CRPL propose aussi une gamme des produits alimentaires (Manansatu – une patte d’arachide traitée pour lutter contre la faim et utiliser comme complément alimentaire) et des liqueurs (Vanak, « Vana Kiese », un vin apéritif). Mais c’est surtout Manadiar (Manisa diarhée), l’un de produits phares de CRPL, qui a fait un nom à Batangu Mpesa.

En 2008, il a initié un projet, le Cospa( Congo Sans Paludisme). Comme son nom l’indique, ce programme visait l’éradication du paludisme en RDC. Une conférence avait été animée à la Clinique Bondeko de Kinshasa. Batangu Mpesa affirmait que la RDC avait des potentialités pour effacer la malaria et permettre à ses enfants à vivre en paix.

Batangu Mpesa faisait recourt aux plantes locales (feuilles, tubercules, écorces, sève, jus, etc.) pour réaliser ses produits. Il mettait en valeur les vertus nutritives et alimentaires des produits locaux en vue, disait-il, de mettre en exergue la richesse naturelle de la RDC cachée dans les choses qu’on ignore ou qu’on néglige.

Bampesa (abreviation utilisée par les intimes pour le designer) a également été un homme du social. Ses produits pharmaceutiques et ses liqueurs sont vendus à bas prix ou simplement distribués au Kongo-central (notamment dans la cité de Luozi), pour permettre à la population la plus démunie de s’en procurer sans difficulté.

Le nom de Batangu Mpesa Etienne-Flaubert restera à jamais gravé dans la mémoire collective des fils et filles de Luozi, pour une autre prouesse : c’est lui qui a mis fin au phénomène « le croco de Luozi ».

En effet, cette histoire, devenue mythique ou paraissant légendaire à partir du livre de Zamenga Batukezanga, est pourtant une histoire vraie et vécue. Batangu Mpesa a organisé une pèche contre le crocodile qui faisait pleurer la cité et l’a capturé dans un filet.

A Luozi (la cité), il a été peint en grandeur nature, tenant une houe à une main. Pour Batangu Mpesa, cette œuvre d’art est un message : le crocodile annonce qu’il ne happe plus au fleuve ni à la rivière, mais il est devenu celui qui éveille la population pour le travail des champs, le travail manuel qui nourrit les fils et filles du Manyanga.

En 2006, le pharmacien Batangu Mpesa avait postulé aux élections au sein de l’UREC, le même regroupement politique que le candidat à la présidentielle Oscar Kashala. Malheureusement, il a été battu par Ne Mwanda Nsemi.

En février 2008, alors que le mouvement politico-religieux Bundu Dia Kongo (secte devenue parti politique Bundu Dia Mayala, BDM) prend de l’ampleur et menace de balkaniser le territoire de Luozi (un plan qui devrait se concrétiser au mois de mars 2008), Batangu Mpesa s’est vu parmi les personnalités du régime combattu et visé par la secte. A cette époque, le BDK fait propager à Luozi notamment une campagne de diabolisation du régime de Joseph Kabila, qui selon lui, est venu de l’étranger pour clochardiser la RDC. Le BDK menace de faire annexer le territoire de Luozi au Congo Brazzaville ou d’en faire un Etat à part entière. En ce moment-là, le mouvement se radicalise et les « Makesa » passent aux exactions, au point que même le leader Mwanda Nsemi lui-même n’est pas écouté. Alors qu’il se rend dans son fief de Kilanda (territoire de Luozi), Bantangu Mpesa est intercepté par une troupe des « Makesa » qui a pris les quartiers dans la cité de Nkundi. Il est vautré dans un flac d’eau. Les Makesa proclament qu’ils ont baptisé l’ancien député. Des sources autour ont rapporté à cette époque que Batangu Mpesa avait rebroussé chemin et avait pris la route de Matadi (chef-lieu de la province du Kongo-Central), où il se serait présenté en état de son « baptême » devant le gouverneur Mbatshi Batshia. Serait-ce vrai que cet évènement avait contribué à la décision gouvernementale d’enrayer les Makesa au mois de mars suivant ?

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Alors qu’il quitte la vie ce 05 mars 2021, Batangu Mpesa laisse sur sa table son produit « Manacovid », sensé combattre le coronavirus. Ce produit attendait à être officialisé comme traitement pour guérir la Covid 19.

Emile YIMBU/CONGOPROFOND.NET

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Haut-Uélé : Le Gouverneur Bakomito, les microbes et la chasse aux sorcières de l’ANR

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À Isiro, le crime ultime n’est pas la corruption, mais l’audace de donner la parole à l’opposition. Le directeur de la Radio Nava en sait quelque chose. C’était un matin comme un autre dans la province du Haut-Uélé. Le soleil se levait sur Isiro, illuminant doucement les rues défraîchies et le palais du Gouverneur où, c’est bien connu, la démocratie est une denrée périssable qu’il faut consommer avec modération, sous stricte surveillance.

Ce jeudi 27 novembre, à 6h15, alors que les honnêtes citoyens commençaient à peine leur journée, un crime de lèse-majesté était en train de se commettre à la Radio Nava. Le forfait ? Avoir osé tendre un micro à l’honorable Prosper-Salomon Madilu. Son tort ? Avoir expliqué, avec les mots de la République, les raisons pour lesquelles une motion de défiance était déposée contre le Gouverneur Jean Bakomito Gambu.

On imagine la scène : un élu du peuple, s’exprimant librement dans un média communautaire. Une image si subversive qu’elle a immédiatement déclenché le protocole d’urgence de la dictature en herbe. Peu après cette entrevue séditieuse, une Jeep, véhicule officiel de l’effroi, se postait devant la radio. À son bord, cinq chevaliers de l’ombre de l’Agence Nationale de Renseignement (ANR).

Leur mission : traquer, non pas le député audacieux qui a librement exposé ses motifs – où va-t-on si l’on commence à inquiéter la classe politique ? –, mais le directeur de la radio, ce faiseur d’opinions, ce semeur de doute. La rédaction, nous dit-on, était en “pleine panique”. Pourquoi cette panique, chers collègues ? N’êtes-vous pas habitués ? C’est pourtant la quatrième fois que votre directeur est la cible de ces descentes dignes d’un mauvais polar.

À force, on pourrait presque croire qu’il y a une campagne de harcèlement systématique. Mais non, soyons sérieux. Il s’agit sans doute d’une série de malentendus, de coïncidences fâcheuses. L’ANR a probablement des questions cruciales à lui poser sur la météo, la qualité du réseau électrique ou sa recette de moambe. La véritable question, celle que tout le monde se pose dans la province en étouffant un rire jaune, est la suivante : pourquoi s’en prendre au messager ?

La réponse est d’une simplicité biblique : parce qu’il est plus facile d’intimider un journaliste que de répondre aux arguments d’un député. Parce que la logique de Jean Bakomito Gambu est celle du bulldozer : quand un problème surgit, on ne l’étudie pas, on en écrase la source. La parole citoyenne est un feu qu’il faut étouffer dans l’œuf, de préférence avant le petit-déjeuner, “dès potron-minet”.

Depuis l’ascension de Son Excellence au gouvernorat, l’espace public rétrécit comme peau de chagrin. La liberté de la presse n’est plus une liberté, mais un vestige archéologique que l’on sort à ses risques et périls. La Radio Nava, en donnant la parole “à tous sans distinction”, commet un délit de pluralisme, un crime d’équité. Dans le Haut-Uélé de Bakomito, il n’y a qu’une seule voix qui compte : la sienne.

Les autres sont du bruit qu’il faut réduire au silence. Alors, que faire ? La société civile et la population sont appelées à se mobiliser. Il est plus que temps de dire non à cette restriction grotesque des libertés. Il est temps de rappeler que le rôle d’un média n’est pas de servir de mégaphone au pouvoir, mais de être un forum où se confrontent les idées. Même celles qui dérangent. Surtout celles-là.

En attendant, le directeur de la Radio Nava est recherché. Son seul tort est d’avoir fait son travail. Dans une démocratie en bonne santé, on lui décernerait une médaille. Dans le Haut-Uélé de 2025, on lui envoie l’ANR. C’est cela, le “progrès” à la Bakomito. Un retour à l’ère des chasses aux sorcières, où le seul sortilège est celui de la vérité. Tenez bon cher confrère, les journalistes en danger ne vous abandonneront pas !

TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR

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