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Nord-Kivu : « CORACON » met à l’usage des journalistes des manuels de précautions en période de Covid-19

Remise ce mardi 28 avril à Goma, à certains responsables d’entreprises de presses du Nord-Kivu par le collectif des radios et télévisions du Nord-Kivu(CORACON), des manuels des précautions d’usage à adopter par les journalistes et les médias en période d’épidémie : Réflexion tirée de la période de lutte contre covid-19 et Ebola.
Pour le coordonnateur de cette organisation, cette idée est venue du fait que la province fait face actuellement aux épidémies dont Ebola et Covid-19 et le professionnel des médias n’est pas à l’abri car, justifie-t-il, là où il récolte les informations, il peut aussi être contaminé. Jacques Vagheni ajoute aussi que les informations que le journaliste peut diffuser peuvent être utiles et nuisibles au public. D’où ce manuel des comportements à adopter pendant cette période afin de bien informer la population, se protéger contre cette le covid-19, ses confrères, les membres de sa famille et de toute la communauté.
« A des termes simples, le manuel contient les conseils qui s’adressent au journaliste qui disent, écoute journaliste ! Tu travailles en période d’épidémie, il faut le faire mieux correctement possible. C’est-à-dire, il faut donner les informations vérifiées sur l’épidémie et de manière fréquente. Si on tient les discussions dans les conseils de réaction, il faut qu’on s’assure que chaque jour, on a des bonnes informations qu’on donne à la population pour que celle-ci prenne un comportement responsable qui lui permet de se protéger. Mais nous disons aussi au journaliste qu’on doit adopter les règles d’hygiène comme personne humaine. Il doit par exemple se laver les mains lorsqu’il vient à la rédaction, il doit s’assurer qu’il respecte la distance entre lui et ses interlocuteurs. Il faut songer aussi à mieux vérifier ses informations et à mieux se protéger », a expliqué le responsable du COROCAN.
Précisons que cette cérémonie a connu la présence du ministre provincial de l’Intérieur, affaires coutumières, medias, communication et porte-parole du gouvernement provincial du Nord-Kivu.
Dalmond Ndungo/CONGOPROFOND.NET
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Valentin Yves Mudimbe s’en est allé, mais sa parole demeure : l’Afrique orpheline d’un géant de la pensée

Ce jour, la République Démocratique du Congo, l’Afrique et le monde intellectuel viennent de perdre un monument. Valentin Yves Mudimbe, philosophe, écrivain et penseur hors pair, s’est éteint aux États-Unis, laissant derrière lui une œuvre aussi dense que subversive, une parole aussi lucide qu’indomptable.
Né en 1941 à Jadotville (actuelle Likasi), en RDC, Valentin Yves Mudimbe fut l’un des intellectuels africains les plus influents du XXᵉ et du XXIᵉ siècle. Professeur émérite à l’Université Duke, anthropologue, linguiste et romancier, il a marqué les sciences humaines par sa critique radicale des épistémologies coloniales et sa déconstruction des discours dominants sur l’Afrique.
Son œuvre majeure, The Invention of Africa (1988), reste un texte fondateur des études postcoloniales. Mudimbe y démontre comment l’Afrique a été « inventée » par le regard occidental, à travers des catégories de savoir qui ont nié ses propres logiques de pensée. Pour lui, « l’Afrique n’existe pas en dehors des représentations qui la constituent », une thèse qui a révolutionné la manière d’appréhender le continent.
Yves Mudimbe n’était pas seulement un théoricien : c’était un penseur du soupçon, toujours en éveil face aux illusions des idéologies, qu’elles soient coloniales, nationalistes ou néolibérales. Dans L’Odeur du père (1982), il explore les contradictions des élites africaines post-indépendances, dénonçant leur aliénation mimétique. Son roman Entre les eaux (1973) questionne la tension entre engagement politique et spiritualité.
Il a révélé sa propre trajectoire de prêtre jésuite devenu philosophe laïc. Ses travaux sur Foucault, Derrida et les structuralistes européens en font un passeur exceptionnel entre les traditions intellectuelles africaines et occidentales. Pourtant, il refusait toute étiquette : « Je ne suis ni un afrocentriste, ni un occidentaliste. Je suis un penseur de la fracture, de l’entre-deux », disait-il.
Aujourd’hui, alors que l’Afrique est confrontée à de nouveaux défis – néocolonialismes économiques, crises démocratiques, guerres d’influence –, la pensée de Mudimbe reste d’une brûlante actualité. Son questionnement sur « les conditions de production du savoir africain » invite à repenser l’université, la recherche et les médias du continent. Il laisse derrière lui des disciples à travers le monde. Des chercheurs qui continuent de déconstruire les récits hégémoniques.
« Mudimbe nous a appris à douter, à interroger nos propres certitudes ». La RDC en deuil mais l’Afrique en héritage, conclut le polymathe, cet autre géant de la pensée post-coloniale. Le Congo pleure l’un de ses plus grands fils, mais son héritage est impérissable. Dans un pays souvent meurtri par l’amnésie historique, Yves Mudimbe rappelait que « la mémoire est un acte de résistance ».
Alors que les hommages affluent du monde entier – de Paris à Johannesburg, de Dakar à New York –, une certitude s’impose : Yves Mudimbe est mort, mais sa parole, elle, ne mourra jamais. « Les mots ne sont pas innocents. Ils portent en eux la violence de l’histoire. » — Valentin Yves Mudimbe
TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR