Analyses et points de vue
N’djili, l’aéroport du chaos : quand la honte nationale devient routine
Entre incompétence organisée et humiliation systématique, le hub de Kinshasa est une insulte aux voyageurs et au pays. Dès que les roues de l’avion touchent le tarmac de l’aéroport international de N’djili, le cauchemar commence. Pas besoin de panneaux directionnels : le désordre ambiant suffit à vous guider vers une expérience digne d’une farce tragique.
L’aéroport international de Kinshasa, censé être la vitrine de la RD Congo, fonctionne comme une machine bien huilée à broyer toute dignité. Dès l’ouverture des portes de l’avion, une nuée d’individus en uniforme ou sans uniforme vous assaillent. Des agents, dont on ignore la fonction exacte, réclament des cartes d’embarquement après l’atterrissage, comme si le vol n’avait jamais eu lieu.
Attroupement absurde, bousculades, cris : le spectacle est consternant. Puis vient l’épreuve du bus, où l’on entasse les passagers comme du bétail, dans une promiscuité qui ferait rougir les transports en commun les plus vétustes. Ironie du sort, la Direction Générale de la Migration (DGM) se distingue par son efficacité. C’est le seul îlot de professionnalisme dans un océan d’incurie.
Mais cette lueur de compétence ne fait que souligner l’incompétence crasse des autres services. Après l’immigration, place au carnaval sanitaire : des agents peu scrupuleux délivrent des faux certificats de vaccination, escroquant les voyageurs sans vergogne. Les chariots ? Une denrée rare. Les bagages ? Un calvaire. Les passagers patientent près d’une heure dans un hall délabré, sous des plafonds fissurés, pour récupérer leurs valises.
Ensuite, un nouveau filtrage post-récupération des étiquettes, une formalité bureaucratique inutile qui rallonge inutilement le supplice. Le summum de l’absurde est atteint à la douane. Deux scanners pour des centaines de voyageurs, souvent issus de deux vols arrivés successivement dans un hall trop étroit pour un pays aux dimensions continentales. Résultat ? Des queues interminables, des tensions, une frustration qui monte.
Dehors, une nouvelle vague de « services » vous attend : policiers, faux porteurs, rabatteurs… tous plus déterminés les uns que les autres à vous extorquer quelques dollars. La RDC est un pays qui s’auto-sabote. Alors que le gouvernement promet des réhabilitations mirifiques pour 2027, la réalité quotidienne de N’djili est une insulte à l’intelligence. Les mesures « drastiques » annoncées en 2024 n’ont rien changé.
Pire, les rapports internes et les commissions créées pour « lister les problèmes » se succèdent sans aucun résultat tangible. N’djili n’est pas qu’un aéroport : c’est le symbole d’un État en déliquescence, où l’incompétence et la corruption ont pris le pas sur le simple bon sens. Chaque voyageur humilié repart avec une certitude : ce pays, riche de ses ressources et de sa population, se complaît dans l’autodestruction. Jusqu’à quand ?
TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR
À la Une
RDC : Engagement politique et vie privée, un débat mal placé à l’ère de la masculinité positive ! (Par Olivier Kaforo, journaliste)
Dans un État qui se veut à la fois démocratique, moderne, laïc et qui prône des principes progressistes comme la « masculinité positive », est-il concevable que l’opinion publique et certains médias jugent pertinent et responsable d’inscrire à l’agenda des débats publics des critiques acerbes et dégradantes à l’endroit d’une femme d’Etat parce qu’en plus d’affirmer sa féminité, elle a choisi d’assumer librement sa maternité, tout en défendant, bec et ongles, l’intérêt suprême de la République ?
Le statut de Ministre d’Etat, bien qu’impliquant un certain degré de transparence publique, ne supprime pas le droit fondamental à la vie privée. L’état de grossesse et les détails de la conception (état civil, identité du partenaire, Fécondation In Vitro ou in Vivo, etc.), relèvent strictement de la sphère privée. L’opinion publique et les médias n’ont donc pas un intérêt légitime à scruter ces détails-là tant qu’ils n’affectent pas directement l’exercice des fonctions publiques de Madame Thérèse W. Kayikwamba, pour ne pas la citer.
Cet « acharnement » ciblant spécifiquement une femme enceinte est irréfutablement le reflet de préjugés sexistes persistants dans notre pays. Il sous-entend, à tort, qu’une grossesse ou la maternité serait incompatible avec des responsabilités politiques de haut niveau, ou qu’elle devrait être soumise à un jugement moral (par exemple, sur l’état civil) ou qu’elle serait un handicap. D’aucuns ont vertement même exigé la démission de cette héroïne qui a décidé de chanter un hymne sacré à la vie en acceptant de porter celle-ci pour la donner au monde.
Pourtant, les hommes ministres ne sont jamais l’objet d’un tel débat public quand ils deviennent pères ou quand ils sont rendus pères, dans leurs foyers centraux et périphériques. Le fait de cibler la ministre enceinte est une forme de discrimination basée sur le genre, ce qui est contraire aux valeurs d’égalité promues par une démocratie moderne et le principe de la masculinité positive.
Le principe de la « masculinité positive » prôné par le Président de la République, vise à redéfinir les rôles masculins pour promouvoir l’égalité des genres, le respect mutuel et l’abandon des comportements toxiques ou dominants. L’acharnement sur une femme ministre enceinte est diamétralement opposé à ces valeurs.
Un État qui défend ce principe devrait activement décourager de tels comportements médiatiques et sociaux, et non les tolérer.
Détournement de l’attention publique
Cet acharnement détourne l’attention de ce qui devrait être l’objet d’un débat public sain : par exemple, les accords de Washington et de Doha, les performances de la Ministre des Affaires étrangères, sa politique, ses résultats, son engagement à gérer avec efficacité son portefeuille ministériel, etc. et non sa vie personnelle. Les médias, eux, devraient se concentrer sur des questions d’intérêt général plutôt que sur des potins privés.
Il y a peu, pourtant, toute l’opinion nationale et, même, internationale, a salué les exploits inégalés de cette Généralissime qui gagnait des batailles diplomatiques, qui rempilait des victoires et dont la bravoure, la compétence doublée d’un charme naturel forçaient l’admiration. Certes, sauf chez certains voisins africains et leurs supplétifs à qui les performances de la Ministre d’Etat aux Affaires Etrangères donnaient indigestions et migraines. Incapables de l’affronter sur le plan professionnel, ils vont jusqu’à chercher une pirouette sur le plan personnel. Et hop ! Les lâches ont trouvé leur scoop, toute honte bue !
L’acharnement sur la Ministre d’Etat est anormal et amoral car il viole les droits fondamentaux à la vie privée, et il est discriminatoire, en ce qu’il contredit les valeurs démocratiques et progressistes affichées par le chef de l’État et mine la participation féminine à la vie publique. Un tel environnement hostile pourrait décourager les femmes de s’engager en politique. Pour une démocratie qui se veut moderne, il est essentiel de créer un climat inclusif où les femmes, comme les hommes, peuvent servir sans craindre d’être jugées sur leur vie privée ou leur capacité à concilier vie familiale et responsabilités professionnelles.
Apprendre aux enfants à parler et aux adultes à se taire !
En RDC, comme dans toute démocratie encore jeune, chancelante et portée vers la consolidation, l’éthique dans l’opinion et le débat publics, le respect de la vie privée et la participation citoyenne doivent s’appuyer sur des principes visant à consolider la confiance, garantir les droits fondamentaux et promouvoir la bonne gouvernance. Il n’est pas tolérable que certains citoyens, au nom de la liberté d’opinion et d’expression, profitent de leur accessibilité aux médias et aux réseaux sociaux pour, non pas penser tout ce qu’ils disent, mais pour dire tout ce qu’ils pensent : ce sont les « nyonsologues ». Eux, ils en savent tout, sur tout, même sur le sexe des anges ! Puisque « qui est partout, n’est nulle part », dit-on, ces encyclopédistes de la vie privée ont du mal à concentrer leur cerveau sur les vrais sujets, au profit de la responsabilité sociale des médias.
Malheureusement, puisque la bêtise est contagieuse, ces encyclopédistes, à qui visiblement des femmes d’Etat devraient demander la permission avant de jouir pleinement de leur maternité, tentent de manipuler leurs « suiveurs », en distillant des émotions pour booster le trafic de leur page ! Ceci soulève la question de l’encadrement des réseaux sociaux pour protéger les citoyens contre la diffamation, le harcèlement et les atteintes à leur réputation, qui sont monnaie courante sur ces plateformes. Car, c’est justement ces contenus de bas étages et des analyses, intelligentes uniquement aux yeux de celui qui les débitent et aux oreilles des « communautés virtuelles ignares », qui font tourner la machine des réseaux sociaux « made in » RDC.
Umberto Eco, un des grands sémioticiens de notre temps ne s’est pas trompé lorsqu’il affirmait que : « Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles qui avant, ne parlaient qu’au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd’hui, ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel ».
Critiques contre T.W. Kayikwamba : attaque contre une mère en devenir ou contre la Mère-Patrie ?
Prendre d’assaut les médias et les réseaux sociaux pour arrêter la marche de tout un pays et détourner son énergie vitale vers la vie privée de ses citoyens ne rend aucun service à la nation. Mais au contraire, tourne davantage en dérision un pays déjà meurtri par tant d’années de guerre.
En sermonnant la Ministre, ce sont nos mères, nos sœurs, nos tantes, nos cousines, nos nièces, nos filles que nous insultons. Tout cela, pour obtenir un suiveur de plus, un like de plus ou une étoile de plus. Avons-nous attaqué tous les hommes politiques et autres qui, tous les jours, enfantent en dehors de la sphère conjugale ? Cela est-il plus moral et normal parce qu’il s’agit d’hommes ? La RDC serait-elle réellement démocratique ou phallocratique ? Arrêtons l’hypocrisie et parlons des vrais sujets pas de ragot des cours communes.
Le pays a besoin de modèle de vie, pas de charlatans du dimanche. Même si des propos injurieux, en passant, prouvent une fois de plus que la liberté d’expression est vraiment une réalité en RDC ; cela démontre aussi le degré de contagion de la bêtise.
A madame la Ministre, nous disons félicitations ! Prenez soin de vous. Votre futur enfant devrait être fier d’avoir une maman comme vous !
Olivier Kaforo
Journaliste
