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L’impasse des grands lacs : Fermeture de frontières et échiquier régional

En Afrique des Grands Lacs, la récente décision du Burundi de fermer sa frontière avec le Rwanda est un acte qui résonne avec force dans l’arène géopolitique régionale. Ce mouvement unilatéral soulève des questions sur la souveraineté, la sécurité et les dynamiques de pouvoir, tout en rappelant les tensions historiques profondément enracinées.
Derrière cette fermeture, une multitude de facteurs entrent en jeu : des accusations mutuelles de déstabilisation, des préoccupations sécuritaires et des revendications de souveraineté nationale. Le Burundi accuse le Rwanda de soutenir des groupes rebelles, tandis que Kigali réfute et pointe du doigt l’ingérence de Bujumbura dans ses affaires intérieures. Ces échanges tendus exacerbent une méfiance régionale qui ne cesse de grandir.
La République Démocratique du Congo de son côté, observe et pèse ses options. Fermer également sa frontière avec le Rwanda, comme le suggère une partie de l’opinion publique, pourrait sembler une réaction symétrique pour mettre la pression sur les dirigeants rwandais, souvent perçus comme belliqueux. Cependant, une telle décision ne serait pas sans conséquences. La RDC, en proie à ses propres instabilités internes, doit jouer une partie délicate où la fermeture des frontières pourrait nuire autant à l’ennemi désigné qu’à la population congolaise elle-même, voire déstabiliser davantage la région.
L’argument de neutraliser les éléments rwandais jugés dormants sur le sol congolais soulève la question de la légitimité et du respect des droits humains. L’utilisation de termes tels que « neutraliser » peut être interprétée de manière alarmante si elle suggère des actions en dehors du cadre légal international. La justice et la sécurité doivent être poursuivies dans le respect des lois et des conventions internationales pour éviter l’escalade et les répercussions humanitaires.
L’appel à assumer un choix de liberté par un « acte fort et définitif » invite à une réflexion sur ce que signifie réellement la liberté dans un contexte interdépendant. Les décisions prises aujourd’hui par la RDC et ses voisins auront des répercussions qui dépassent les frontières nationales et les générations. La « question rwandaise » est intrinsèquement liée à une histoire complexe et à des enjeux qui débordent sur les sphères humanitaires, économiques et sécuritaires.
La solution durable ne se trouve pas dans l’isolement, mais dans un dialogue constructif et une collaboration régionale renforcée, appuyés par la communauté internationale.
Ouvrir le débat sur la complexité des relations entre les nations des Grands Lacs souligne l’importance de la prudence dans les actions unilatérales, tout en reconnaissant le désir légitime des peuples de la région de vivre en paix et sécurité.
Le drame meurtrier entre la RDC et le Rwanda
La tragédie frontalière entre la République démocratique du Congo et le Rwanda a une fois de plus mis en lumière les tensions persistantes et les risques inhérents à une frontière volatile. Le drame qui a coûté la vie à un soldat congolais, le 2ème classe Anyasaka Nkoy Lucien, tandis que deux autres le 2ème classe Assumani Mupenda et 2ème classe Bokuli Lote ont été capturés par l’armée rwandaise, soulève des questions cruciales sur la sécurité et la communication entre les deux nations voisines.
Les circonstances entourant cet événement tragique soulèvent des préoccupations légitimes. L’affirmation selon laquelle les soldats congolais auraient franchi la frontière par inadvertance, une situation soi-disant fréquente selon le porte-parole de l’armée congolaise, met en lumière un besoin impérieux de clarté et de protocoles frontières plus robustes.
La réaction contrastée entre les deux pays face à ces incidents est également source d’interrogation. Alors que les soldats congolais se retrouvent pris au piège et victimes de tirs, les incursions supposées de soldats rwandais sur le territoire congolais semblent être accueillies avec une réaction moins immédiate et sévère. Cette disparité souligne un besoin urgent de transparence, de clarification et de responsabilité de la part des autorités congolaises.
Cette escalade tragique exige une réponse musclée. Il est impératif que le gouvernement rwandais apprenne à respecter la vie des citoyens congolais. Il en a déjà tué plus de 12 millions, il n’y a plus de place pour des dialogues infructueux. Rien dans l’attitude de Paul Kagame prévient de nouveaux incidents. La perte d’une vie humaine et la capture de soldats ne peuvent être traitées à la légère, et la réaction à cet assassinat doit être à la hauteur de la gravité de l’événement.
Félix Tshisekedi avait pris un engagement solennel devant la nation toute entière qu’à la moindre escarmouche, il réunirait le congrès pour déclarer la guerre au Rwanda. Sa réaction est attendue par le peuple congolais qui l’a réélu à plus de 73,34%. Le respect de la parole donnée est sacrée et la crédibilité de la sienne est mise à l’épreuve des faits pour garantir que de telles tragédies ne se reproduisent plus jamais à l’avenir.
TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR
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Ouganda-RDC : Muhoozi aligne Kampala derrière Tshisekedi

Le chef des forces armées ougandaises, le général Muhoozi Kainerugaba, a pris une position remarquablement directe sur l’avenir politique de la République démocratique du Congo (RDC). Dans une série de tweets percutants publiés vendredi, il a déclaré que l’ancien président Joseph Kabila ne devait en aucun cas revenir au pouvoir, tout en exprimant un soutien clair au président Félix Tshisekedi.
« Je ne laisserai pas Joseph Kabila redevenir président de la RDC ! Oubliez cette idée », a tweeté le général Muhoozi. Il a critiqué Kabila pour avoir permis aux Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe rebelle d’origine ougandaise, de s’installer dans l’est du Congo pendant près de deux décennies. « Kabila a laissé les ADF prospérer dans l’est de la RDC pendant 17 ans. Il ne nous a jamais autorisés à agir contre eux. Son Excellence Tshisekedi est bien meilleur à cet égard », a-t-il ajouté, avant de conclure : « Mon grand frère, Son Excellence Félix Tshisekedi, est le président de la RDC, et je le soutiendrai autant que possible. »
Ces déclarations sont intervenues à un moment clé, quelques heures après la signature, à Washington, d’une Déclaration de principes pour la paix entre le Rwanda et la RDC, sous l’égide des États-Unis et en présence du secrétaire d’État Marco Rubio. Cet accord engage les deux pays à respecter leur souveraineté respective, à promouvoir l’intégration régionale et à démanteler les groupes armés opérant le long de leurs frontières communes.
Les relations Ouganda-RDC : un enjeu économique majeur
Les liens entre l’Ouganda et la RDC se sont considérablement renforcés au cours de la dernière décennie. Selon la Banque de l’Ouganda, la RDC est désormais la deuxième destination des exportations ougandaises, après le Kenya. En 2023, les exportations officielles vers la RDC ont dépassé 500 millions de dollars, auxquelles s’ajoutent environ 200 millions de dollars via le commerce transfrontalier informel. Les principaux produits exportés incluent le ciment, l’acier, les denrées alimentaires et les produits pétroliers.
L’intégration de la RDC dans la Communauté est-africaine (EAC) en 2022 a encore accéléré ces échanges, soutenue par des investissements dans les infrastructures, comme le poste frontalier de Mpondwe et les routes reliant l’Ouganda aux villes de l’est congolais. Maintenir la paix et renforcer les relations avec Kinshasa est donc crucial pour la croissance économique de l’Ouganda.
Une coopération sécuritaire renforcée sous Tshisekedi
Contrairement à l’administration de Kabila, qui bloquait les initiatives ougandaises sous prétexte de souveraineté, Tshisekedi a permis une coopération militaire accrue. L’opération conjointe « Shujaa », lancée par l’Ouganda et les forces congolaises, vise à neutraliser les ADF dans l’est du Congo. Par ailleurs, des rapports de l’ONU et des services de renseignement congolais accusent des réseaux proches de Kabila de soutenir des groupes armés comme le M23 et l’Alliance Fleuve Congo (AFC), qui déstabilisent l’est du pays et menacent les corridors commerciaux ougandais.
Tshisekedi a lui-même accusé Kabila d’être le « véritable leader » de l’AFC, qui s’est alliée au M23 pour combattre son gouvernement. Lors d’une récente visite à Goma, ville contrôlée par l’AFC/M23, Kabila a déclaré s’y sentir « plus en sécurité » qu’ailleurs en RDC, laissant entendre des liens étroits avec ces mouvements rebelles.
Les risques d’un retour de Kabila
Un retour de Kabila au pouvoir pourrait raviver l’insécurité le long des frontières ougandaises, compromettre le commerce et annuler les progrès sécuritaires obtenus. En dénonçant publiquement Kabila et en soutenant Tshisekedi, Muhoozi aligne l’Ouganda sur un agenda de stabilité régionale, alors que les voisins du Congo et les acteurs internationaux, notamment les États-Unis, œuvrent pour des accords de paix durables. Ses propos rassurent également Kinshasa de la loyauté de l’Ouganda, dans un contexte où des intérêts régionaux concurrents menacent les alliances.
Un marché stratégique pour l’Ouganda
Au-delà de la sécurité, l’est du Congo représente un marché inexploité pour les produits ougandais, avec des opportunités d’investissement dans l’agriculture, l’énergie, la construction et la logistique. Soutenir Tshisekedi permet à l’Ouganda de sécuriser ces intérêts économiques et de renforcer son rôle dans l’intégration régionale.
Les tweets de Muhoozi, bien que d’une franchise inhabituelle pour un haut responsable militaire, traduisent une stratégie calculée : l’avenir de l’Ouganda passe par un partenariat renforcé avec un leadership légitime et stable en RDC. Ils envoient un message clair : Kampala soutient les alliés de la stabilité, de la coopération économique et des efforts de paix internationaux, tout en se distanciant des acteurs accusés d’alimenter les conflits dans l’une des régions les plus riches mais les plus instables d’Afrique.
Alors que la RDC se prépare à sa prochaine transition politique, la bataille pour son futur leadership aura des répercussions majeures, non seulement pour les Congolais, mais aussi pour toute l’Afrique de l’Est.
FNK