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Kamerhe : la mort politique ?

Le Tribunal de Grande Instance de Kinshasa/Gombe a rendu son verdict dans le procès « 100 jours » ce samedi 20 juin 2020. Outre les décisions prises de confisquer les fonds contenus dans les comptes du principal accusé Vital Kamerhe, ancien directeur de cabinet du Chef de l’Etat, le Tribunal a ordonné la même sanction à l’endroit des comptes et biens de son épouse Hamida Shatur, de Soraya Mpiana, sa belle-fille et de Daniel Shangalume dit « Massaro », son neveu. Ce sont essentiellement des biens immobiliers acquis avec « les fonds détournés » qui sont ciblés.
DETOURNEMENT DE 48.831.148 $USD : SAMIH JAMMAL EN EXPULSION APRES EXECUTION DE LA PEINE ET KAMERHE
Le tribunal a prononcé les peines accessoires ci-après :
– A charge de SAMIH JAMMAL : la privation du droit à la condamnation ou à la libération conditionnelle et à la réhabilitation et l’expulsion définitive du territoire national, après l’exécution de la
peine ;
– A charge de KAMERHE LWA KANYIGINI Vital : l’interdiction pour 10 ans après l’exécution de la peine, du droit de vote et du droit d’éligibilité, l’interdiction d’accès aux fonctions publiques et paraétatiques quel qu’en soit l’échelon et la privation du droit à la condamnation ou à la libération conditionnelles et à la réhabilitation
;
DU DETOURNEMENT DE 2.137.500 $USD A CHARGE DE SAMIH JAMMAL ET KAMERHE
Le Tribunal les a condamné chacun à 10 ans de travaux forcés ainsi qu’aux peines accessoires ci-après :
– A charge de SAMIH JAMMAL : la privation du droit à la condamnation ou à la libération conditionnelle et à la réhabilitation ainsi que
l’expulsion définitive du territoire national, après l’exécution de la
peine ;
– A charge de KAMERHE LWA KANYIGINI Vital : l’interdiction pour 5 ans après l’exécution de la peine, du droit de vote et du droit
d’éligibilité ; l’interdiction d’accès aux fonctions publiques et
paraétatiques quel qu’en soit l’échelon et la privation du droit à la condamnation ou à la libération conditionnelle et à la réhabilitation
;
DU DETOURNEMENT DE 1.154.800 $USD : 2 ANS DES TRAVAUX FORCES POUR
KAMERHE ET MUHIMA NDOOLE JEANNOT
Le Tribunal de céans a constaté que tous les éléments constitutifs de l’infraction de détournement des deniers publics sont réunis ; partant, il dira celle-ci établie en fait et en droit à charge des prévenus KAMERHE LWA KANYIGINI Vital et MUHIMA NDOOLE Jeannot et les condamne chacun à 2 ans de travaux forcés ; Il a prononcé à leur charge, en plus, les peines accessoires suivantes : l’interdiction pour 5 ans après l’exécution de la peine, du droit de vote et du droit d’éligibilité, l’interdiction d’accès aux fonctions publiques et paraétatiques quel qu’en soit l’échelon et la privation du droit à la condamnation ou à la libération conditionnelle et à la réhabilitation
;
Somme toute, plusieurs observateurs font noter qu’au regard de ces sanctions, le sort politique de l’ancien Directeur de cabinet du Chef de l’Etat est désormais entre les mains des juges de la Cour d’Appel
de Kinshasa/Gombe où il va certainement interjeter appel dans les jours qui vont suivre. Ceux-ci, après avoir examiné son recours, devront soit confirmer les décisions du TGI/Gombe, soit les réduire ou encore les annuler. La dernière hypothèse semble improbable au regard de l’envie générale de l’opinion de vivre enfin une moralisation de la
vie publique.
Tchèques Bukasa/CONGOPROFOND.NET
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Ouganda-RDC : Muhoozi aligne Kampala derrière Tshisekedi

Le chef des forces armées ougandaises, le général Muhoozi Kainerugaba, a pris une position remarquablement directe sur l’avenir politique de la République démocratique du Congo (RDC). Dans une série de tweets percutants publiés vendredi, il a déclaré que l’ancien président Joseph Kabila ne devait en aucun cas revenir au pouvoir, tout en exprimant un soutien clair au président Félix Tshisekedi.
« Je ne laisserai pas Joseph Kabila redevenir président de la RDC ! Oubliez cette idée », a tweeté le général Muhoozi. Il a critiqué Kabila pour avoir permis aux Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe rebelle d’origine ougandaise, de s’installer dans l’est du Congo pendant près de deux décennies. « Kabila a laissé les ADF prospérer dans l’est de la RDC pendant 17 ans. Il ne nous a jamais autorisés à agir contre eux. Son Excellence Tshisekedi est bien meilleur à cet égard », a-t-il ajouté, avant de conclure : « Mon grand frère, Son Excellence Félix Tshisekedi, est le président de la RDC, et je le soutiendrai autant que possible. »
Ces déclarations sont intervenues à un moment clé, quelques heures après la signature, à Washington, d’une Déclaration de principes pour la paix entre le Rwanda et la RDC, sous l’égide des États-Unis et en présence du secrétaire d’État Marco Rubio. Cet accord engage les deux pays à respecter leur souveraineté respective, à promouvoir l’intégration régionale et à démanteler les groupes armés opérant le long de leurs frontières communes.
Les relations Ouganda-RDC : un enjeu économique majeur
Les liens entre l’Ouganda et la RDC se sont considérablement renforcés au cours de la dernière décennie. Selon la Banque de l’Ouganda, la RDC est désormais la deuxième destination des exportations ougandaises, après le Kenya. En 2023, les exportations officielles vers la RDC ont dépassé 500 millions de dollars, auxquelles s’ajoutent environ 200 millions de dollars via le commerce transfrontalier informel. Les principaux produits exportés incluent le ciment, l’acier, les denrées alimentaires et les produits pétroliers.
L’intégration de la RDC dans la Communauté est-africaine (EAC) en 2022 a encore accéléré ces échanges, soutenue par des investissements dans les infrastructures, comme le poste frontalier de Mpondwe et les routes reliant l’Ouganda aux villes de l’est congolais. Maintenir la paix et renforcer les relations avec Kinshasa est donc crucial pour la croissance économique de l’Ouganda.
Une coopération sécuritaire renforcée sous Tshisekedi
Contrairement à l’administration de Kabila, qui bloquait les initiatives ougandaises sous prétexte de souveraineté, Tshisekedi a permis une coopération militaire accrue. L’opération conjointe « Shujaa », lancée par l’Ouganda et les forces congolaises, vise à neutraliser les ADF dans l’est du Congo. Par ailleurs, des rapports de l’ONU et des services de renseignement congolais accusent des réseaux proches de Kabila de soutenir des groupes armés comme le M23 et l’Alliance Fleuve Congo (AFC), qui déstabilisent l’est du pays et menacent les corridors commerciaux ougandais.
Tshisekedi a lui-même accusé Kabila d’être le « véritable leader » de l’AFC, qui s’est alliée au M23 pour combattre son gouvernement. Lors d’une récente visite à Goma, ville contrôlée par l’AFC/M23, Kabila a déclaré s’y sentir « plus en sécurité » qu’ailleurs en RDC, laissant entendre des liens étroits avec ces mouvements rebelles.
Les risques d’un retour de Kabila
Un retour de Kabila au pouvoir pourrait raviver l’insécurité le long des frontières ougandaises, compromettre le commerce et annuler les progrès sécuritaires obtenus. En dénonçant publiquement Kabila et en soutenant Tshisekedi, Muhoozi aligne l’Ouganda sur un agenda de stabilité régionale, alors que les voisins du Congo et les acteurs internationaux, notamment les États-Unis, œuvrent pour des accords de paix durables. Ses propos rassurent également Kinshasa de la loyauté de l’Ouganda, dans un contexte où des intérêts régionaux concurrents menacent les alliances.
Un marché stratégique pour l’Ouganda
Au-delà de la sécurité, l’est du Congo représente un marché inexploité pour les produits ougandais, avec des opportunités d’investissement dans l’agriculture, l’énergie, la construction et la logistique. Soutenir Tshisekedi permet à l’Ouganda de sécuriser ces intérêts économiques et de renforcer son rôle dans l’intégration régionale.
Les tweets de Muhoozi, bien que d’une franchise inhabituelle pour un haut responsable militaire, traduisent une stratégie calculée : l’avenir de l’Ouganda passe par un partenariat renforcé avec un leadership légitime et stable en RDC. Ils envoient un message clair : Kampala soutient les alliés de la stabilité, de la coopération économique et des efforts de paix internationaux, tout en se distanciant des acteurs accusés d’alimenter les conflits dans l’une des régions les plus riches mais les plus instables d’Afrique.
Alors que la RDC se prépare à sa prochaine transition politique, la bataille pour son futur leadership aura des répercussions majeures, non seulement pour les Congolais, mais aussi pour toute l’Afrique de l’Est.
FNK