À la Une
Hugo N’Sundi : « l’Intelligence Economique doit être l’une des priorités de la politique publique de la RDC »
Hugo N’Sundi Zala est spécialiste de l’Economie numérique, avec plus de 5 ans d’expérience. Il est également secrétaire exécutif-Adjoint du Think tank CEVIST spécialisé en Intelligence Economique( IE). Convaincu que l’Etat doit primordialement avoir comme objectif d’orienter la politique de l’IE du pays, Hugo N’Sundi Zala rappelle aux décideurs que les guerres aujourd’hui sont plus économiques que militaires. Entretien.
CONGOPROFOND.NET: L’intelligence économique, on en parle de plus en plus. De quoi s’agit-il ?
Hugo N’Sundi Zala : J’aimerais décrire l’Intelligence économique comme un ensemble cohérent, normé et légal des démarches mises en place par une institution afin de protéger ses patrimoines, de créer de la valeur et d’influencer son environnement opérationnel. Pour ce faire, l’information joue un rôle crucial. Toute démarche d’Intelligence Economique (IE) passera alors par la collecte de l’information, son traitement, sa diffusion pour une prise de décision optimale.
L’IE est l’apanage de toute personne à la tête d’une institution publique ou privée, commerciale ou sans but lucratif, quelle que soit la taille ou le secteur d’activité.
Cependant, Les personnes à la tête d’une institution doivent savoir que l’IE est une approche, mais également un état d’esprit qui concerne toutes les parties prenantes du circuit économique. De ce fait, la mise en place réussie d’une démarche d’IE nécessite l’implication et la sensibilisation de l’ensemble des acteurs de l’institution, faisant de l’intelligence économique une fonction partagée.
CONGOPROFOND.NET: Parlez-nous de CEVIST
HNZ: CEVIST est un thinktank spécialisé en intelligence économique créé en 2018, par quatre chercheurs évoluant dans les secteurs privés et publics. Sa vision est de créer un cadre permettant de réflexion, d’innovation, de débat et de diffusions axées sur l’intelligence économique et d’influencer les décisions réflexion et des propositions d’innovation sur la définition et la mise en œuvre des politiques publiques et privées l’échelle tant nationale qu’internationale. L’intelligence économique étant un ensemble transversal de techniques, CEVIST s’est spécialisé dans les domaines suivants : Compétitivité et innovation Veille stratégique Droit et climat des affaires Système d’information Gestion des risques Politique économique
CONGOPROFOND.NET: Pourquoi mettre en œuvre un dispositif d’intelligence économique au sein d’une institution?
HNZ: Nous pratiquons tous de l’intelligence économique, en tout cas chacun en sa manière ; La ménagère (il se peut que ce soit un homme), le monsieur ou la dame tenant une boutique au coin de l’avenue, la PME ou la grosse boite au centre-ville, au même titre que la comptabilité.
Cependant, l’intelligence devient une discipline, donc sort du simple domaine de l’intuition, lorsque qu’elle revêt une approche organisée, normée et cohérente. Elle permettra à l’institution de répondre aisément à des questions cruciales que : Où doit être votre entreprise dans un horizon plus moins long ? Qui sont nos rivaux ? Que prévoient vos concurrents? Vers Quelles zones de marché foncer?
J’aimerais toutefois préciser que si l’IE peut aider une entreprise à répondre aux questions telles que celles évoquées ci-haut, l’approche devrait être sectorielle, temporelle Par conséquent, il est important pour une organisation de mettre en œuvre la veille concurrentielle de la manière la mieux adaptée à ses besoins, et qu’iln’y a pas des parchemins figés.
CONGOPROFOND.NET: L’IE est plutôt l’apanage des entreprises ou de l’Etat ?
HNZ: L’IE est l’apanage de ces deux acteurs, bien que les moyens et les enjeux ne sont pas les mêmes. L’Etat et les entreprises peuvent cependant se croiser dans certains domaines d’interventions et appliquer une démarche d’IE commune.
L’Etat a primordialement comme objectif d’orienter la politique de l’IE du pays, ce qui revêt un aspect macro et microprotecteur à la fois. N’oublions pas que les résultats des entreprises auront une influence sur l’Etat et les actions de ce dernier vont impacter les entreprises. Ils sont indissociables.
CONGOPROFOND.NET: Quelles sont les mesures susceptibles d’accélérer la promotion de l’intelligence économique en RDC?
HNZ: Nous pouvons affirmer qu’aujourd’hui la RDC est en reste quant à la pratique de l’intelligence économique tant au niveau national qu’au niveau des entreprises. La RDC doit comprendre que les guerres aujourd’hui sont plus économiques que militaires, le dollar américain est par exemple à juste titre l’instrument de guerre économique le plus puissant actuellement dans le monde. Le piratage informatique est l’une de plus grande menace qui pèse sur toutes les institutions aujourd’hui, tant privées que publiques.
La première des choses à faire à mon humble avis est de définir une politique nationale de renseignement-protection et stratégie économique. Cette dernière jettera le socle d’une vision nationale en ce qui concerne la pratique de l’IE à la fois de manière défensive et de manière offensive.
Ensuite le pays devra penser à la mise en place d’une institution indépendante, au plus haut niveau de l’Etat, qui pilotera la politique de défense économique nationale. Elle travaillera de concert avec d’autres institutions directement impliquées telles que le ministère du Plan, de l’Economie, l’Agence nationale de renseignement, le ministère de l’Economie, ou encore l’institut national de hautes études stratégiques et de défense et les entreprises dites stratégiques.
Le développement des programmes de formation professionnelle et académique en intelligence. Nous sommes convaincus que le monde académique, entendons par là : enseignants, chercheurs et étudiants, a un très grand rôle à jouer dans la vulgarisation de l’IE.
La mise en place d’un corps des professionnels de l’IE, oui nous pouvons affirmer que l’IE est un métier bien défini et que les experts en la matière peuvent être regroupés dans un corps de métier.
Sensibiliser les personnalités à la tête des institutions publiques et privées au concept IE, ce qu’il recouvre, ce qu’il permet d’apporter à une organisation, et surtout sa finalité et les métiers qui se rattachent à elle. (Activité de veille, gestion des risques, gestion de crise, sécurité informatique, compliance/conformité etc..). Cette appropriation de la démarche doit permettre aussi l’intégration de l’intelligence économique stratégique dans les processus de pilotage de l’entreprise.
C’est dans cette optique que le ThinkTank CEVIST organise une série des séminaires dénommée CRIE (Café-Réflexion sur l’Intelligence Economique) afin de vulgariser la pratique de l’IE dans le chef des décideurs économiques.
CONGOPROFOND.NET: un dernier mot?
HNZ: J’aimerais rappeler que le contexte économique a été chamboulé ces 30 dernières par la mondialisation, les nouvelles technologies de l’information, les fusions-acquisitions, etc. Cette évolution à vitesse a naturellement eu un impact sur le processus décisionnel et de réaction des institutions, sur leur compétitivité et leur pérennité comme corollaire.
L’IE se révèle être dans ce contexte un outil indispensable devant guider le pilotage stratégique de l’institution en éclairant le processus décisionnel et l’adaptation dans un environnement en perpétuelle mutation.
Dans ce contexte de guerre économique continue qui ne fait pas couler directement du sang, l’Etat congolais doit diligemment définir l’IE comme l’une des priorités de sa politique publique, il doit désormais agir comme celui qui donne l’impulsion aux entreprises. Ainsi, chez CEVIST, nous travaillons sans relâche afin d’intégrer les techniques de l’Intelligence économique dans le processus de pilotage stratégique des institutions tant publiques que privées en RD Congo;
De mettre l’intelligence économique au centre du débat des décideurs, des journalistes, des académiques et du grand public en leur donnant accès à un réseau d’économistes et juristes et informaticiens évoluant dans l’ensemble des milieux économique.
Propos recueillis par Tchèques Bukasa/CONGOPROFOND.NET
There is no ads to display, Please add some
À la Une
Guerre du M23/Rwanda : Des milliers de personnes fuient les combats en direction de Goma et au-delà
Les violents affrontements autour de la localité de Sake, dans l’est de la RDC, qui opposent l’armée congolaise, appuyée par ses alliés locaux, et le M23, soutenu par le Rwanda, poussent des milliers d’habitants de la région à fuir les combats. Si la plupart vont chercher refuge à Goma, le chef-lieu de la province du Nord-Kivu situé à seulement une vingtaine de kilomètres de là, d’autres préfèrent aller au-delà et franchir la frontière avec le Rwanda. Reportage.
À Goma, en RDC, l’angoisse est palpable sur la route principale qui relie les quartiers de Ndosho et de Katindo. Des colonnes de déplacés circulent à pied, à moto ou en bus en direction du chef-lieu de la province du Nord-Kivu. Désespérées, Alice et Kanyere racontent leur calvaire. « Il y a de nombreuses détonations et des avions qui bombardent là d’où nous venons. Il y a aussi beaucoup de militaires sur la route. Tout le monde s’enfuit ! », confie la première. « Beaucoup de bombes explosent et les balles sifflent. Nous avons dû quitter les huttes de notre camp, témoigne la seconde, dépitée, avant de poursuivre : je n’ai pas de famille à Goma. Il faut que le gouvernement termine la guerre ! »
Âgé d’une trentaine d’années, Haguma Banga marche, lui, avec un matelas sur la tête. Après avoir fui Sake, il est toujours sans nouvelle de sa famille. « Je ne sais pas où sont ma femme et mes cinq enfants. Ce serait un miracle de les retrouver », se désole-t-il.
A l’hôpital CBCA Ndosho, le personnel soignant s’active pour recevoir les blessés qui affluent également en masse, comme Mariam Kashindi, 22 ans, qui a quitté Sake en urgence après avoir reçu un éclat d’obus dans le bras. « Nous avions commencé à fuir, nous étions devant le marché de Mubambiro quand ma fille a été touchée par une bombe dont les éclats m’ont atteint, raconte-t-elle avant de poursuivre : nous fuyons le M23. J’ai trois enfants. L’un a été blessé, quant à l’autre, je ne sais pas où il est ».
« Nous étions un groupe de femmes, plusieurs sont mortes sur le coup »
Un peu plus loin, Neema Jeannette pleure allongée sur un lit. Elle a été touchée par une explosion alors qu’elle se trouvait avec un groupe d’amies. « Une bombe est tombée sur nous. Nous étions un groupe de femmes, plusieurs sont mortes sur le coup. Moi, je suis la seule survivante. Je remercie le CICR de m’avoir prise en charge à l’hôpital », sanglote-t-elle.
Cheffe de la sous-délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Nord-Kivu, Miriam Favier explique que l’établissement a été contraint d’activer ses quatre blocs opératoires en raison de l’afflux de blessés. « Depuis ce matin, plus de 70 patients sont déjà arrivés et ce n’est pas fini. C’est assez inquiétant », déplore-t-elle.
Si, à Goma, les autorités militaires comme la société civile appellent au calme, des écoles et plusieurs boutiques ont toutefois fermé leurs portes, tout comme l’Institut français, qui a décidé de suspendre temporairement ses activités. Les billets de tous les spectacles annulés seront intégralement remboursés, explique la structure dans un communiqué.
« Même ici, on vient d’entendre un obus tomber »
Anticipant une nouvelle dégradation de la situation sécuritaire, certains habitants ont, quant à eux, décidé de prendre les devants et sont passés au Rwanda voisin, où ils ont trouvé refuge dans la ville frontalière de Rubavu pour la plupart. « Mon mari habite ici, il m’a dit de le rejoindre pour fuir la panique qui s’empare de la ville de Goma », déclare ainsi Amina, une valise à la main et accompagnée de ses deux enfants.
Innocent, lui, a trouvé une chambre dans un hôtel. « Il y avait foule au niveau de la douane, c’était plein à craquer, rapporte-t-il. Alors, quand on a des enfants en bas âge, on ne va pas attendre la dernière minute pour partir, car on ne sait pas vraiment ce qu’il va se passer, on n’est pas sur la ligne de front. Même ici, on vient d’entendre un obus tomber, alors imaginez : quand on est à Goma, c’est comme si l’explosion avait lieu dans la parcelle d’à côté. Voilà pourquoi on a décidé de partir » poursuit celui-ci.
Comme beaucoup d’autres habitants du chef-lieu du Nord-Kivu, Innocent prévoit de rester à Rubavu, le temps de voir comment évolue la situation, avec l’espoir de pouvoir rentrer chez lui le plus rapidement possible.
RFI
There is no ads to display, Please add some