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Haut-Uélé : A qui profite la ruée des Chinois dans les mines artisanales ? ( Enquête CONGOPROFOND.NET)

La réunion hebdomadaire du gouvernement qui s’est tenue le 12 août 2022 à Kinshasa, a fait mention des exploitations des activités minières en République Démocratique du Congo en violation des dispositions du code minier relatif à l’exploitation artisanale. Le cas de la province du Haut-Uélé a été, dans ce cadre, évoqué et le Président de la République, Félix Tshisekedi, a d’ailleurs à cet effet instruit le gouvernement par l’entremise du Vice-Premier ministre, ministre de l’intérieur Daniel Aselo, avec l’implication étroite de la ministre de la Justice ainsi que celle des Mines, à prendre des actions urgentes pour stopper ces exploitations illicites. Dès lors, la rédaction du CONGOPROFOND.NET s’est posée la pertinente et légitime question de savoir à qui profite ces exploitations illicites de l’or dans la province du Haut-Uélé ? Apres au moins cinq jours d’enquête avec nos correspondants sur le terrain dans le Haut-Uélé, une tentative de réponse se profile : « L’EMPIRE NANGAA » se taillerait une part de lion dans cette transaction illicite !
Nul n’ignore que cette juteuse province du Haut-Uélé est dirigée de main de fer par Christophe Nangaa Baseane qui n’est autre que le petit-frère de Corneille Nangaa, l’ancien président de la CENI. Comme s’il s’agissait purement d’une affaire de famille, le purificateur et le propriétaire d’une grande partie de l’or exploité par les engins des chinois n’est autre que Didier Nangaa, petit-frère du gouverneur Christophe Nangaa. Point n’est besoin de parler du népotisme puisqu’il en est vraiment un.
Interrogé par CONGOPROFOND.NET, le conseiller spécial du gouverneur en matière de Communication, Nangana, a fait savoir que l’exécutif provincial attend la délégation du gouvernement central qui va mener des enquêtes devant infirmer ou confirmer les informations publiées au niveau du conseil des ministres. » Mais ce que vous devez savoir, les Chinois sont des hommes d’affaires. La plupart d’entre eux qui sont ici viennent de l’Ituri. Donc, certains ont tous les documents. Et quand ils sont arrivés ici, ils étaient entrain de fuir l’insécurité grandissante au niveau de l’Ituri pour s’associer avec quelques coopératives minières de la place… », a-t-il d’entrée de jeu déclaré.
D’ores et déjà, indique ce proche collaborateur de Christophe Nangaa, le gouvernement provincial ne délivre pas le permis de recherche ou d’exploitation. « Ces permis là, s’octroient à Kinshasa, en tout cas, il faut en tenir compte ! », a-t-il précisé.
A la question de savoir : combien des Chinois y a-t-il exactement, le conseiller spécial Nangana botte en touche : » Nous attendons la commission, pour descendre sur terrain. Ce n’est qu’après la descente de la commission, qu’on pourra rendre public le résultat des enquêtes menées. Donc, dans peu de temps. Il faut que tout soit vérifié sur terrain, pour qu’il y ait un communiqué qui sera publié quant à ce ».
Comment expliquer que les Chinois qui viennent d’arriver, utilisent des gros engins ? Réponse : « En tout cas, nous attendons que la délégation arrive, pour nous dire qu’est-ce qui est appelé gros engins pour qu’on le sache tous. On doit faire la différence entre ces machines là ».
Au sujet des sources qui disent que c’est avec la bénédiction du gouvernorat et des notables, notamment l’empire Naanga, que les Chinois obtiennent toutes ces facilités, le conseiller spécial souligne que cela s’appelle, « spéculation« . Pour lui, dans le Code minier, le gouverneur n’a aucun pouvoir, tout se fait à Kinshasa. » Quand quelqu’un quitte Pékin, il arrive à Kinshasa. C’est là qu’il s’obtient tous les documents. Et lui quand il arrive en province avec tous ses documents, toi en tant que gouverneur qui est censé faire respecter les décisions du gouvernement central, tu dois faire quoi ? Nous sommes dans un monde politique, donc il faut comprendre que tout ce qui se dit ce sont des spéculations. J’ai demandé aux gens qu’ils nous publient la preuve d’un contrat que le gouverneur a signé avec un Chinois, ça n’a pas été fait. C’est pour te dire que, tu ne le trouveras nulle part. Mais le gouverneur a droit de sécuriser les investisseurs qui viennent, il a droit de sécuriser la population, et il a droit de faire en sorte que, quelqu’un qui vient en bonne et due forme, soit sécurisé dans la province. Tu comprendras que ceux qui citent la famille Naanga, veulent tout simplement créer des querelles politiciennes. Parce que dans le communiqué publié par le gouvernement, nulle part, on n’a cité le nom du gouverneur. On parle plutôt de la province du Haut-Uélé et non du gouverneur ! », a-t-il conclu.
Des questions sans réponses…
Pour les observateurs, un gouverneur de la province digne de ce nom est supposé avoir une maitrise des expatriés présents dans sa province grâce à ses services et le rapport lui fournit régulièrement par son ministre provincial de l’Intérieur et de la sécurité. Si ces expatriés pénètrent dans la zone d’exploitation artisanale, ce qui est illégal, cette intrusion doit être nécessairement avec son accord ou avec ceux de ses ministre de l’Intérieur et des Mines qui les lui ont présentés pour approbation. Un erratum dans ce cas pourrait même provoqué une crise diplomatique. Le cas du décès inopiné, ces derniers jours, d’un sujet chinois enseveli sous la terre sur le terrain d’exploitation de l’or dans la province du Haut-Uélé en est un exemple.
Hormis cette exploitation illégale par les Chinois et les Ougandais, en collaboration étroite avec Didier Nangaa dans certains lieu d’exploitation, il y a le sort de ceux qu’on appelle « les boulonneurs » c’est-à-dire les petits exploitants artisanaux.
Ceux-ci ne se retrouvent plus puisque eux creusent pratiquement dans la surface et s’enfoncent pas plus loin dans la terre, alors que les Chinois et les Ougandais utilisent des gros engins et creusent en profondeur. Ils utilisent des gros tamiseurs de type industriel, selon plusieurs témoignages rapportés à CONGOPROFOND.NET. Du coup, leur milieu d’exploitation artisanale qui est une survie économique est devenue un lieu d’exploitation industrielle. En cela s’ajoute une destruction sans précèdent de l’écosystème dans la province par la pollution de la forêt et des rivières.
Toujours dans le cadre de cette exploitation illicite, la synergie des Sociétés civiles élargies aux mouvements citoyens et aux associations de la province du Haut-Uélé ont adressé une correspondance au Chef de l’Etat pour l’encourager et le féliciter de cette belle initiative de l’envoi d’une commission d’enquête dans la province du Haut-Uélé.
Pour la synergie, cette exploitation illicite par les étrangers bénéficient de la complicité des compatriotes congolais et cela à tous les niveaux des pouvoirs. La synergie est donc prête à collaborer avec la commission d’enquête pour lui permettre de faire un bon travail sur le terrain afin d’éviter qu’elle connaisse d’entrave et tombe dans la corruption puisque le risque est majeur.
Les populations du Haut-Uélé sont enfin contentes que leurs cris de détresse soit parvenu aux oreilles du chef de l’Etat et espèrent cette fois-ci que la vérité sur cette exploitation illicite des minerais soit mise à public et que les coupables soient punis et ça sera justice.
Tchèques Bukasa/CONGOPROFOND.NET
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Kinshasa perd une plume d’or : Sénado alias « Général Bowane » s’en est allé

Kinshasa pleure l’un de ses enfants prodiges. Sénado Mananasi, connu encore sous le nom de « Général Bowane », s’est éteint, emportant avec lui un pan discret mais fondamental de l’histoire musicale congolaise. Auteur, compositeur, parolier de l’ombre, il était pourtant la source lumineuse derrière des tubes devenus cultes dans les années 80 et 90.
Natif de Kingasani, dans le district populaire de la Tshangu, Sénado a été bercé dès l’enfance par l’effervescence musicale de Kinshasa. Vers le milieu des années 1980, il entre dans les orchestres Balafon et Select Musica de Malembe Chant, où sa voix suave et son sens inné de la mélodie le rendent vite incontournable.
Mais c’est surtout par la plume que le Général Bowane se distingue. Il signe en effet « Sai Sai », chanson mythique interprétée par Papa Wemba, devenue un succès planétaire. Un titre qui a traversé les frontières du Congo pour résonner jusqu’en Europe et dans les diasporas africaines. Peu savent que derrière cette pépite, se cachait ce parolier modeste, attaché à sa Tshangu natale.
Sénado a également prêté son talent à de nombreuses formations musicales de Kinshasa. Plusieurs chansons interprétées par le clan Wenge Musica portent sa signature, preuve de son ancrage profond dans la sève artistique qui a nourri une génération entière. Les archives officieuses de la musique congolaise regorgent de ces refrains populaires dont il fut l’architecte discret.
Par ailleurs, il était le grand frère de Chai Ngenge, ancien membre éminent du groupe Wenge BCBG de JB Mpiana. Une fratrie musicale donc, dont l’influence s’étend sur plusieurs décennies de rumba, de ndombolo et de toutes les hybridations qui ont fait la renommée du « son kinois ».
L’annonce de sa mort a suscité une vive émotion parmi les mélomanes, les artistes, et ceux qui, dans l’ombre comme lui, œuvrent à l’immortalité de la culture congolaise. Les hommages affluent, mais nombreux sont ceux qui regrettent que Sénado n’ait jamais reçu de reconnaissance à la mesure de son apport. Comme tant d’autres génies silencieux de la scène congolaise, il s’en va sans disques d’or, mais avec l’or des cœurs.
Son parcours rappelle cruellement combien la mémoire musicale congolaise est souvent injuste avec ses bâtisseurs. Le Général Bowane n’était pas une figure de paille : il était un passeur d’émotion, un faiseur de classiques, un pilier invisible d’une époque d’or.
Tchèques Bukasa/CONGOPROFOND.NET