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FCC-Lamuka : bras dessus, bras dessous ! (Tribune de Cyprien Kapuku Kabunda, analyste politique)

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« L’homme est un éternel insatisfait ». Cette pensée vient à l’esprit lorsqu’une  minorité qui se considère majoritaire appelle, sans discernement, au retour de l’ancien régime du président Kabila. Main dans la main, bras dessus, bras dessous, FCC, Lamuka et d’autres forces conspiratrices font désormais un. Ils vont marcher pour dénoncer en gros « la dérive totalitaire ». Dans leur rôle des vendeurs d’illusions, ils sont capables de transformer les biens de l’actuel gouvernement en mal. Ils ne s’en cachent pas.

Au nom d’une bouille idéologique qui mêle veilles lunes et nouveaux combats politiques, ils se sont distribués les rôles avec des lignes éditoriales bien précises. Les uns ne parlent que du mal de la personne du président de la République, d’autres se contentent  de décourager les FARDC aux fronts dans l’espoir de voir surgir un mouvement rebelle qui perturberait tout le programme social du gouvernement. Leur joie qui a entouré la tentative avortée de M23 en dit long.

Mais les plus cyniques dans cette sale besogne sont ceux qui ont accepté de jouer le rôle de déstabiliser le pays tant à l’interne qu’à l’externe. Ils sont aussi parmi ceux qui maudissent l’état de siège. L’intérêt général de la nation, le plus souvent, relégué au second plan.

La bonne culture, celle d’encourager des actions positives, est renvoyée aux formes subtiles d’une colère négative : la haine. Ce qui compte, c’est le retour aux affaires de ceux qui ont causé tout le mal du monde au peuple congolais.

Perte de mémoire

Certains Congolais,  qui n’ont visiblement rien appris et compris des souffrances atroces, manière de gouverner de l’ancien régime, veulent encore revivre Sodome et Gomorrhe.
Pour rien au monde, les Congolais éclairés n’aimeraient plus, même dans le scénario d’un rêve, penser encore à ce régime. Sauf ceux qui ont le goût du sang et de la fraude.

On peut donc s’étonner de les entendre dire : la souffrance a atteint son paroxysme, la dictature est pire qu’elle ne l’a été. Certes, le social traine les pas. En même temps le gouvernement essaye  par tous les moyens de desserrer les contraintes socio-économiques qui pèsent sur la population.

Mais le chantage à la « dérive totalitaire » dont ils accusent le nouveau régime sonne faux quand il émane de ceux-là qui avaient pour Constitution, les désirs exprimés de leur maître. Chaque mois, les réseaux sociaux devaient être coupés. « Nini tosali te », chanson considérée très critique vis-à-vis du gouvernement Sama Lukonde, continue de gagner en « Vues » sans que personne ne soit jeté dans l’abîme comme ce fut le cas dans un passé récent. Signe que le sacerdoce a véritablement changé en République démocratique du Congo.

Aujourd’hui, ils marchent ensemble pour la suppression du RAM. Ils marchent ensemble pour dénoncer les détournements des fonds, alors qu’ils n’ont pas eu pitié des finances publiques du pays, transformées en finances privées. Il suffisait d’appartenir au casque pour se prévaloir les « droits de tirage spéciaux ».

Ils se réjouissent de « Nini tosali te », pendant que les Congolais pouvaient aussi facilement descendre vivants dans les fosses communes comme une lettre à la poste, pour avoir simplement manifesté l’intention de s’opposer au régime passé.

Des arrestations arbitraires, des assassinats ciblés, des procès bidon étaient devenus monnaie courante… Tout ceci ne date pas du siècle passé. Des choses vécues plus près de nous. Incroyable revirement, c’est le diable d’hier qui veut se cacher derrière les habits des saints.

« Nini le régime passé asali te ya bana contre le peuple et le pays ». Voilà le titre que le MPR devait chanter. Heureusement, la consommation de cette chanson, qui a fait les affaires l’opposition reconstituée, est en elle-même la preuve d’un très large espace de la liberté d’expression que le régime de Félix garantit aux Congolais de tout bord.

Cyprien Kapuku Kabunda, Analyste politique

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Valentin Yves Mudimbe s’en est allé, mais sa parole demeure : l’Afrique orpheline d’un géant de la pensée

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Ce jour, la République Démocratique du Congo, l’Afrique et le monde intellectuel viennent de perdre un monument. Valentin Yves Mudimbe, philosophe, écrivain et penseur hors pair, s’est éteint aux États-Unis, laissant derrière lui une œuvre aussi dense que subversive, une parole aussi lucide qu’indomptable.

Né en 1941 à Jadotville (actuelle Likasi), en RDC, Valentin Yves Mudimbe fut l’un des intellectuels africains les plus influents du XXᵉ et du XXIᵉ siècle. Professeur émérite à l’Université Duke, anthropologue, linguiste et romancier, il a marqué les sciences humaines par sa critique radicale des épistémologies coloniales et sa déconstruction des discours dominants sur l’Afrique.

Son œuvre majeure, The Invention of Africa (1988), reste un texte fondateur des études postcoloniales. Mudimbe y démontre comment l’Afrique a été « inventée » par le regard occidental, à travers des catégories de savoir qui ont nié ses propres logiques de pensée. Pour lui, « l’Afrique n’existe pas en dehors des représentations qui la constituent », une thèse qui a révolutionné la manière d’appréhender le continent.

Yves Mudimbe n’était pas seulement un théoricien : c’était un penseur du soupçon, toujours en éveil face aux illusions des idéologies, qu’elles soient coloniales, nationalistes ou néolibérales. Dans L’Odeur du père (1982), il explore les contradictions des élites africaines post-indépendances, dénonçant leur aliénation mimétique. Son roman Entre les eaux (1973) questionne la tension entre engagement politique et spiritualité.

Il a révélé sa propre trajectoire de prêtre jésuite devenu philosophe laïc. Ses travaux sur Foucault, Derrida et les structuralistes européens en font un passeur exceptionnel entre les traditions intellectuelles africaines et occidentales. Pourtant, il refusait toute étiquette : « Je ne suis ni un afrocentriste, ni un occidentaliste. Je suis un penseur de la fracture, de l’entre-deux », disait-il.

Aujourd’hui, alors que l’Afrique est confrontée à de nouveaux défis – néocolonialismes économiques, crises démocratiques, guerres d’influence –, la pensée de Mudimbe reste d’une brûlante actualité. Son questionnement sur « les conditions de production du savoir africain » invite à repenser l’université, la recherche et les médias du continent. Il laisse derrière lui des disciples à travers le monde. Des chercheurs qui continuent de déconstruire les récits hégémoniques.

« Mudimbe nous a appris à douter, à interroger nos propres certitudes ». La RDC en deuil mais l’Afrique en héritage, conclut le polymathe, cet autre géant de la pensée post-coloniale. Le Congo pleure l’un de ses plus grands fils, mais son héritage est impérissable. Dans un pays souvent meurtri par l’amnésie historique, Yves Mudimbe rappelait que « la mémoire est un acte de résistance ».

Alors que les hommages affluent du monde entier – de Paris à Johannesburg, de Dakar à New York –, une certitude s’impose : Yves Mudimbe est mort, mais sa parole, elle, ne mourra jamais. « Les mots ne sont pas innocents. Ils portent en eux la violence de l’histoire. » — Valentin Yves Mudimbe

TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR

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