Culture
Duel d’intellectuels : Le choc Mudimbe-Ngal raconté par Huit Mulongo
Valentin-Yves Mudimbe, plus connu sous le nom de Mudimbe Vumbi Yoka, s’est éteint à l’âge de 83 ans. Figure majeure de la pensée critique africaine, il laisse derrière lui une œuvre monumentale qui continuera d’inspirer les générations à venir.
À Lubumbashi, le professeur émérite Huit Mulongo Kalonda Bâ Mpeta évoque la mémoire de celui qu’il considère comme un géant de la littérature et de la linguistique, mais aussi l’un des artisans d’un moment intellectuel fondateur : la querelle l’opposant à Georges Ngal Mbwil A Mpaang, autre intellectuel congolais de renom.
Cette rivalité, survenue dans les années 1970 à l’Université nationale du Zaïre (aujourd’hui Université de Lubumbashi), s’est nourrie autant de divergences intellectuelles que de tensions communautaires. Mudimbe revenait de Louvain avec un doctorat en philologie romane, tandis que Georges Ngal rentrait de Genève. Rapidement, les clivages régionaux exacerbés par le contexte universitaire de l’époque prennent le dessus : les assistants kasaïens soutiennent Mudimbe, les assistants du Bandundu se rangent derrière Ngal. Une polarisation qui va nourrir un affrontement feutré mais fécond.
« Ils ont mené une guerre savante, chacun persuadé d’incarner la vraie légitimité intellectuelle », raconte le professeur Mulongo, soulignant le caractère inédit et longtemps tu de cet épisode.
Ce conflit se transpose rapidement dans leurs œuvres. Certains lecteurs identifient Georges Ngal sous les traits de Pierre Landu dans Entre les eaux de Mudimbe. En retour, Giambatista Viko ou Le viol du discours africain de Ngal est perçu par les proches de Mudimbe comme une charge directe contre ce dernier, accusé d’arrogance et de mimétisme occidental.
L’affaire prend une telle ampleur qu’elle attire l’attention du président Mobutu lui-même.
Mais pour Huit Mulongo, cette opposition fut salutaire : « Cette querelle a stimulé la création littéraire et ravivé le débat intellectuel. Elle a servi d’accélérateur pour toute une génération. »
Né à Likasi, Mudimbe fut le premier doyen noir de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’université de Lubumbashi. Il révolutionna l’approche critique de l’Afrique avec son essai majeur The Invention of Africa, plaidoyer pour une réappropriation radicale du savoir africain.
Patient Mubiayi MBY/CONGOPROFOND.NET
Société
Bandalungwa : 2 mois dans le noir, la SNEL et les autorités locales accusées d’abandon
Voilà maintenant deux mois que le quartier Lubudi, dans la commune de Bandalungwa, vit plongé dans une obscurité totale. Depuis le 5 septembre 2025, le courant électrique n’a plus refait surface dans les foyers, laissant la population dans un désarroi profond.
Ce qui choque davantage, selon les habitants, c’est le silence assourdissant de la Société nationale d’électricité (SNEL).
« Aucune communication, aucune descente, aucun technicien sur le terrain. Rien ! », déplorent les résidents.
Pourtant, Bandalungwa n’est pas un quartier périphérique ou enclavé. Située non loin du centre-ville de Kinshasa, cette commune fait partie des plus connues et des plus actives de la capitale.
Chaque soir, dès 18h, le quartier Lubudi est plongé dans un noir complet, une situation que les habitants qualifient de « villageoise », tant elle paraît inconcevable au cœur de Kinshasa.
Historiquement, la zone était alimentée par la ligne dite des “5 chantiers”, héritée du précédent régime. Si cette ligne offrait jadis un courant relativement stable, le temps et le manque d’entretien ont fini par la rendre quasi inutilisable.
La population s’était alors rabattue sur une autre source d’alimentation : la ligne de « camp militaires », du côté séparant Bandal de la zone Jamaïque. Cette solution parallèle, bien que fragile, avait permis à plusieurs ménages de respirer un temps.
Mais là encore, la panne est survenue. Et depuis septembre, plus aucune ligne ne fonctionne.
« Toutes les lignes sont abîmées. Nous sommes totalement abandonnés », déplore un habitant.
Au-delà de la SNEL, les habitants pointent aussi la passivité des autorités municipales. Ni le bourgmestre de Bandalungwa, ni les élus provinciaux, ni les services communaux n’auraient effectué la moindre descente de terrain pour constater la situation.
« Ces gens sont censés être proches de la population, connaître les réalités de leur commune. Mais depuis deux mois, personne n’est venu voir ce que nous vivons », s’indigne un riverain.
L’absence prolongée d’électricité a aussi favorisé une montée de l’insécurité.
Les « kulunas » et autres délinquants profitent du noir pour multiplier les vols, agressions et cambriolages. Les habitants redoutent la tombée de la nuit et demandent au gouvernement de réagir avant qu’un drame ne survienne.
Les habitants du quartier Lubudi lancent un SOS pressant à la SNEL et aux autorités provinciales de Kinshasa.
Ils réclament la réhabilitation urgente des lignes électriques et l’extension du système de courant prépayé, qu’ils espèrent plus fiable et transparent.
« Nous ne demandons pas la lune. Nous voulons juste la lumière. Deux mois dans le noir, c’est trop », conclut un résident.
Dorcas Mwavita
