Analyses et points de vue
Débat autour de la constitutionnalité des actes juridiques de F. Tshisekedi : Christophe Mboso répond à Affis Mazu
La légalité de l’ordonnance portant nomination du premier ministre Ilunga Ilunkamba, pris par le chef de l’Etat de la République démocratique du Congo met aux prises les juristes et les doctrinaires.
Un avocat, Me Affiss Mazu Makumbu, avocat au Barreau de Kwilu et membre au cabinet d’avocats Okoko, a déposé une requête à la Cour Constitutionnelle pour exiger l’annulation des ordonnances du 20 mai 2019 portant nomination d’un premier ministre et celle du 26 août 2019 portant nomination des vice-premiers ministres, ministres d’État, ministres délégués et vice-ministres.
Selon le juriste, ces actes pris par le chef de l’État ont porté atteinte à la constitution à son article 78 in fine et 79 alinéa 3. Dans sa requête, il invite la Cour Constitutionnelle à constater que ces ordonnances ont violé la Constitution de la République. C’est ainsi, souligne-t-il, au regard des articles 160 et 162 alinéa 2ème de la constitution de la RDC, votre Cour constatera une violation cruelle de la procédure en la matière.
Cet avocat demande à la Haute Cour de juger recevable et fondée sa requête et d’abroger ces deux ordonnances qui sont le fruit « d’un accord privé FCC-CACH », coalition gouvernementale « qui n’engage en rien la République et ne supplante pas les dispositions constitutionnelles ».
A l’égard de ses remarques, il invite la Cour Constitutionnelle d’ordonner au chef de l’État de mettre en place un gouvernement dans le respect strict de la constitution, en nommant un informateur.
Réagissant à ce propos, le député national Mboso Nkodiampwanga, élu de Kenge dans le Kwango et président national du parti politique Convention pour la République et la Démocratie (CRD, membre du Front Commun pour le Congo), fait remarquer que la requête de Mazu Makambu Affis est infondée. « Après une lecture attentive de la requête, il me semble que la requête de Me Mazu Makambu Affis pourra subir un rejet donc non fondé par défaut d’intérêt et par défaut de qualité », a écrit Mboso Nkodiampwanga sur Tribune de Kenge (un forum WhatsApp dédié à l’intelligentsia kwangolaise).
L’élu de Kenge se montre très avisé : « Même s’il s’appuie sur les articles 160 in fine et 162 alinéa 3 de la Constitution, il sera difficile de présenter l’exception d’inconstitutionnalité des ordonnances incriminées par lui et qui auraient porté préjudices à son parti, à lui-même ou à ses regroupements politiques ».
Comme devant la barre, Mboso Nkodiampwanga, bien rodé dans la matière, assure que Affis Mazu «ne saura pas prouver devant la Cour l’existence réelle d’une majorité parlementaire autre que celle à laquelle appartienne le Premier Ministre, chef du Gouvernement, Ilunga Ilunkamba Sylvestre ».
Le leader de la CRD précise que « l’argument que l’avocat tente de tirer des articles 78 et 79 alinéa 3 de la Constitution apporte aucun fondement à l’appui de sa requête, téméraire et vexatoire ».
Dans un accent moqueur, il fait aussi remarquer, à la lumière de son observation de faits politiques et juridiques actuels, que « tout le monde peut invoquer la République pour assouvir ses rêves. Cependant, cette invocation n’est ni argument suffisant ni convaincant pour emporter la conviction des honorables juges de la Haute Cour ».
Contacté par CONGOPROFOND.NET, le député national a rassuré détenir de nombreux autres arguments pour démontrer, si nécessaire, l’infécondité de la requête du juriste Mazu.
Emile YIMBU/CONGOPROFOND.NET
Analyses et points de vue
Tribune : “Ils servent à quoi ?” – Quand le service public trahit le peuple congolais ( Par Régis Mbuyi Ngudie/Philosophe, communicologue et penseur libre)
Face à la détresse du peuple congolais, une question s’impose, simple mais percutante : ils servent à quoi ? Cette interrogation, loin d’être une provocation, exprime la profonde lassitude d’un peuple qui ne comprend plus le sens du mot service public. Car comment expliquer que, dans un pays si riche en ressources naturelles, la pauvreté soit devenue une norme et la misère, un destin ?
À quoi sert le Directeur général de la SNEL, s’il n’y a pas d’électricité dans les foyers, même chez ceux qui paient régulièrement le prépayé ? Dans plusieurs quartiers de Kinshasa, la lumière est devenue un luxe. Des ménages passent des jours entiers dans le noir pendant que les autorités multiplient les promesses.
Et la Régie des Eaux, à quoi sert-elle si des pans entiers de la capitale et des provinces n’ont toujours pas accès à l’eau potable ? Comment comprendre que des familles, épuisées, doivent acheter de l’eau à des prix exorbitants tout en recevant des factures salées pour un service inexistant ?
Et la Police nationale congolaise, à quoi sert-elle si l’insécurité s’installe comme une seconde nature ? Chaque jour, des citoyens sont agressés, volés, parfois tués, pendant que les institutions censées protéger se contentent d’observer. L’insécurité a cessé d’être un phénomène ; elle est devenue un système.
Pendant ce temps, le pouvoir d’achat s’effondre. Le taux du dollar fluctue, mais jamais au profit du citoyen. Les prix des denrées alimentaires s’envolent, les salaires stagnent. Des fonctionnaires de l’État passent des mois sans salaire, mais continuent d’accomplir leur devoir avec résignation. À quoi sert donc l’administration publique, si ceux qui la font vivre sont traités avec indifférence ?
Et que dire des églises, présentes à chaque coin de rue, mais impuissantes à guérir le mal profond de la société ? L’Évangile s’est transformé en spectacle et la foi, en commerce. Où est passée la puissance de l’amour chrétien — celui qui pousse à aimer, à aider, à partager ? La spiritualité a déserté le quotidien, remplacée par une religiosité de façade qui ne change ni les cœurs ni les comportements.
Nos parlementaires, quant à eux, semblent vivre dans un autre monde. Les grands débats nationaux tournent autour des ambitions personnelles, des alliances politiques, des calculs électoraux. Pendant ce temps, les vrais problèmes — chômage, faim, santé, éducation — sont relégués au second plan. Le peuple, lui, continue de souffrir en silence, trahi par ceux qu’il a élus pour le représenter.
Mais la responsabilité ne revient pas seulement aux dirigeants. Et nous, peuple congolais ? À quoi servons-nous, si nous restons spectateurs de notre propre malheur ? Notre silence face à l’injustice est devenu une complicité. Nous crions notre douleur, mais refusons d’agir. Nous dénonçons la corruption, mais la reproduisons à petite échelle dans nos gestes quotidiens. Nous attendons un sauveur, au lieu de devenir le changement que nous espérons.
Le Congo ne se relèvera pas par miracle. Il se relèvera par la conscience, le courage et la responsabilité de ses fils et filles. Les dirigeants doivent se souvenir qu’ils sont les serviteurs du peuple, non ses maîtres. Et le peuple doit comprendre qu’un pays ne change que lorsque ses citoyens cessent d’accepter l’inacceptable.
Alors, la question demeure, brûlante et urgente : Ils servent à quoi ?
Mais surtout : nous servons à quoi, si nous continuons à nous taire ?
