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Consultations présidentielles : tous les gouverneurs sommés d’être à Kinshasa !

En sa qualité de patron de la Territoriale, Gilbert Kankonde Malamba vient d’ordonner à tous les gouverneurs des provinces de prendre des dispositions pour se rendre à Kinshasa pour participer aux consultations politiques initiées par le Chef de l’État, Félix Antoine Tshisekedi, en vue de la création de l’Union Sacrée de la Nation.
La correspondance du vice-premier ministre, ministre de l’Intérieur Gilbert Kankonde Malamba, dont une copie est parvenue à la rédaction de CONGOPROFOND.NET ce mardi 10 novembre 2020, intervient en plein crise de confiance entre la coalition de Joseph Kabila Kabange de laquelle est issue la majorité des gouverneurs des provinces, et la Cap pour le Changement( CACH) du Chef de l’État Félix Antoine Tshisekedi.
Au sein de l’opinion, les avis sont partagés. Certains pensent que les consultations initiées par le Chef de l’État Félix Antoine Tshisekedi ne devraient pas être une obligation pour certains acteurs politiques. Ils estiment que c’est une façon pour le Cach, via le ministre de l’Intérieur d’envenimer davantage la crise entre les deux coalitions au pouvoir. D’autres soutiennent que les gouverneurs, en tant que représentant du Chef de l’État en province, sont sensés prendre part à ces assises qui, au-delà de son aspect politique, permettent au Chef de l’État Félix Antoine Tshisekedi d’avoir la température dans plusieurs secteurs de la vie nationale, d’autant plus que deux ans après l’accession de Félix Antoine Tshisekedi au pouvoir il n’y a jamais eu de conférence des gouverneurs.
Notons qu’à l’heure actuelle, au delà de la bataille politique entre Félix Antoine Tshisekedi et son prédécesseur Joseph Kabila Kabange, il y a également la bataille diplomatique.
À cet effet, d’après Barnabé Kikaya, ancien conseiller diplomatique de Joseph Kabila Kabange, l’autorité morale du FCC a saisi plusieurs chefs d’État africains pour leurs démontrer l’utilité de l’accord FCC-CACH. Certaines indiscrétions indiquent même que Joseph Kabila Kabange séjourne actuellement en Afrique du Sud où il compte personnellement rencontrer le Chef de l’État sud-africain.
De son côté, le Chef de l’État Félix Antoine Tshisekedi a dépêché ses emissimaires dans différents pays africains. L’on se souviendra de la délégation des proches de F. Tshisekedi conduite par son ambassadeur itinérant André Wameso, son Conseiller Privé Fortunat Biselele et Me Théthé Kabwa, qui a été reçue par Kagame du Rwanda et Al Sisi de l’Égypte. D’après l’entourage de FATSHI, cette délégation doit se rendre également au Kenya.
Des observateurs suivent de près les consultations politiques initiées par le Chef de l’État Félix Antoine Tshisekedi pour savoir quelle sera le sort de la coalition FCC-CACH. Dossier à suivre !
MUAMBA MULEMBUE CLÉMENT/CONGOPROFOND.NET
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Valentin Yves Mudimbe s’en est allé, mais sa parole demeure : l’Afrique orpheline d’un géant de la pensée

Ce jour, la République Démocratique du Congo, l’Afrique et le monde intellectuel viennent de perdre un monument. Valentin Yves Mudimbe, philosophe, écrivain et penseur hors pair, s’est éteint aux États-Unis, laissant derrière lui une œuvre aussi dense que subversive, une parole aussi lucide qu’indomptable.
Né en 1941 à Jadotville (actuelle Likasi), en RDC, Valentin Yves Mudimbe fut l’un des intellectuels africains les plus influents du XXᵉ et du XXIᵉ siècle. Professeur émérite à l’Université Duke, anthropologue, linguiste et romancier, il a marqué les sciences humaines par sa critique radicale des épistémologies coloniales et sa déconstruction des discours dominants sur l’Afrique.
Son œuvre majeure, The Invention of Africa (1988), reste un texte fondateur des études postcoloniales. Mudimbe y démontre comment l’Afrique a été « inventée » par le regard occidental, à travers des catégories de savoir qui ont nié ses propres logiques de pensée. Pour lui, « l’Afrique n’existe pas en dehors des représentations qui la constituent », une thèse qui a révolutionné la manière d’appréhender le continent.
Yves Mudimbe n’était pas seulement un théoricien : c’était un penseur du soupçon, toujours en éveil face aux illusions des idéologies, qu’elles soient coloniales, nationalistes ou néolibérales. Dans L’Odeur du père (1982), il explore les contradictions des élites africaines post-indépendances, dénonçant leur aliénation mimétique. Son roman Entre les eaux (1973) questionne la tension entre engagement politique et spiritualité.
Il a révélé sa propre trajectoire de prêtre jésuite devenu philosophe laïc. Ses travaux sur Foucault, Derrida et les structuralistes européens en font un passeur exceptionnel entre les traditions intellectuelles africaines et occidentales. Pourtant, il refusait toute étiquette : « Je ne suis ni un afrocentriste, ni un occidentaliste. Je suis un penseur de la fracture, de l’entre-deux », disait-il.
Aujourd’hui, alors que l’Afrique est confrontée à de nouveaux défis – néocolonialismes économiques, crises démocratiques, guerres d’influence –, la pensée de Mudimbe reste d’une brûlante actualité. Son questionnement sur « les conditions de production du savoir africain » invite à repenser l’université, la recherche et les médias du continent. Il laisse derrière lui des disciples à travers le monde. Des chercheurs qui continuent de déconstruire les récits hégémoniques.
« Mudimbe nous a appris à douter, à interroger nos propres certitudes ». La RDC en deuil mais l’Afrique en héritage, conclut le polymathe, cet autre géant de la pensée post-coloniale. Le Congo pleure l’un de ses plus grands fils, mais son héritage est impérissable. Dans un pays souvent meurtri par l’amnésie historique, Yves Mudimbe rappelait que « la mémoire est un acte de résistance ».
Alors que les hommages affluent du monde entier – de Paris à Johannesburg, de Dakar à New York –, une certitude s’impose : Yves Mudimbe est mort, mais sa parole, elle, ne mourra jamais. « Les mots ne sont pas innocents. Ils portent en eux la violence de l’histoire. » — Valentin Yves Mudimbe
TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR