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Bukunzi, le royaume tampon entre le Bushi et le royaume du Ruanda ( Par Ewing Ahmed Salumu, Chercheur)

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La région des Grands lacs africains est une zone instable d’Afrique et est secouée depuis plusieurs  décennies par des conflits à répétition. Beaucoup placent cette instabilité avec le début du génocide rwandais de 1994, suivi par une guerre sans fin du Congo depuis 1996. Les faits historiques prouvent le contraire car depuis des siècles la guerre de conquête fait des millions des morts dans cette région et ça selon les époques.  

Du 13ème siècle à nos jours, vous pouvez compter une centaine de guerres entre les royaumes ; entre les peuples et entre les pays. Chaque tentative d’acquisition des nouvelles terres crée ici des perturbations immenses. Chaque essaie de colonisation des nouvelles contrées suscitent une résistance et des migrations des populations. Pour se protéger des attaques, les royaumes développent des stratégies existentielles. Le Ruanda ancien a, en ce sens, développé une politique des terres d’influences et des terres razzias. 

Nous parlons dans cet article de la zone d’influence du royaume du Ruanda dans sa périphérie Ouest connue sous le nom du Bukunzi et nous survolons, sans entrer dans les détails, le Busozo. Ces deux  petits royaumes constituent donc une bande des terres que nous pouvons considérer comme une  zone tampon entre la monarchie rwandaise et les autres royaumes au-delà du lac Kivu et de la rivière Ruzizi. Après cette zone tampon, que les Anglais nomment « buffer zone », nous avons le royaume du Bushi, le Buhavu, le Bufuliro, le Buhunde et autres. Ce sont des zones dites de Razzia pour le Ruanda.  Ces parties ne sont pas constitutives du royaume du Ruanda et subissent des attaques de la  monarchie à chaque fois que celle-ci fait la razzia pour avoir des vaches. Ce sont des guerres économiques pour l’acquisition des richesses. Il y a aussi des attaques pour l’acquisition des nouvelles terres car le Rwanda actuel est le fruit des conquêtes. 

Le Bukunzi est cité dans plusieurs articles coloniaux et décrit comme un petit royaume hutu « des rois  faiseurs de pluie ». Comme dit plus haut, la partie constitutive de ce royaume se trouve aujourd’hui à l’extrémité ouest du Rwanda dans ce qui est le « Rusizi district ». Le petit royaume du Bukunzi est connu comme étant rebelle aux rois du Rwanda et aux colonisateurs Allemands. Quand les Belges  prennent le contrôle du Ruanda et de l`Urundi après la signature du traité de Versailles, le Bukunzi  poursuit sa résistance et ne se soumet pas aux Belges. Mais la mort de mwami Ndagano Ruhagata va  changer la donne. 

Il faut dire que Ndagano Ruhagata est connu dans le Bushi au Sud-Kivu. Rien que citer son nom réveille des souvenirs des anciens car dans un passé récent, des familles entières traversaient la  rivière Ruzizi pour se rendre au Bukunzi pour des visites familiales. Le Bukunzi c’est aussi une terre  d’accueil car, à chaque crise dans le royaume du Bushi, les peuples se réfugient chez Ndagano. Au delà du temps de crise, les colons recrutent des travailleurs au Bukunzi. Ces derniers viennent pour  des travaux saisonniers par exemple dans les champs de café.  

Ndagano, le dernier des rois pluviateurs 

La chute ou le déclin du Bukunzi coïncide avec la mort de Ndagano Ruhagata. La date de sa mort, qui  ne fait aucun doute, est le 30 mars 1923.  

Après la mort de Ndagano, tout est chamboulé dans le royaume. La reine mère tout comme ses  enfants sont pourchassés et tués. Le pays est occupé et placé sous le contrôle de la cour du Ruanda  via le représentant de Mwami Yuhi V Musinga, le nommé Rwagataraka (Rwakataraka). 

Ndagano Ruhagata est donc le dernier roi du Bukunzi. D’où vient-il ? Quelle est son origine ? Les administrateurs coloniaux dont Thielemans et autres, nous donnent des détails précieux dans leurs  publications qui datent des années 1920 et 1930. Il est prouvé que Ndagano Ruhagata est d’origine  Shi ou Mushi. Il est l’arrière-arrière-petit-fils de Kiju, un ancien notable Shi contraint à l’exil par la cour  du Bushi vers le 16esiècle. Lors d’un conflit, le notable Kiju n’a d’autres choix que de traverser la  rivière Ruzizi, en partant de Lwindi, pour s’installer et former ce qui devient le « royaume du Bukunzi ».  La date exacte de son arrivée au Rwanda pose encore des problèmes.  

De Mwami Kiju jusqu’au Mwami Ndagano, toute la lignée est rebelle et insoumise aux rois du Ruanda. D’où son autonomie. Une situation toujours tolérée par les rois du Rwanda précoloniale et coloniale. La raison principale de cette tolérance s’explique par la connaissance météorologique des Bami du Bukunzi. Selon la légende, ces bami pouvaient faire tomber la pluie. Voilà pourquoi ils sont  surnommés « des rois pluviateurs » dans la littérature coloniale. Une parfaite connaissance de la météorologie et la gestion des prévisions pluviométriques sont ou constituent une assurance vie du Bukunzi face aux rois du Ruanda. Dans littérature, nous remarquons que Mwami Yuhi V Musinga a des bonnes relations avec le Bukunzi de Ndagano Ruhagata. Le Bukunzi est donc autonome avant la  colonisation et même pendant la colonisation jusqu`à son intégration dans l’administration du  Ruanda colonial en 1924.  

La cour de Ndagano se trouve sur colline de Nyamubembe qui fait aujourd’hui partie intégrante de la Rusizi district avec Kamembe, Mururu, Bugarama et autres villes et villages du Rwanda. La présence d’une autorité shi dans cet espace fait qu’aujourd’hui une bonne partie de la population Hutu qui y habite soit d’origine Shi, Fuliru ou Havu. Jusqu’à récemment la langue shi, le mashi, se parlait dans le Bukunzi.  

Perte d’autonomie 

La création de la province de Shangugu, en 1916, par l’administration coloniale, avec comme  territoire : Impara, Biru, Bukunzi et Busozo n’a jamais changé le statut du Bukunzi face au royaume du Ruanda. C’est en ce sens que les auteurs Vansina et le révérend père Pages insistent sur le fait que le Bukunzi est un territoire autonome de la cour du Rwanda. Cette autonomie ne pose aussi aucun  problème à l’administration coloniale jusqu’au décès de Ndagano. Il est dit, qu’à son inhumation, un rituel humain sonne la fin. C’est ce qu’affirment aussi plusieurs documents administratifs consultés et  qui font partie de la collection Derscheid. 

D’après les documents, Ndagano est enterré ensemble avec 4 personnes vivantes. Une situation qui suscite une grande indignation et la colère des administrateurs coloniaux. Pour cette occasion, les colons décident d’agir avec plus de sévérité. Une opération militaire se décide dans la foulée. Une unité spéciale est mise en place sous le commandement de l’adjudant-chef Neys. En quelques jours,  le royaume du Bukunzi est assiégé. La mère de Ndagano ou reine-mère Nyabikunzi est tuée tout  comme l’un de fils de Ndagano. L’aine échappe et prend la fuite. L’administration coloniale nomme  directement le mutusi Rwagataraka comme administrateur du Bukunzi. Le Busozo, province rebelle  aussi et proche du Bukunzi, est aussi affecté par la décision et subit le même sort. L’unité qui va dans le Busozo est commandé par le commandant aspirant Benzing. 

Dans sa note sur le Bukunzi, datant de 1934, l’ancien Administrateur de territoire Thielemans, surnommé Ruhunika par la population rwandaise, dit que l’administration devrait intervenir, changer la gestion du Royaume et placer Rwagataraka comme chef du Bukunzi. Le contrôle du royaume par Rwagataraka, qui dépend directement du mwami Musinga, permet ainsi indirectement au Bukunzi de dépendre de la cour de Nyanza et de la colonisation Belge. L’administrateur Thielemans insiste sur le fait que l’opération contre le Bukunzi ne devrait pas échouer d’autant plus qu’en 1923, une autre  opération planifiée par l’Administrateur de Territoire Keyzer, avait échoué. L’Administrateur de territoire Bourgeois revient aussi sur cette question des opérations militaires du Bukunzi et précise que le premier à mener des opérations au Bukunzi est le Commandant Persain. Il y a donc eu plusieurs tentatives pour tenter d’annexer et de contrôler le Bukunzi.  

La prise de contrôle du Bukunzi par Rwagataraka met fin aux années de gloire du petit royaume shi ou  bashi du Rwanda face à l’administration de la cour du Ruanda. Son incorporation dans  l’administration coloniale conduit au déclin du dernier royaume tampon ou buffer zone qui existe  depuis des siècle s entre le royaume du Ruanda et les royaumes du Bushi. C`est la fin de l’enclave Shi. 

L’intégration du Kinyarwanda fait aussi que la population est encouragée à parler plus la langue  parlée dans une grande partie du pays et elle est encouragé d`arrêter de parler mashi, la langue des  bashi. En 1980 on estimait encore le nombre de locuteur mashi à 35.000.  

Population du Bukunzi 

De son vivant, chef Ndagano règne sur une population estimée à approximativement 16.000  personnes. Comme déjà soulignée plus haut, c’est une population shi ou avec une proximité avec les bashi. Un des exemples pratiques qui explique cette proximité est le recours au Gushega : le pacte de  sang. Ce pacte est un contrat qui lie deux personnes et sécurise son inviolabilité par les parties  contractantes. Le Gushega, qui va avec le Kunywana ou « boire du sang de l`autre », est une pratique  dans le Bushi de l’époque.  

Dans sa note sur le territoire de Cyangugu qui date de 1934, l’ancien administrateur de territoire de  Cyangugu, Bourgeois, surnommé Rukiza par les populations Rwandaises, affirme que Ndagano du Bukunzi régnait sur une population originaire du bushi et donc du Sud-Kivu dans l’actuel RD Congo.  Au fait, la présence d`un chef shi fait que plusieurs personnes en provenance de Ngweshe et Kabare  vont s’installer dans le Bukunzi. La distance qui sépare la cour de Ndagano sur la colline de Nyamubembe au Rwanda et Nyalukemba à Bukavu est de 32 km. Nyamubembe est donc proche des  localités Shi du Congo Belge. Il suffit de traverser les rapides de la rivière Ruzizi pour s`y rendre et à  pieds. La distance entre Nyamubembe et Panzi, Mumosho ou encore Nyangezi est très courte. Il faut  aussi mentionner la distance qui sépare le petit village du Bukunzi dit Nyakabuye de Bukavu qui est juste de 37 km. La distance entre Nyakabuye et Panzi à Bukavu est très courte. Il n’y a pas que les  population Shi qui vont s’établir au Bukunzi. Les Fulero et les Havu vont aussi s`y installer. A lire les  notes des deux administrateurs coloniaux van Ghinste et Corbisier, vous pouvez vous faire une  exactitude sur les liens qui existent entre le Bukunzi avec Kabare et Ngweshe. Nous trouvons chez les bashi le clan des Bakunzi qui sont aussi surnommés Babofwa. Il s’agit ici d’une partie des Bakunzi qui avaient quitté le Bukunzi et décider de rentrer chez Kabare. Ce groupe est rentré en passant par Panzi. Le gros arbre Mutudu qui a existé à Panzi a été planté par Nabukunzi.  

La conclusion à tirer est que sans une intervention musclée des forces coloniales, le Bukunzi serait restée une zone autonome et demeurer une enclave Shi au Rwanda. Nous pouvons aussi confirmer qu’une grande partie de la population de la côte Ouest du Rwanda en commençant par l’ile Nkombo  sur le lac Kivu, en prolongeant sur la pointe de la colline Nyamirundi en passant par toute la dorsale  de la rivière Rusizi/Ruzizi jusqu’à Bugarama, a une origine Congolaise. Les archives prouvent que les nommés hutus ont en fait une origine congolaise. Le tracé des frontières de 1884 intégrait tous ces peuples dans le Congo Belge.  

Nous basant aussi sur les déclarations des administrateurs coloniaux, nous pouvons être clairs sur un  point : c`est l`opération militaire qui permet aux éleveurs tutsis, sous la protection des militaires  belges, de s’établir dans le Bukunzi et ça à partir de 1926. En ce sens, nous remarquons que Cyangugu  est cosmopolite car habité plus par les populations Bashi, Bahavu, Bafuliro tout comme des tutsi et  Twa du Rwanda et du Burundi. Du temps de la colonisation Belge Cyangugu comprend les royaumes  du Bukunzi et du Busozo ainsi que l`Impara et le Biru. Dans le Biru, nous trouvons les Bafuliro et les  Barundi qui sont venus de la plaine de Ruzizi. En 1920 d`ailleurs, le Biru est dirigé par un sous-chef  mushi du nom de Ntumwa, fils de Birari ou Birali.  

Pour finir, l`histoire nous renseigne que sans l`arrivée des Bagufi, que nous reconnaissons comme  étant les révoltés Batetelas de Luluabourg au Congo Belge, la frontière actuelle de la RDC ne serait jamais le lac Kivu ou encore la prolongation de la rivière Ruzizi. La frontière entre la RD Congo et  Rwanda aujourd’hui est juste une émanation de la décision de la commission de frontière de 1902 et  ça quelques 10 ans après les négociations ratées du commandant Célestin Hecq. 

 

Références 

  1. Moeller, A (1934). Les Bashi (dits aussi Banya-Bongo) et leurs voisins. 
  2. Pagès, G. (1933). Au Ruanda sur les bords du lac Kivu (Congo Belge) : un royaume hamite au  centre de l’Afrique
  3. Vansina, J. (2000). L’évolution du Royaume Rwanda des origines à 1900
  4. Corbisier, F. (1933). Province orientale, territoires des Banya-bongo  

 Par Ewing Ahmed Salumu 

14 Aout 2023 

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Sports

Coupe du Congo : Simba terrasse Blessing dans le derby de Kolwezi et file en quarts

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C’était le match le plus attendu du Lualaba : le grand derby de Kolwezi, opposant l’AS Simba au FC Blessing, s’est tenu ce vendredi 20 juin 2025 dans le cadre du tour préliminaire de la 59e Coupe du Congo. Une rencontre électrique au stade Dominique Diur, où les Kamikazes de Simba ont fait la loi en s’imposant 1-0 face à leurs rivaux historiques.

Dans une ambiance incandescente, les deux équipes ont offert un spectacle digne des grandes joutes nationales. Mais c’est Olivier Kitenge qui a eu le dernier mot. À la 88e minute, l’attaquant de Simba a libéré les siens d’un tir imparable, scellant le sort d’un FC Blessing impuissant en fin de partie.

Ce succès permet à l’AS Simba de valider son ticket pour les quarts de finale de la compétition, avec l’assurance d’avoir conquis une victoire symbolique face à son voisin honni.

Dans les autres rencontres disputées jeudi 19 juin, le FC MK de Kinshasa (zone Ouest) a battu l’OC Les Élites d’Inga 1-0, tandis que l’US Gexkol de Kolwezi a arraché sa qualification contre Wadile Mfumu de Likasi après un nul 1-1 et une victoire 6-5 aux tirs au but.

Prochaine affiche attendue : l’AS Nyuki de Butembo reçoit le FC Étoile du Kivu de Bukavu ce samedi 21 juin au stade André Matokeo. Coup d’envoi prévu à 15h00.

Cedrick Sadiki Mbala/CONGOPROFOND.NET

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