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Bemba à Kinshasa : le MLC saisit Gentiny Ngobila

Le Mouvement de Libération du Congo (MLC) a écrit au gouverneur de la ville de Kinshasa sur le retour
de son président national Jean-Pierre Bemba.
« Par la présente, nous avons l’avantage de vous
informer que l’ancien vice-président de la République, Monsieur Jean-Pierre Bemba Gombo, président
national du MLC rentre à Kinshasa, ce dimanche 23 juin 2019 à 10 heures par l’aéport international de N’djili. A cet effet, le MLC et la coordination
provinciale de Lamuka ville de Kinshasa ont prévu de l’accueillir à l’aéroport pour le conduire jusqu’au
lieu du meeting, l’espace attenant au bas côté du
boulevard Triomphal. Vous remerciant de vos
bonnes dispositions, veuillez agréer, Monsieur le Gouverneur , l’expression de mes salutations
distinguées », lit-on dans la correspondance adressée ce mardi 05 juin 2019 au gouverneur de la ville Kinshasa et signée par Fidèle Babala, secrétaire général adjoint de ce parti.
Notons que l’annonce de son retour intervient après le retour d’exil de Moïse Katumbi, qui veut incarner une « opposition républicaine » et exigeante » au président Tshisekedi. Mais aussi au moment où la plateforme Lamuka est minée par des suspicions. Il se chuchotait que le premier mois du mandat de Moïse à la tête de LAMUKA, n’a pas donné un nouvel élan à ce rassemblement de l’opposition. Les appels se multiplient pour des orientations politiques clairement définies par le présidium pour permettre à la population de demeurer mobilisée.
La secrétaire générale du MLC Eve Bazaiba, citée dans un média international, a calmé ainsi le jeu sur le rapport de force sur le terrain. Elle a déclaré : » Prenez votre mal en patience. Le président Bemba se prononcera clairement « .
À titre de rappel, c’est le 1er août 2018 que Jean-Pierre Bemba avait fait son premier retour triomphal à Kinshasa après plus de onze ans d’absence, dont dix en prison au Pays-Bas.
Il venait d’être acquitté en juin par la Cour pénale internationale (CPI) qui l’avait condamné en première instance à 18 ans de prison pour des crimes commis par sa milice en Centrafrique en 2002-2003.
L’homme politique dont la candidature a été rejetée lors de la dernière présidentielle faisait partie de la coalition d’opposition pour une candidature unique face à Joseph Kabila qui a finalement volé en éclat.
Bemba avait alors soutenu le candidat d’opposition, Martin Fayulu, qui conteste la victoire de Félix Tshisekedi et revendique la « vérité des urnes ».
MUAKAMU/CONGOPROFOND.NET
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À la Une
Valentin Yves Mudimbe s’en est allé, mais sa parole demeure : l’Afrique orpheline d’un géant de la pensée

Ce jour, la République Démocratique du Congo, l’Afrique et le monde intellectuel viennent de perdre un monument. Valentin Yves Mudimbe, philosophe, écrivain et penseur hors pair, s’est éteint aux États-Unis, laissant derrière lui une œuvre aussi dense que subversive, une parole aussi lucide qu’indomptable.
Né en 1941 à Jadotville (actuelle Likasi), en RDC, Valentin Yves Mudimbe fut l’un des intellectuels africains les plus influents du XXᵉ et du XXIᵉ siècle. Professeur émérite à l’Université Duke, anthropologue, linguiste et romancier, il a marqué les sciences humaines par sa critique radicale des épistémologies coloniales et sa déconstruction des discours dominants sur l’Afrique.
Son œuvre majeure, The Invention of Africa (1988), reste un texte fondateur des études postcoloniales. Mudimbe y démontre comment l’Afrique a été « inventée » par le regard occidental, à travers des catégories de savoir qui ont nié ses propres logiques de pensée. Pour lui, « l’Afrique n’existe pas en dehors des représentations qui la constituent », une thèse qui a révolutionné la manière d’appréhender le continent.
Yves Mudimbe n’était pas seulement un théoricien : c’était un penseur du soupçon, toujours en éveil face aux illusions des idéologies, qu’elles soient coloniales, nationalistes ou néolibérales. Dans L’Odeur du père (1982), il explore les contradictions des élites africaines post-indépendances, dénonçant leur aliénation mimétique. Son roman Entre les eaux (1973) questionne la tension entre engagement politique et spiritualité.
Il a révélé sa propre trajectoire de prêtre jésuite devenu philosophe laïc. Ses travaux sur Foucault, Derrida et les structuralistes européens en font un passeur exceptionnel entre les traditions intellectuelles africaines et occidentales. Pourtant, il refusait toute étiquette : « Je ne suis ni un afrocentriste, ni un occidentaliste. Je suis un penseur de la fracture, de l’entre-deux », disait-il.
Aujourd’hui, alors que l’Afrique est confrontée à de nouveaux défis – néocolonialismes économiques, crises démocratiques, guerres d’influence –, la pensée de Mudimbe reste d’une brûlante actualité. Son questionnement sur « les conditions de production du savoir africain » invite à repenser l’université, la recherche et les médias du continent. Il laisse derrière lui des disciples à travers le monde. Des chercheurs qui continuent de déconstruire les récits hégémoniques.
« Mudimbe nous a appris à douter, à interroger nos propres certitudes ». La RDC en deuil mais l’Afrique en héritage, conclut le polymathe, cet autre géant de la pensée post-coloniale. Le Congo pleure l’un de ses plus grands fils, mais son héritage est impérissable. Dans un pays souvent meurtri par l’amnésie historique, Yves Mudimbe rappelait que « la mémoire est un acte de résistance ».
Alors que les hommages affluent du monde entier – de Paris à Johannesburg, de Dakar à New York –, une certitude s’impose : Yves Mudimbe est mort, mais sa parole, elle, ne mourra jamais. « Les mots ne sont pas innocents. Ils portent en eux la violence de l’histoire. » — Valentin Yves Mudimbe
TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR
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