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Au-delà de Kamerhe : Ministres, Gouverneurs et PDG, tous exposés

Il n’y a pas eu de surprise samedi à la Prison centrale de Makala. Vital Kamerhe, Samih Jammal et Jeannot Muhima qui clamaient tous leur innocence dans le dossier des maisons préfabriquées, ont été lourdement condamnés par le Tribunal de Grande Instance de Kinshasa/Gombe. 20-20-2 (lisez 20 ans, 20 ans, 2 ans), tel est le tiercé perdant qui a sanctionné un procès historique, marqué par deux rebondissements spectaculaires.
D’abord l’assassinat inexpliqué du Juge-Président Raphael Yanyi et ensuite l’intrusion injustifiée du Greffier en Chef de la Cour Constitutionnelle dans une affaire déjà prise en délibér.

Juge Raphael Yanyi
Qu’à cela ne tienne. Malgré la manip et l’intox, malgré les intimidations de toutes sortes, le procès est allé jusqu’au bout et on le doit au professionnalisme des magistrats à qui nous devons tous rendre un vibrant hommage.
A l’heure du bilan, il y a lieu de dire que des leçons enrichissantes peuvent être tirées de ces longues semaines de débats, suivis en direct aux quatre coins du pays et du globe. Des débats riches, qui ont montré le niveau élevé des animateurs de notre appareil judiciaire.
La principale leçon à tirer de ce procès est d’ordre pédagogique. Jusqu’à l’affaire Kamerhe et consorts, beaucoup de Congolais ignoraient le contenu de l’infraction de détournement. A la faveur de ce procès, ils savent désormais que celle-ci n’est pas à confondre avec l’infraction de vol.
En effet, selon un Arrêt de la Cour Suprême de Justice ( actuelle Cour de Cassation) qui fait aujourd’hui office de jurisprudence, « il y a participation à l’infraction de détournement lorsqu’il résulte des faits et actes de la cause une volonté commune et convergente de tous les prévenus de se procurer un avantage illicite, notamment en faisant des prélèvements et en les acceptant des autres, et IL N’EST PAS NECESSAIRE QUE LES SOMMES DETOURNEES SOIENT ENTRE LES MAINS DU DETOURNEUR mais il suffit qu’en vertu de sa charge il exerce un certain pouvoir sur lesdites sommes. (ARRET R.P.A 89).
A la lumière de cette définition, on réalise que VK et sa défense ont fait fausse route en demandant constamment à l’organe de la loi de leur indiquer le moment où Vital Kamerhe avait reçu l’argent. Quand on donne des instructions et surtout lorsque celles-ci reposent sur des bases illégales (absence de contrat, inexistence juridique des entreprises etc), on doit savoir à quoi on s’expose.
La leçon vaut aujourd’hui pour tous ceux qui gèrent les ministères, les provinces et les entreprises publiques. Pour la plupart, on sait qu’ils passent leur temps à sponsoriser les partis qui les ont désignés à ces fonctions ainsi que leurs amis et connaissances. Si hier ils pouvaient tout se permettre en vertu de la politique générale de pillage qui caractérisait la gestion de l’État, ils doivent désormais savoir que la réhabilitation du Pouvoir Judiciaire les expose à des poursuites s’ils ne changent pas de comportement. Le message est tout aussi valable pour leurs collaborateurs qui appliquent aveuglément des ordres de déstabilisation financière des ministères, des entités décentralisées et des entreprises publiques. Aux uns et aux autres il est demandé un peu de civisme pour assurer la sauvegarde des biens collectifs. Pour être plus clair, les ministres, gouverneurs et mandataires publics au sein des entreprises d’État ont le devoir de se remettre en question et d’assumer désormais les fonctions qui leur sont confiées dans le strict respect de la loi. Pas de clientélisme, pas de tripatouillage, sauf à vouloir prendre le chemin des différents pénitenciers du pays : Makala, Luzumi, Kasapa, Buluwo, Bulambemba, Angenga etc.
Pour revenir à l’affaire des maisons préfabriquées, on sait que la défense a annoncé son intention d’interjeter appel. Elle dispose pour cela de dix jours pour formaliser sa requête.
Mais en attendant que la Cour d’Appel soit saisie, force est de constater que la démarche fait face à une embûche de taille. Il s’agit de l’absence de contrat, de l’avis de non-objection du Directeur Général de la Direction Générale de Contrôle des Marchés Publics etc, pièces sans lesquelles tous les actes posés par le condamné Kamerhe Lwa Kanyingini Nkungi Vital sont réputés illégaux.
Aller en appel dans ces conditions, c’est juste pour entretenir des illusions. Pour dire que tout a été tenté. Sans plus.
Journal Le Phare
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Kinshasa perd une plume d’or : Sénado alias « Général Bowane » s’en est allé

Kinshasa pleure l’un de ses enfants prodiges. Sénado Mananasi, connu encore sous le nom de « Général Bowane », s’est éteint, emportant avec lui un pan discret mais fondamental de l’histoire musicale congolaise. Auteur, compositeur, parolier de l’ombre, il était pourtant la source lumineuse derrière des tubes devenus cultes dans les années 80 et 90.
Natif de Kingasani, dans le district populaire de la Tshangu, Sénado a été bercé dès l’enfance par l’effervescence musicale de Kinshasa. Vers le milieu des années 1980, il entre dans les orchestres Balafon et Select Musica de Malembe Chant, où sa voix suave et son sens inné de la mélodie le rendent vite incontournable.
Mais c’est surtout par la plume que le Général Bowane se distingue. Il signe en effet « Sai Sai », chanson mythique interprétée par Papa Wemba, devenue un succès planétaire. Un titre qui a traversé les frontières du Congo pour résonner jusqu’en Europe et dans les diasporas africaines. Peu savent que derrière cette pépite, se cachait ce parolier modeste, attaché à sa Tshangu natale.
Sénado a également prêté son talent à de nombreuses formations musicales de Kinshasa. Plusieurs chansons interprétées par le clan Wenge Musica portent sa signature, preuve de son ancrage profond dans la sève artistique qui a nourri une génération entière. Les archives officieuses de la musique congolaise regorgent de ces refrains populaires dont il fut l’architecte discret.
Par ailleurs, il était le grand frère de Chai Ngenge, ancien membre éminent du groupe Wenge BCBG de JB Mpiana. Une fratrie musicale donc, dont l’influence s’étend sur plusieurs décennies de rumba, de ndombolo et de toutes les hybridations qui ont fait la renommée du « son kinois ».
L’annonce de sa mort a suscité une vive émotion parmi les mélomanes, les artistes, et ceux qui, dans l’ombre comme lui, œuvrent à l’immortalité de la culture congolaise. Les hommages affluent, mais nombreux sont ceux qui regrettent que Sénado n’ait jamais reçu de reconnaissance à la mesure de son apport. Comme tant d’autres génies silencieux de la scène congolaise, il s’en va sans disques d’or, mais avec l’or des cœurs.
Son parcours rappelle cruellement combien la mémoire musicale congolaise est souvent injuste avec ses bâtisseurs. Le Général Bowane n’était pas une figure de paille : il était un passeur d’émotion, un faiseur de classiques, un pilier invisible d’une époque d’or.
Tchèques Bukasa/CONGOPROFOND.NET